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"Dans de nombreux cas, le plastique est bénéfique"

Publié par Lisa Henry le | Mis à jour le
'Dans de nombreux cas, le plastique est bénéfique'
© Vladimir Ovchinnikov - stock.adobe.com

À rebours de la vague anti-plastique Pierre Beirnaert, acteur de la plasturgie chez Elydan, relativise : dans certains cas, le plastique c'est fantastique.

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À l'heure où l'industrie est en quête d'alternatives au plastique, il n'est peut-être pas inutile de se demander si, dans certains secteurs, ce matériau jugé polluant, n'aurait pas des applications bénéfiques. C'est ainsi que Pierre Beirnaert, responsable du développement international d'Elydan, acteur de la plasturgie, fait entendre sa voix dissonante. Cette société produit des tubes d'acheminement ou de protection en polymère. Elle s'engage à construire de façon plus durable, et minimiser son impact sur l'environnement, pour en préserver les ressources. Pour cela, Elydan opte pour un matériau qui "apporte de nombreux avantages techniques et écologiques" : le plastique (polyéthylène haute densité). Ce parti pris qui semble à rebours des tendances, Pierre Beirnaert l'assume...

Aujourd'hui, vous êtes à contre-courant des tendances puisque le plastique n'est plus fantastique...

C'est vrai, mais le souci c'est surtout les idées reçues. J'ai décidé de prendre position, notamment avec un article que j'ai écrit sur Linkedin, à titre personnel et non comme employé Elydan. Même si je rejoins les idées de ma société, quand j'écris "le plastique, à rebours des idées reçues", c'est en réponse à tout ce que l'on peut entendre dans les médias, ainsi que dans les discutions privées, où le plastique est présenté systématiquement de manière négative. Mais ce n'est pas qu'un matériau polluant et nuisible. Il me paraît important de chercher à comprendre quelle est la meilleure application, le meilleur système. Dans de nombreux cas, le plastique est bénéfique.


Qu'est-ce que la loi contre le gaspillage, visant à limiter l'utilisation et la production de plastique, a changé dans votre travail ?

Nous avons un positionnement très différent de celui de certains acteurs de la plasturgie. Nous ne fabriquons pas de solutions de sur-packaging par exemple ; un plastique qui pollue les océans. La loi contre le gaspillage nous concerne dans nos processus internes, mais pas pour limiter l'utilisation de nos produits. Nous nous positionnons sur des marchés de solutions à long terme, en fabriquant des tubes pour les réseaux d'eau potable, de gaz ou des protections de câbles, qui vont servir à construire des infrastructures de réseaux et vont permettre de développer des villes plus écologiques et plus propre. Nous appliquons les meilleures solutions pour le projet visé. Si le pastique à usage unique est jugé mauvais, il peut être durable lorsqu'il sert à acheminer l'eau potable dans les habitations, par exemple.

Des tubes en fontes ne seraient-ils pas meilleurs en matière d'écologie ?

Non. L'impact environnemental d'un tube en fonte est en réalité bien pire que celui d'un tube en polymère. De nombreuses études européennes le montrent, et c'est un écart considérable, on parle ici de ratio de 1 à 3 voire 1 à 5 sur différents critères environnementaux. Qu'il soit en plastique ou non, pour créer un tube d'acheminement, on doit extraire de la matière du sol. Pour un tube en polymère, l'éthylène, un gaz issu du naphta, résidus du raffinage du pétrole. Pour un tube en fonte, des minerais sont extraits pour faire des alliages. Alors lequel est le meilleur ? Beaucoup avancent que les minerais sont naturels, donc moins impactants pour l'environnement. Mais le pétrole aussi ! Dans les deux cas, ce n'est pas la matière première qui pollue mais son extraction et sa transformation. Une usine à ciel ouvert pour extraire et traiter des minerais est extrêmement polluante, alors que le plus gros risque de pollution avec le pétrole concerne les émissions de CO2 lors de sa combustion. Mais, pour créer du polymère, on ne brûle pas le pétrole, au contraire, on recycle des sous-produits issus du raffinage, ce qui limite énormément l'impact écologique de la transformation de la matière.

La transformation des minerais est très énergivore. Il faut amener le métal au point de fusion pour le modéliser et le transformer : cela demande bien plus d'énergie que pour chauffer du polymère. En plus, les tubes en fonte eux-même sont revêtus de polymère non recyclable pour prévenir la corrosion des métaux ! C'est une double peine. Les tubes en polymère sont "mono-matière", alors même si cette matière c'est le plastique, l'impact environnemental est véritablement minime par rapport à la solution de la fonte, si souvent proposée.

Comment gérez-vous la fin de vie de vos tubes ?

Une fois qu'ils ont été utilisés, et après une application d'au moins 100 ans, nous retirons le tube en fin de vie du sol. Sur les canalisations il n'y a qu'une seule matière, le polymère. Cela rend la recyclabilité moins contraignante, et moins couteuse. Il est possible de récupérer le tube, le laver et le broyer pour l'utiliser dans d'autres applications. 100 % de nos tuyaux sont ainsi recyclés sans traitement particulier.

Comment vous positionnez-vous face au combat contre le plastique, le comprenez-vous, ou pensez-vous que ceux qui le mènent ne comprennent pas votre métier ?

Je comprends tout à fait ce combat. Si dans la vie de tous les jours je lutte à mon échelle pour l'écologie, dans mon secteur, je lutte contre la démagogie. Il ne faut pas tout mélanger, et surtout être prudent dans son jugement lorsque l'on n'est pas expert du secteur. En somme, ne pas tout mettre dans le même sac.

Je veux créer un débat et inviter tout le monde à s'informer. Dans notre secteur, nous avons tendance à nous justifier, voire à nous excuser, mais nous pourrions presque nous féliciter de transformer des plastiques pour participer à des projets d'acheminement d'eau potable ou de gaz naturel dans les villes. Nous apportons notre pierre à l'édifice du développement mondial durable, et aidons les populations qui en bénéficient.

Quel est l'avenir de la plasturgie, comment le secteur doit-il s'améliorer, et comment va-t-il survivre aux nouvelles lois pour la transition écologique ?

Favoriser les plastiques sains et améliorer les filières de recyclage, afin que le plastique ne se retrouve plus dans nos océans. Le bon plastique, c'est aussi celui qu'on utilise pour l'isolation, par exemple, qui réduit par trois, quatre, voire par cinq, la facture énergétique d'un foyer. Nous devons tirer et pousser l'innovation vers des plastiques plus techniques et durable. Moins de matière pour des résultats similaires ou meilleurs. Favoriser les filières de recyclage, et surtout réutiliser plus de plastique recyclé que nous le faisons actuellement.

Vous mettez en avant que votre production est 100% made in France... que pensez-vous de cette vague en faveur de la relocalisation ?

Avoir des productions locales, c'est très important. Cela n'a pas de sens de produire à des milliers de kilomètres quand on peut le faire localement. Reste qu'il est tout aussi important d'avoir des échanges internationaux avec d'autres pays, pour créer de l'interdépendance entre pays, et limiter les guerres.

 
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