Achats hospitaliers : les centrales d'achats prennent leur part du gâteau
Le 19 décembre 2018, le Resah, l'Ugap et UniHA ont été désignés "opérateurs d'achat national" par la direction générale de l'offre des soins (DGOS). Une démarche qui s'inscrit dans la droite ligne de la professionnalisation des achats hospitaliers. Illustration avec l'Ugap.
Je m'abonneLes achats hospitaliers poursuivent leur révolution. Ainsi, le 19 décembre 2018, le ministère de la Santé via la direction générale de l'offre des soins (DGOS) a signé une convention avec les principaux acteurs de l'achat public hospitalier parmi lesquels trois centrales d'achats : UniHA, le Resah et l'Ugap afin d'assurer "un rôle d'opérateur d'achat national" auprès des 135 établissements de santé (GHT - groupements hospitaliers de territoire).
Une convention dans la droite ligne de la professionnalisation des achats hospitaliers entérinée en 2011 avec la mise en place du programme PHARE (pour "Performance hospitalière pour des achats responsables" ) dont l'objectif était de "dégager des "économies intelligentes", soit mieux acheter pour donner des marges de manoeuvre supplémentaires aux hôpitaux, dans un contexte général de réduction budgétaire".
Renforcement du rôle des centrales d'achats
Les achats hospitaliers représentent aujourd'hui 25 milliards d'euros par an (médicaments, matériel médical, ...). Il s'agit du deuxième poste de de dépenses des établissements hospitaliers après celles du personnel (40 milliards d'euros). Déjà en 2017, la Cour des Comptes avait déploré dans un rapport la faible mutualisation de ces achats qui avaient augmenté de 52% en 10 ans.
Dans ce contexte d'optimisation des dépenses, et suite à la convention du 19 décembre dernier, la part adressable aux opérateurs de mutualisation est de 18 milliards d'euros avec un objectif de 9 milliards d'euros sur 5 ans pour les 3 centrales que sont le Resah, l'Ugap et UniHA.
Une avancée dont se félicite l'Ugap par la voix de son directeur santé Sébastien Taupiac, à l'occasion d'une conférence de presse : "L'hôpital va se recentrer sur son métier qui n'est pas celui de passer des appels d'offres" et d'affirmer ainsi le rôle de la centrale dans "l'accompagnement de la transformation de l'hôpital qui doit se recentrer sur sa mission première qui est celle du soin".
40% des achats d'équipements médicaux passent par l'Ugap
L'Ugap couvre l'ensemble des besoins des hôpitaux et Ehpad à l'exception des médicaments, des dispositifs médicaux implantables (DMI) et des denrées alimentaires. la centrale opère près de 40 % des achats d'équipements médicaux en France dans le secteur public. Aujourd'hui, le médical représente 17 % de l'activité totale de l'Ugap avec 650 millions d'euros de commandes passés en 2018 avec les établissements hospitaliers et médico-sociaux et 730 marchés médicaux.
L'Ugap met également en avant son rôle auprès de PME en affichant près de 70% de PME françaises parmi ses fournisseurs médicaux et qui cumulent 30 % du montant des commandes enregistrées (150 millions d'euros HT en 2018). "Une moyenne plus élevée que dans les autres secteurs d'activité de l'Ugap qui est de 20 %", précise Sébastien Taupiac.
Dans le domaine de la santé comme ailleurs, l'innovation est présente. Ainsi, l'Ugap affiche 47 millions d'euros HT d'achats dits " innovants " dans le secteur médical soit 38 % des achats innovants de l'Ugap. La centrale s'implique également dans des écosystèmes comme celui de la Silver economie au service du " bien vieillir " ou encore depuis début 2016 comme membre associé du dispositif du " Pass de la French Tech ". "Ce qui nous différencie de l'image historique de l'Ugap comme simple cataloguiste", souligne le directeur santé. La direction santé de l'Ugap se compose de 28 personnes dont 17 acheteurs médicaux experts (ingénieurs, pharmaciens, ...).
Aujourd'hui, le critère prix représente moins de 50 % de la majorité des appels d'offres du médical (90%), se félicite Sébastien Taupiac, "ce qui démontre que la performance économique est le premier critère de choix avant le prix". L'Ugap travaille notamment sur les axes du secteur du consommable médical ("un marché d'un milliard d'euros", selon Sébastien Taupiac et sur celui des laboratoires "qui sont dans le prédictif" et donc pourraient permettre d'anticiper certaines pathologies ou maladies. En d'autres termes, un investissement sur l'avenir dans le domaine de la santé.
Lire la suite en page 2 : "Vers une construction intelligente de l'achat hospitalier"
60 millions d'euros d'impayés avec les hôpitaux
Quand on pense services publics, on pense restrictions budgétaires. Et les hôpitaux ne sont pas en reste. Ainsi, "En 2018, le délai moyen de paiement par les hôpitaux était de 75 jours et aujourd'hui, il est plutôt de 90 jours voire plus de 400 pour certains", souligne Sébastien Taupiac. Aujourd'hui, les impayés en cours avec les hôpitaux avoisinent les 60 millions d'euros". Un chiffre assez révélateur de la problématique budgétaire des services publics qu'a relayé la centrale auprès de l'État. Mais la centrale d'achat se vante de payer ses fournisseurs en temps et en heures soit à 30 jours en moyenne. Un délai de paiement bien en dessous de la moyenne nationale qui lui a valu notamment un prix des délais de paiement en 2016 et la labelllisation relations fournisseurs responsables en 2013. Pour palier ce difficile exercice budgétaire, l'Ugap trouve son point d'équilibre en s'appuyant sur sa propre trésorerie mais aussi "en discutant de plans de recouvrement avec les hôpitaux".
Vers "une construction intelligente de l'achat hospitalier"
Dans ce contexte de difficile équilibre budgétaire, les achats hospitaliers doivent se professionnaliser. "On voit d'un bon oeil la professionnalisation achat au sein des GHT. Cela nous permet en tant que centrale de ne pas être perçu comme un simple fournisseur mais comme un partenaire. Ainsi, nous sommes plus en amont de l'acte d'achat, participons aux réunions stratégiques, ... C'est une construction intelligente de l'achat hospitalier et un bon moyen pour nous de tester notre valeur ajoutée", précise Sébastien Taupiac. Toujours selon le directeur santé de l'Ugap, à terme les GHT "feront de l'achat sur l'ensemble de la chaîne (soit sourcing, appels d'offres, exécution) ou externaliseront l'ensemble de l'achat. Je ne crois pas au modèle intermédiaire où ils externaliseront la première partie (sourcing et appels d'offres) et se contenteront de suivre l'exécution". Une chaîne de valeur de l'achat où l'Ugap revendique sa particularité par rapport aux autres centrales en assurant l'exécution (paiement, facturation, gestion des litiges, ... notamment).
Dans une logique toujours plus poussée de l'optimisation des achats hospitaliers, les GHT pourront créer leurs propres centrales d'achats. "A terme, on pourrait imaginer 400 à 500 structures achats, ce qui constituerait un véritable réseau d'expertise", explique Sébastien Taupiac. Et une menace à plus longue échéance pour les centrale déjà existantes ? Apparemment non, si on en juge par l'Ugap qui affiche une croissance de 25 % en volumes de sa part d'achat dans le médical et ambitionne 800 millions d'euros d'achats médicaux en 2019 et 1 milliard en 2020 (contre 600 millions d'euros en 2018).