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Le soutien apporté à un partenaire en difficulté peut-il être abusif ?

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Le soutien apporté à un partenaire en difficulté peut-il être abusif ?
© alphaspirit - stock.adobe.com

Le soutien apporté par un partenaire à une entreprise en difficulté financière pouvait lui être reproché. Cette aide pouvait en effet tromper sur la situation de l'entreprise soutenue. Cependant, consciente de l'utilité d'un tel soutien, la loi a limité le risque de qualification de soutien abusif.

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La jurisprudence a pendant longtemps sanctionné des partenaires commerciaux pour "soutien abusif" au motif qu'ils avaient poursuivi leurs relations commerciales avec une entreprise en difficulté en dépit de sa situation irrémédiablement compromise. En effet, ce soutien lui donnant une apparence de solvabilité, l'entreprise pouvait contracter de nouveaux engagements, augmentant son passif et créant de ce fait un préjudice à ses créanciers. La responsabilité du partenaire était alors régulièrement recherchée devant le tribunaux de commerce par les liquidateur judiciaires.

Cependant, l'effet pervers de ces procédures était de pousser certains partenaires, banques et fournisseurs en particulier, à interrompre prématurément leurs relations avec l'entreprise en difficulté afin d'éviter le soutien abusif, au risque de précipiter la chute d'une entreprise dont la situation pouvait peut-être encore être redressée.

La réforme intervenue en 2005 était donc bienvenue. Elle a introduit dans le code de commerce l'article L650-1 qui sécurise les créanciers du débiteur. Désormais, en cas de procédure collective, les créanciers ne peuvent être tenus responsables des préjudices subis du fait des concours consentis. La loi laisse néanmoins subsister trois hypothèses dans lesquelles la responsabilité du créancier peut être recherchée, la fraude, l'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou la prise de garantie disproportionnée au regard du concours consenti.

L'hypothèse de la fraude fait peu débat sur le principe.

La jurisprudence est assez stricte sur la caractérisation de la fraude. Elle doit consister en un acte qui a été réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à obtenir un consentement, un avantage indu ou pour échapper à l'application d'une loi..

Le seul fait pour le créancier de chercher à préserver ses propres intérêts en essayant d'obtenir une garantie alors même qu'il sait la faillite du débiteur inéluctable n'est pas constitutif d'une fraude, sauf en cas de tromperie, manoeuvres, falsifications, ....

Le cas de l'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur est encore plus restrictif.

En effet, il n'est pas illégitime que le créancier qui consent un nouveau concours demande au débiteur à être informé, et même le conseille quant à l'usage qui doit être fait de fonds. Aussi la Cour de cassation considère-t-elle à juste titre que le seul contrôle exercé par la banque quant à l'affectation des fonds qu'elle fournit ne constitue pas une immixtion. L'immixtion fautive suppose vraiment que le créancier exerce sur le débiteur une forme d'autorité ou de contrainte et en vienne à lui donner des ordres.

La prise de garanties disproportionnées au regard des concours consentis peut parfois constituer un abus.

Tel est le cas lorsque les concours consentis donnent une fausse apparence de solvabilité au débiteur de nature à nuire aux tiers. En outre, les garanties prises permettent au créancier de préempter les actifs du débiteur au préjudice de la collectivité de créanciers. Cependant, une caution qui est une garantie accessoire et qui ne grève pas le patrimoine du débiteur ne constitue pas une garantie disproportionnée au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce quel qu'en soit le montant.

De surcroît, quand bien même un créancier se trouverait dans l'une des trois hypothèses légales, il faudrait encore démontrer que les concours financiers consentis ont été fautifs et qu'ils ont généré un préjudice. Ce dernier ne serait au demeurant pas évalué à hauteur de l'insuffisance d'actif du débiteur mais uniquement à l'aggravation de l'insuffisance d'actif que le concours du créancier aurait contribué à créer.

Les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité des créanciers sont donc strictes. Aussi, le coup de frein aux procédure en soutien abusif qui était attendu a-t-il bien eu lieu.

L'objectif de la loi était clairement d'inciter les banques et les partenaires commerciaux à ne pas rompre trop tôt leurs relations avec des débiteurs en difficulté pour leur donner une chance.

Si cela peut permettre de contribuer à sauver des entreprises et des emplois, il faut s'en réjouir. Cependant, même si un risque de soutien abusif est désormais plus limité, le partenaire de l'entreprise en difficulté doit bien évaluer son risque avant d'apporter un soutien à cette entreprise. En effet, son risque n'est pas nul si le débiteur est au bord du dépôt de bilan puisqu'il peut perdre le montant de sa créance.

Par

Xavier Henry & André Bricogne, avocats à la Cour. Henry & Bricogne est un cabinet d'avocats dédié au droit des affaires avec une très forte expertise en contrats commerciaux, droit de la concurrence, droit de la distribution et droit de la responsabilité, en conseil comme en contentieux. Le cabinet accompagne les entreprises françaises et internationales dans toutes leurs activités.

 
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