Le métavers en point de mire du voyage d'affaires
A l'heure où le tourisme d'affaires cherche à se réinventer, le métavers pourrait bien devenir un nouveau relais de croissance. Si sa démocratisation n'est pas pour tout de suite, des applications voient déjà le jour et forment les jalons de la prochaine transformation sectorielle.
Je m'abonneSe déplacer dans des univers tout en restant immobile. Cette curieuse promesse faite par le métavers va-t-elle révolutionner le voyage d'affaires ? Des applications sont d'ores et déjà mises en avant par les observateurs du secteur autour d'événements virtuels immersifs ou de visites d'usines à distance. « La notion reste assez futuriste pour l'instant, mais c'est un sujet qui va s'imposer dans le travel management, comme la thématique du bleisure il y a quelques années », estime Christophe Roth, directeur de la Practice sur le voyage d'affaires EPSA.
Selon un baromètre que vient de publier la société de conseil en nouvelles technologies Keyrus, le poids économique du métavers est estimé à 800 milliards de dollars dès 2024. Une personne sur quatre passera au moins une heure par jour dans ce nouvel univers en 2026. La sphère professionnelle pourrait être rapidement concernée. 51 % des travailleurs de la génération Z envisagent de travailler dans le métavers à l'heure actuelle, contre 48 % pour la génération Y et 37 % pour la génération X. Les réunions virtuelles et le travail collaboratif sont d'ores et déjà mentionnés comme les usages à venir. Pour Christophe Roth, « le besoin émerge même s'il n'est pas vraiment formulé depuis mars 2020 qui a marqué une rupture forte dans le rapport au travail. Les habitudes des récents confinements sont restées, la visioconférence semble s'imposer durablement, même si le format qu'elle représente provoque également une part de saturation. »
Quelle place pour les nouveaux mondes connectés ?
Entre 70 et 80 % des volumes de déplacements d'avant-crise sanitaire sont aujourd'hui réapparus, selon les observations. « Quid des 20 à 30 % restants. La visioconférence va probablement conserver une part du gâteau, mais il est bien possible que le métavers grignote bien plus qu'un pourcentage avoisinant les 20 % », prévient Christophe Roth.
La nature de la relation client et sa qualité sont des notions importantes qui sont très présentes dans les préoccupations. Avec la promesse d'échanges immersifs et sensoriels très différents de la visioconférence, intégrant des sons, des odeurs, les expériences au cours des rapports distants peuvent très prometteuses. Mais les incertitudes quant aux technologies disponibles et à leur adoption laissent à ce jour de nombreuses questions en suspend.
Lire aussi : Révolution dans le tourisme : découvrez les start-ups primées du concours Orchestra au salon IFTM 2024
Jonathan Horyn, co-fondateur du studio Younicorns de Keyrus, croit dans la valeur ajoutée qui peut découler de cette nouvelle rupture technologique : « une fois les contraintes techniques réglées, organiser une réunion dans le métavers peut être beaucoup simple et constructif que dans le monde physique, comme dans le cas d'une visite d'un site industriel en 3D. » Certains acteurs économiques considèrent d'ores et déjà cette évolution comme stratégique pour demain. « Des entreprises du secteur du tourisme font partie de ceux-ci. Pour elles, un modèle d'avenir se crée aujourd'hui autour d'expériences de découvertes concrètes d'un nouveau genre », Julien Furlanetto, spécialiste blockchain et crypto au sein du cabinet Wavestone.
Les prémices du tourisme d'affaires 3.0
En avril 2022, le groupe hôtelier citizenM a attiré l'attention de tout un secteur en annonçant l'achat de parcelles dans le métavers The Sandbox dans le but de construire un hôtel virtuel. « Notre objectif, avec cette première incursion dans cet espace particulier, est d'apprendre comment l'hôtellerie doit continuer à évoluer, afin de mieux répondre aux changements de comportement des consommateurs », explique Robin Chadha, directeur général du groupe CitizenM.
« La Deutsche Bahn réfléchit par ailleurs à offrir des solutions de réalité augmentée sur les vitres du train. Autour du programme de fidélité Voyage, on peut imaginer des NFT, des cadeaux numériques donnant accès à d'autres offres », mentionne Julien Furlanetto. Il existe aujourd'hui différentes motivations dans ce type d'annonces. « On constate une volonté d'être identifié comme un acteur innovant. Pour certains, l'initiative en reste là, mais pour d'autres, ce point de départ est juste une étape pour véritablement investir dans l'avenir rapidement », poursuit-il.
Les observateurs du domaine s'accordent à dire que de la même manière que la visioconférence supplante aujourd'hui des déplacements physiques, le métavers remplacera d'autres déplacements et d'autres événements en raison de la richesse de l'expérience qu'il propose. Des événements hybrides se développent déjà malgré une expérience parfois encore dégradée pour ceux qui restent à distance. « Côté entreprise cliente du tourisme d'affaires, au-delà des raisons économiques et écologiques qui conduisent à se déplacer moins, la volonté de proposer des expériences uniques, différenciantes, représente un enjeu RH majeur, en favorisant le recrutement et la fidélisation des collaborateurs », indique Julien Furlanetto.
Parmi les grands acteurs du voyage d'affaires, les mutations qui s'opèrent semblent écrire le préambule de cette innovation de rupture majeure qu'est le métavers : en quête de réinventions, la plus grande agence du secteur Amex GBT vient d'intégrer Zoom dans son actionnariat. Amadeus et Microsoft ont également annoncé un rapprochement pour que des réservations soient possibles via Teams, l'idée étant de pouvoir remplacer un rendez-vous à distance par un voyage ou l'inverse.
Des freins technologiques de taille
Coûts élevés des casques de réalité virtuelle, disponibilité des bandes passantes, renouvellement de parcs informatiques entiers... Les obstacles à la démocratisation du métavers ne manquent pas, « même si tout dépendra des usages envisagés : tous les métavers n'ont pas besoin d'être très exigeants sur un plan graphique », relativise Jonathan Horyn.
« Il est vrai que de nombreux équipements sont nécessaires », reconnaît Julien Furlanetto. « Mais d'ici deux à cinq ans, les premières expériences seront probablement mises en place dans de bonnes conditions pour certains cas d'usage. » La 5G constitue une étape clé dans ce but. Si le casque virtuel est une technologie déjà mature, celui-ci doit être branché à un ordinateur qui doit disposer de bien plus de puissance que la plupart des appareils en place à l'heure actuelle. Les infrastructures cloud doivent elles aussi être adaptées, ce qui implique d'autres contrats.
Il importe également de prendre en compte de nouvelles implications en matière de cybermenaces. « Il y a des enjeux autour de la donnée, des flux, des contenus, des identités. Ces dernières représentent un aspect complexe sur une blockchain. Il faut être conscient que l'authenticité d'une information peut être garantie par une blockchain, pas sa véracité. Ces notions doivent impérativement être comprises », s'inquiète Jonathan Horyn.
La Fenêtre Immersive : du voyage réel au voyage virtuel
En mai 2022, la gare de Paris Montparnasse a accueilli une innovation d'un nouveau genre : une fenêtre immersive de la taille d'un Homme face à laquelle un visiteur peut se téléporter dans une autre réalité. En l'occurrence, la destination du voyage virtuel était le département de l'Anjou, l'objectif étant de promouvoir ce territoire par le biais d'une nouvelle technologie.
« Il s'agit d'un vortex numérique qui valorise une destination à travers des expériences immersives et interactives. L'avantage de la Fenêtre Immersive est que l'utilisateur n'a besoin ni de casque de réalité virtuelle, ni de télécharger une application. Il est intéressant le biais d'accès soit le moins contraignant possible », explique Lilian Rabin, fondateur de la Fenêtre Immersive au sein de l'entreprise DigitaLandmarks.
Ce portail vers un univers lointain peut ainsi donner accès à une entreprise, une usine, un chantier. « On peut imaginer à l'avenir proposer à des partenaires ou à des investisseurs de visiter les startups d'une région, les nouveautés d'un territoire particulier. Une telle Fenêtre Immersive peut devenir un nouveau vecteur différenciant de communication, mais aussi de travail plus généralement », ajoute-t-il.