"L'achat solidaire : un acte d'achat à part entière"
Rencontrée sur le Salon du secteur protégé et adapté, Laurence Herry, du Bureau des supports et techniques d'achat, Cellule de développement durable et insertion sociale de la Direction des achats de la Mairie de Paris, fait le point sur les achats faits par la Ville aux entreprises de ce secteur.
Je m'abonneLaurence Herry : Notre éventail d’achats aux ESAT / EA est large. Il peut s’agir d’achats de fournitures de bureau, de fongibles ménagers, de prestations de blanchisserie et de traiteurs.
Nous travaillons ainsi régulièrement avec les ESAT du Père Lachaise, de Ménilmontant ou d’Auguste Blanqui. Pour trouver des prestataires, la veille organisée auprès des fédérations et des réseaux professionnels (ADCP 75, Gesat Unea) nous est très utile.
DA : Quel est le volume d’achats passé avec les ESAT / EA par la Mairie de Paris ? S’oriente-t-il à la hausse ou à la baisse ?
Laurence Herry : Notre volume d’achats en 2010 au secteur protégé et adapté s’est élevé à 2B millions d’euros, les fournitures de bureau constituant une part importante de ce chiffre. La part de notre volume d’achats passé auprès du secteur protégé et adapté ne s’oriente pas à la baisse, bien au contraire, elle s’inscrit plutôt en hausse, sachant que la majorité des achats publics faits auprès des EA / ESAT n’excède généralement pas des montants supérieurs à la barre des 4 000 euros. Il y a à cet égard une vraie réflexion en cours sur les possibilités de les solliciter sur des marchés supérieurs à 90 000 euros en réservant un lot pour les entreprises de ce secteur…
DA : Comment construisez-vous votre sourcing d’ESAT / EA, sur quels critères ?
Laurence Herry : Nous effectuons au quotidien une veille du marché fournisseurs, notamment au travers des plateformes mises en place par l’UNEA et le GESAT qui constituent une aide précieuse, même si nous devons ensuite affiner leurs profils et compétences en les contactant directement et en vérifiant l’adéquation des possibilités du secteur avec nos cahiers des charges. Le critère de qualité des prestations est important. C’est un aspect capital de notre intervention en tant qu’acheteurs à la Mairie de Paris car nous traitons de gros volumes d’achats. On doit parfois leur porter main-forte dans la qualification de l’offre de services (offre, prestations) afin qu’ils soient plus précis.
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DA : Y a-t-il des réserves particulières des acheteurs vis-à-vis du secteur adapté et protégé ?
Laurence Herry : Les acheteurs veulent de la sécurité et de la fiabilité. Par exemple, quand ils envisagent un allotissement réservé au secteur protégé sur un marché propre, ils veulent pouvoir compter sur un panel fournisseurs dont l’offre est en cohérence avec leurs besoins, d’où leur demande d’une identification plus fine et plus précise des compétences des EA / ESAT pour éviter que le lot soit infructueux. Si l’on regarde de près les activités des EA / ESAT, nous sommes aussi extrêmement attentifs à leur gestion du personnel : effectifs, encadrement, formation, accompagnement sont des critères de différenciation pour le choix final de nos fournisseurs. Si des aménagements doivent être apportés dans la réalisation de la prestation, notamment en raison de la nature du handicap du salarié, nous devons le savoir.
DA : Les modes de passation des marchés publics vous semblent-ils suffisamment simples pour favoriser l’accès à la commande publique des ESAT / EA ?
Laurence Herry : Le traitement est le même pour tous, mais nous tenons à être irréprochables sur la transparence de nos cahiers des charges dont nous souhaitons améliorer la lisibilité et l’attractivité. En dehors d’un niveau de performances achats accru, cela nous assure aussi un plus grand nombre de réponses à nos marchés. Les fournisseurs peuvent également demander à être contactés par un acheteur de la direction des achats grâce à l’existence d’un guichet unique sur paris.fr/pro rubrique achats et marchés publics. Les entreprises peuvent également s’abonner à l’alerte e-mail depuis paris.fr pour être averties quand un marché est lancé sur leur secteur d’activité. C’est un outil utile aux entreprises pour éviter de manquer des opportunités.
DA : Qu’en est-il de l’application de la loi du 11 février 2005 à la Mairie de Paris ?
Laurence Herry : La Ville remplit ses obligations de 6 % de salariés handicapés (loi du 11 février 2005), en recrutant des personnes handicapées dans nos établissements administratifs ou nos équipements de proximité (animateurs dans nos centres ou enseignants dans les écoles où sont scolarisés des enfants souffrant de handicaps mentaux et/ou physiques).
Donc, au-delà de ces obligations légales, développer les achats auprès du secteur protégé et adapté fait partie des enjeux majeurs de la politique d’achat et de développement durable de la collectivité.
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DA : Y a-t-il une valeur ajoutée des travailleurs handicapés selon vous ?
Laurence Herry : les politiques déployées en faveur de l’emploi handicapé permettent surtout finalement de mettre en avant la qualité de leur travail et l’acheteur public participe à cette valorisation de leurs compétences et de leurs capacités à réagir face à l’expression d’un besoin d’un donneur d’ordres public. Pour nos acheteurs, c’est un acte d’achat solidaire, tout en étant un acte d’achat à part entière.
Le chiffre à retenir...
2 millions d’euros, c'est le volume d’achats solidaires de la Mairie de Paris en 2010.