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Travel management - Le virage RSE au coeur du renouveau

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Travel management - Le virage RSE au coeur du renouveau

Alors qu'il retrouve enfin quelques couleurs, le secteur du voyage d'affaires accompagne sa reprise d'un nouveau chantier d'envergure. En point de mire figure déjà l'impératif de ne plus se déplacer sans condition compatible avec les défis environnementaux et sociétaux actuels.

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Seules 42% des entreprises prennent en compte leur empreinte carbone en matière de déplacements par voie aérienne dans leurs processus de décision. Elles sont encore moins nombreuses en ce qui concerne les transports terrestres et l'hébergement, indique l'étude "Green Travel 2020" réalisée par American Express GBT. Des conclusions qui laissent évidemment supposer qu'il reste beaucoup à faire dans le déploiement de politiques RSE en phase avec les enjeux sociétaux et environnementaux du moment. Pourtant, à la faveur des prises de conscience consécutives à la crise mondiale de la Covid-19, une importante marche en avant serait désormais engagée sur ce plan.

"Il s'agit là du grand sujet des deux ou trois prochaines années. Nous avons beaucoup investi avec notre outil Neo, pour filtrer, par exemple, les résultats des recherches de vols par émissions de CO2. Nous intégrons désormais davantage d'options alternatives, donnant la possibilité de répertorier les hôtels qui sont de bons élèves en matière d'éco-responsabilité. Les TMC joueront à n'en pas douter un rôle important dans les offres et services à fournir", assure Yorick Charveriat, président d'Amex GBT France.

Une nouvelle donne à intégrer rapidement

Dans un livre blanc sur les enjeux RSE dans le voyage d'affaires, l'AFTM identifie trois obstacles actuels traduisant une certaine immaturité quant à la valorisation des approches RSE. Les organisations restent trop souvent au stade des premiers pas sur ce sujet et leurs pratiques se révèlent trop hétérogènes. Elles éprouvent des problèmes pour développer des visions RSE larges, couvrant les impacts dans leur globalité. Un autre écueil majeur reste la difficulté à poser les bonnes questions concernant les coûts que représente la RSE.

Toutefois, d'autres tendances observées constituent des éléments encourageants: les prestataires du domaine, en incluant ceux du MICE, sont globalement plus en avance que les entreprises clientes, les dirigeants sont conscients du caractère essentiel des données pour savoir avant d'agir, l'humain est considéré comme une priorité, au même titre que l'environnement, ce qui conduit les initiatives à dépasser l'aspect purement écologique et à promouvoir des conséquences positives.

Les transports se trouvent en première ligne dans les débats. En 2015, ce secteur était le plus émetteur de gaz à effet de serre en France, devant celui de l'énergie, avec 140 millions de tonnes équivalent CO2 rejetées. Si les émissions globales nationales de ce type ont diminué de plus de 11% depuis 1990, deux secteurs d'activité se caractérisent par une forte hausse: le traitement des déchets (+15%) et celui des transports (+16%). Un constat qui oblige les décideurs, en entreprise, à se pencher sur les conséquences écologiques néfastes des déplacements professionnels.

Certains pays avant-gardistes sur les questions de préservation environnementale s'illustrent dans la mutation liée aux habitudes de voyage. En Suède, la mauvaise image des déplacements par avion se traduit par une hausse importante des trajets ferroviaires. Le recours au rail a ainsi augmenté de 5% en 2018 et de 8% en 2019. Plus étonnant encore, les voyages d'affaires par train ont bondi début 2020 (avant la pandémie de la Covid-19) de 12% ! L'apparition du terme local "flygskam", signifiant la honte de l'avion, témoigne également d'un profond changement de mentalité.

Le bon moment pour agir

Pierre Queinnec

Pierre Queinnec, président et fondateur du spécialiste de l'expense management Jenji, constate que "l'intégration de critères RSE touche aujourd'hui toutes les catégories d'entreprises, du grand groupe à la PME. C'est d'autant plus le bon moment pour agir, à cause des effets de la pandémie de Covid-19. Il y a quelques années encore, les mêmes pratiques auraient pu être vues comme du cost killing trop agressif. Désormais, il existe une conjonction d'intérêts importante entre les impératifs environnementaux et de réduction des coûts. Le degré d'acceptabilité est bien plus fort." Le contexte actuel fait ainsi figure de tremplin pour les politiques RSE. Les entreprises évoluant dans les filières de l'eau et dans l'énergie sont, peut-être, "davantage conscientes que les critères RSE peuvent être alignés avec les valeurs et priorités de leur offre. Mais la tendance s'élargit à toutes les catégories, y compris aux organisations de tailles plus modestes", poursuit-il. La démocratisation des nouvelles technologies explique ce phénomène, rendant la donnée brute beaucoup plus accessible.

Les outils logiciels jouent, bien sûr, un rôle clé, en permettant notamment de trouver des solutions de voyages compatibles avec des engagements en matière de décarbonation des activités, et en automatisant les remontées de données pour les reportings. "Habituellement, dans le Travel & Expense, l'approche est très centrée sur les transports aériens, ce qui n'est pas forcément représentatif des réalités, car certains collaborateurs n'ont jamais pris l'avion dans le cadre de leur métier", souligne Pierre Queinnec. Il est intéressant d'avoir une approche plus complète de l'analyse de données.

Jenji propose une solution dont la vocation est d'apporter du conseil sur la base des coûts analysés, en en agrégeant des données RSE et d'autres informations. "Lorsqu'on étudie des indemnités kilométriques en voiture, en incluant des frais de parking, par rapport au fait de recourir aux taxis, deux axes d'analyses sont possibles : l'axe RSE et l'axe financier. Ce qui peut être pertinent pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre. En disposant de données croisées variées, on obtient une visibilité totale permettant de faire les meilleurs arbitrages en fonction des priorités. Il devient alors facile pour un groupe de savoir si sa filiale allemande est plus vertueuse que sa filiale anglaise", illustre Pierre Queinnec.

Lire la suite en page 2 de cet article : Suivre des recommandations pertinentes - Focus - Des reportings bientôt obligatoires ?


Suivre des recommandations pertinentes

Yorick Charveriat

La légitimité de certaines catégories de déplacements professionnels reste, bien sûr, au coeur des interrogations légitimes. Mais "gare aux fausses bonnes idées", met en garde Yorick Charveriat. "Certes, les visio-conférences évitent d'emprunter des moyens de transports polluants. Pour autant, rappelons que les usages numériques à haute dose et les sollicitations continues des data centers participent pour une part non négligeable au réchauffement climatique."

Arnaud de Lamezan, vice-président délégué aux nouvelles mobilités et aux achats responsables au sein de l'AFTM, souligne que "les déplacements professionnels sont un élément clé de la respiration des entreprises ". Au regard des nouveaux enjeux actuels, "va-t-on maintenant nuancer leur opportunité à l'aune des coûts sociaux et environnementaux qu'ils génèrent ?" s'interroge-t-il. L'heure est, selon lui, au déploiement d'actions à mener de façon collective, dans un schéma selon lequel les responsables du travel management jouent "un rôle d'interface entre les entreprises et leurs voyageurs, en impliquant également ces derniers dans une responsabilité sociétale du voyageur".

En termes de bonnes pratiques à envisager, l'AFTM préconise de cartographier les conséquences, dans le but d'identifier les leviers d'actions possibles. "Si le sujet des émissions polluantes est central pour les mobilités d'affaires durables, gardez à l'esprit qu'une démarche RSE a vocation à couvrir tous les impacts, même de manière progressive. Engagez une démarche RSE en commençant par les émissions de GES, en y ajoutant un sujet social-sociétal, comme la question de la prise en compte du handicap", conseille le rapport.

Une stratégie RSE de mobilités d'affaires donnant sa juste place au sujet de l'inclusion des personnes handicapées peut se concrétiser à deux niveaux. Il s'agit, d'une part, de faciliter le déplacement professionnel pour cette catégorie de collaborateurs et, d'autre part, de prêter attention au recours à des travailleurs qui sont en situation de handicap, lorsqu'on se tourne vers des prestataires du voyage d'affaires.

Plus globalement, il importe de défendre une vision positive et responsable du voyage d'affaires, en mettant l'accent sur les impacts positifs qui méritent d'être soulignés et encouragés, et en associant, dès le départ, les différentes parties prenantes à cette démarche.

Focus - Des reportings bientôt obligatoires ?

L'adoption de politiques RSE répond depuis 2015 à des exigences légales. Toutes les entreprises de plus en 500 salariés doivent établir et publier une fois tous les quatre ans un bilan d'émissions de gaz à effet de serre, comme le stipule la Loi de transition énergétique pour la croissance verte. Mais la prise en compte des activités de voyage d'affaires reste facultative.

La publication des résultats se fait sur le site de l'Ademe qui la rend ensuite accessible au public. Ce bilan doit comprendre trois volets : les émissions directes relatives aux processus de production de l'entreprise, concernant aussi bien les ressources fixes et mobiles en rapport avec cette production, les émissions indirectes associées à l'énergie utile pour la fabrication du produit ou service (électricité, chauffage, climatisation...), et enfin les émissions indirectes liées aux déplacements des salariés, mais aussi au fret, aux achats ou au recyclage des déchets. C'est ce troisième volet qui n'a pas à être évalué de façon obligatoire. Une tolérance qui pourrait évoluer rapidement compte tenu de l'importance des enjeux de la mobilité durable. Une sanction de 10 000 euros, voire de 20 000 euros s'il y a récidive, s'applique en cas de manquement relatif à ces reportings RSE.

 
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