Attention au délit de marchandage
Le salarié d'un prestataire de services doit rester sous l'autorité de son employeur et non passer sous celle de l'entreprise cliente. Contrevenir à cette règle expose notamment cette dernière au délit de marchandage. Explications. [Tribune parue dans Décision Achats 118]
Je m'abonneAvec le prêt de main-d'oeuvre illicite, le délit de marchandage est l'un des deux grands risques juridiques liés à l'achat d'une prestation. Il recouvre le préjudice subi par le salarié d'un prestataire de services, du fait même de l'existence d'un prêt de main-d'oeuvre illicite, que celui-ci ait été avéré ou non, jugé ou non. Les deux délits sont donc souvent concomitants, mais ce n'est pas toujours le cas.
Concrètement, le salarié, arguant ou prouvant qu'il était sous l'autorité hiérarchique de son client et non de son employeur, demande au juge de condamner les deux parties (l'entreprise cliente et le prestataire de services) à lui verser une indemnité. Il peut en effet invoquer les avantages conséquents dont il aurait pu bénéficier s'il avait été salarié de l'entreprise cliente (salaires minimums plus élevés, convention collective plus favorable, droits à la retraite plus avantageux, etc.). Dans la pratique, les plaignants demandent souvent la requalification de leur contrat de travail pour devenir salariés de l'entreprise cliente, avec effet rétroactif à la date de début de leur prestation chez le client.
Les risques encourus
Le délit de marchandage est donc un délit pénal. Les contrevenants, c'est-à-dire le prestataire de service et l'entreprise cliente, sont coauteurs du délit et s'exposent à une amende pénale, fixée par le juge. Le délit de marchandage concerne aussi bien les personnes morales que physiques. Il y a donc des risques de prison. Le juge peut être saisi par les salariés des entreprises de services, par l'inspecteur du travail après enquête, mais aussi par les partenaires sociaux.
Pour se prémunir contre le délit de marchandage, il est donc important de surveiller les conditions d'exercice des prestations dans l'entreprise. Si ces dernières sortent du domaine de l'intérim (accroissement temporaire d'activité, remplacement d'un salarié, attente de l'arrivée effective d'un salarié recruté en CDI, etc.), il y a danger. En effet, le contrat d'intérim est le seul contrat de services par lequel un employeur a le droit de déléguer à son client un lien de subordination. Le juge s'intéresse aux termes du contrat, mais pas seulement. Il s'attache surtout à son exécution et ce, dans les moindres détails. L'entreprise cliente doit donc se montrer extrêmement vigilante et il appartient à l'acheteur de prévenir son client interne des risques encourus.
L'idéal serait donc de contracter des prestations avec obligation de résultat. Le prêt de main-d'oeuvre illicite - et donc le délit de marchandage concomitant - ne concerne que les prestations de services avec obligation de moyens. Un argument de plus dans l'escarcelle des acheteurs pour promouvoir ce type de contrat.
En bref
- Le délit de marchandage est le préjudice subi par le salarié d'un prestataire de services, du fait même de l'existence d'un prêt de main-d'oeuvre illicite.
- Il s'agit d'un délit pénal qui concerne aussi bien le prestataire de services que l'entreprise cliente.
- Au-delà des termes du contrat, le juge recherche s'il existe un lien de subordination entre le salarié du prestataire de services et l'entreprise cliente.
L'expert
Franck Lacombe est président de Pratiq, un cabinet de conseil spécialisé dans les achats de prestations intellectuelles.
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