Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

(Tribune) Quand le secteur public inspire les acheteurs du privé : l'exemple des clauses sociales

Publié par le - mis à jour à
(Tribune) Quand le secteur public inspire les acheteurs du privé : l'exemple des clauses sociales

Après le public, le privé commence à s'emparer de clauses sociales pour les développer dans ses marchés de sous-traitance. Comme Airbus qui réserve 10% de ses achats au secteur protégé et adapté, Seb ou Sodexo s'organisent pour développer leur responsabilité sociétale par le biais de leurs achats.

Je m'abonne
  • Imprimer

En 1993, le gouvernement français a indiqué vouloir favoriser le développement d'activités dans les quartiers dits sensibles. Il a alors insisté sur l'importance d'introduire une clause liant l'exécution de marchés de travaux publics à une action destinée à favoriser l'insertion professionnelle et à lutter contre le chômage. Naissait la première circulaire interministérielle.

Les clauses sociales ne se sont pas développées sans heurts. Certaines fédérations se sont opposées fermement à cette action, mais le Conseil d'Etat a tranché et rejetté leur requête. L'article 14 du CMP déclarant l'insertion comme condition d'exécution d'un marché a installé les premières clauses sociales de manière récurrente et légale en 2001 et balayé d'un revers de main, ses farouches opposants.

La France, parmi les meilleurs élèves

4,3 % des marchés publics d'un montant supérieur à 90 000 euros intégraient une clause sociale en 2012, contre 1,9% en 2009. Elles concernent pour 76 % le BTP et 24 % les services (entretien des espaces verts, nettoyage, restauration collective, prestations intellectuelles...). Les collectivités territoriales restent les pouvoirs adjudicateurs majoritaires dans la mobilisation de la clause sociale. Cela concerne en effet 7,3 % de leurs marchés en 2012, la part réservée par l'Etat n'étant que de 1,8 % de ses achats (source : Observatoire de l'achat public 2015). 84% des organismes HLM intègrent les clauses d'insertion dans leurs marchés (source : enquête réalisée par l'Union sociale pour l'habitat (USH)).

La récente directive européenne de mars 2014 a enfoncé le clou en affirmant que "l'emploi et le travail contribuent à l'insertion dans la société et constituent des éléments essentiels pour garantir l'égalité des chances pour tous". Elle a reconnu l'importance des entreprises sociales dont l'objectif est la "réintégration sociale et professionnelle des personnes handicapées ou défavorisée" (extrait de la directive européenne article 36.)

Les entreprises privées s'en inspirent

En s'appuyant sur les expériences du secteur public, les entreprises privées commencent à s'emparer de clauses sociales pour les développer dans leurs propres marchés de sous-traitance. A l'instar de la société Airbus qui réserve 10% de ses achats au secteur protégé et adapté, la société Seb, le groupe Sodexo et bien d'autres s'organisent depuis plusieurs années pour développer leur responsabilité sociétale par le biais de leurs achats mais également par la voie de partenariats et de cotraitance.

Pour Alain Masson, responsable diversité de Sodexo, "au-delà de l'achat de prestations, de mises à disposition de travailleurs handicapés, nous accompagnons nos clients ESAT dans la création de nouvelles activités au bénéfices des usagers de ces établissements que nous impliquons dans des formations adaptées à nos métiers et à leur situation".

A la différence des quotas de travailleurs en situation de handicap demandés par la loi handicap, les clauses sociales permettent de mettre en place de manière très opérationnelle le thème de l'insertion comme un point de projection de l'entreprise vers son futur. En effet, les efforts ne sont pas toujours récompensés ni pour les demandeurs d'emploi ni pour les entreprises contraintes légalement et fiscalement dans leurs actions d'insertion.

Lire la suite en page 2: Une aubaine pour le secteur protégé, adapté et de l'insertion?

Une aubaine pour le secteur protégé, adapté et de l'insertion ?

En partie grâce à l'émergence des clauses sociales, les structures d'intégration par l'activité économique proposent des prestations qui collent mieux à la réalité du terrain mais aussi aux spécificités de leur personnel. Ces clauses marquent une reconnaissance croissante de l'Etat et préservent un avantage concurrentiel certain pour ces entreprises "agréées". Ce potentiel de marchés ne leur permet pas pour autant de se laisser porter par le courant. Car le courant ne suffit pas. Mais cette dynamique leur donne l'occasion d'amorcer une production, de s'ouvrir à d'autres d'activités et de donner leur chance aux personnes très éloignées de l'emploi.

Les TPE/PME commencent à regarder ces clauses d'un oeil brillant et prennent conscience que ces clauses sociales pourraient leur permettre de gagner des marchés par le biais de partenariats avec le secteur adapté et de l'insertion.

Une occasion pour l'acheteur de monter en compétences

La déclinaison de clauses sociales apporte à l'acheteur la possibilité de devenir porte-parole de la RSE, de la mission handicap et diversité de son entreprise. Il projette les ambitions sociétales de sa structure en apportant son savoir-faire d'acheteur et sa connaissance croisée des marchés comme du secteur de l'insertion. Il se positionne alors comme "vendeur" des valeurs de l'entreprise, et partenaire des valeurs de son fournisseur. Pour éviter tout risque pour son fournisseur et pour lui-même, il doit appréhender les conséquences des clauses sociales dans la mise en oeuvre du marché. Il s'assurera que les pénalités indiquées seront bien adaptées aux capacités du marché.

L'entreprise acheteuse mettant en avant des clauses sociales fait d'une pierre trois coups : ouvrir ses écoutilles en installant des leviers d'innovation sociale, rester en veille sur des fournisseurs du territoire enfin découvrir des actions sociétales duplicables en interne.

Pour le fournisseur, ça n'est pas si simple, surtout pour les PME et TPE. Il est conscient qu'il est question de développer son business. Il souhaite plonger dans ce drôle d'univers qui lui est très favorable en ces temps de crise. Il ignore encore malheureusement les clés pour y répondre et remporter ces marchés. Cette dichotomie freine considérablement les clauses sociales dans leur récurrente mise en oeuvre.

Par Dominique du Paty de Clam, présidente de Handiréseau


 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page