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Mieux prévenir le travail dissimulé

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Dans les travaux publics, l'emploi de travailleurs clandestins fait peser un risque de taille pour les collectivités donneurs d'ordres. Pour les accompagner dans leur obligation de vigilance, certaines sociétés proposent des solutions de dématérialisation du contrôle des pièces administratives. Eclairage.

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@ ANTON PRADO / FOTOLIA

Comment lutter contre le travail illégal? Voici une question qui taraude de plus en plus les acheteurs publics. Et pour cause. Pour tous les marchés supérieurs à 3 000 Euros, le code du travail leur impose une obligation de vigilance vis-à-vis des prestataires avec lesquels ils contractent. Concrètement, il s'agit de s'assurer que ces derniers ne recourent pas à des travailleurs clandestins ou sans papiers. Un risque sensible dans le domaine du bâtiment, mais aussi dans d'autres secteurs comme le nettoyage ou le gardiennage. Dès la passation du marché, et tous les six mois, le donneur d'ordres se doit donc de contrôler certaines pièces administratives concernant l'entreprise prestataire d'une part (extrait de Kbis, attestation fiscale), et les salariés oeuvrant pour le compte de ce prestataire dans le cadre de ce contrat d'autre part (déclaration Urssaff et liste des travailleurs étrangers).

45 000 euros d'amende

Le non-respect de cette obligation de «vigilance» fait peser un double risque. En premier lieu, un marché public affecté par un vice de forme peut être déclaré caduque. Avec à la clé, une obligation de relancer les procédures avant de désigner un nouveau prestataire. Par ailleurs, la responsabilité du donneur d'ordres peut être engagée pénalement sur le fondement du délit de recours à celui qui exerce un travail dissimulé. Car une présomption de connaissance de la situation irrégulière du fournisseur peut peser sur l'acheteur public. Le risque pénal s'élève alors à trois ans d'emprisonnement (bien qu'il soit peu probable), mais surtout à 45 000 Euros d'amende pour une personne physique, 225000 Euros pour une personne morale. Le donneur d'ordres peut aussi se voir obliger, solidairement avec son prestataire en fraude, de payer les dettes sociales et fiscales nées de la dissimulation. Et la répression du travail illégal fait l'objet d'une attention particulière de la justice. De 2004 à 2008, le nombre de condamnations est passé de 4000 à 7000. Pour le responsable public, acheteur ou gestionnaire, l'opération représente une tâche fastidieuse de collecte de documents papiers et sans valeur ajoutée. « Je mesure parfaitement les risques, reconnaît une gestionnaire d'établissement scolaire qui pilote plusieurs chantiers chaque année. Mais cela représente des centaines de pièces papier à rassembler chaque année, avec de multiples coups de téléphone pour relancer les entreprises. Je fais au mieux, mais la gestion matérielle au quotidien ne me laisse pas le temps de tout contrôler dans les règles. »

@ CHARLY POUPLIN

Didier Krief, Certicorps

«Notre mission est de limiter les risques et de faire gagner du temps aux acheteurs publics.»

Attestation sur l'honneur

Pour faciliter ce contrôle, plusieurs sociétés proposent des solutions de dématérialisation. «Notre mission est de limiter les risques et de faire gagner du temps aux acheteurs», explique Didier Krief, directeur commercial de Certicorps. La société, créée en 2008, s'est taillée une place de leader dans le contrôle de conformité auprès des organismes publics, avec dans son portefeuille de grands noms comme la RATP, la SNCF, et plus récemment l'AP-HP. Concrètement, le service de Certicorps prend la forme d'une plateforme en ligne qui sert d'interface pour les contractants. Il appartient au prestataire de déposer dans ce système les attestations fiscales de l'Ursaf, une attestation sur l'honneur de l'emploi régulier des salariés et la liste des travailleurs étrangers. Sur cette même plateforme, le donneur d'ordres peut alors s'assurer que l'ensemble des documents exigés dans le cadre de son obligation de vigilance est bien fourni. En entrant les noms et coordonnées du prestataire, il peut également récupérer les différentes immatriculations et extraits de Kbis auprès de la base de données Infogrefe, incorporée à cette solution.

Le fonctionnement diffère chez Actradis, autre spécialiste du contrôle de conformité des pièces administratives, qui a, pour l'heure, des références dans le privé uniquement. Avec sa solution, le prestataire prend lui-même l'initiative de mettre en ligne ses pièces administratives. « Nous travaillons à la mise en place d'un label véritable gage de sécurité pour le donneur d'ordres », souligne Hugo Krauze, cofondateur en charge du développement commercial d'Actradis. Et pour le prestataire, l'occasion de se présenter comme une entreprise responsable respectueuse de la législation sur le travail.

Archivage légal des documents

L'innovation de ces solutions, en particulier celle proposée par Certicorps, réside dans la dématérialisation des process. Soit les attestations sont fournies sous forme électronique par les services fiscaux concernés, soit le prestataire rempli sa déclaration en ligne et la signe numériquement. « C'est notre valeur ajoutée sur la gestion du risque, souligne Didier Krief. Tous ces documents sont des originaux numériques, ils ont une valeur probatoire devant n'importe quelle juridiction. Ils restent accessibles et consultables par les utilisateurs et font l'objet d'un archivage légal auprès de CDC Arkhineo, autre partenaire de notre solution. »

En ce qui concerne le fonctionnement, le suivi est assuré par un service d'alerte régulier. Il y a trois états: la conformité, les pièces en attente et l'état critique. Le donneur d'ordres est averti par e-mail en cas de défaillance. Il lui revient alors de prendre les décisions éventuelles pour mettre à un terme à cette situation. Pour autant, souligne le directeur commercial de Certicorps, « on ne peut pas parler d'externalisation du contrôle. Nous ne nous substituons pas au donneur d'ordres, il propose simplement un outil pour faciliter la tâche du donneur d'ordres public, mais le contrôle reste sous son entière responsabilité ».

Témoignage
«Nous recourons à un contrôle de conformité pour une trentaine de marchés »

Tout est parti d'une réflexion autour de la dématérialisation. L'AP-HP dispose de quatre centrales d'achats, dont la centrale ACHA (Achats centraux hôteliers et alimentaires) qui pilote l'ensemble des achats non médicaux et dispose pour les centrales comme pour ses établissements d'une plateforme d'achats unique. La procédure de contrôle des pièces administratives fournies par les prestataires restait en revanche limitée aux solutions papier classiques. « Pour chaque pièce manquante, il fallait dégager au moins cinq minutes pour rappeler le prestataire, et ce, sans avoir l'assurance de recevoir in fine le document», note Cécile Lazaro, responsable des systèmes d'information des achats à l'AP-HP. Une procédure indispensable, mais fastidieuse, que l'AP-HP a souhaité optimiser en recourant à la solution de dématérialisation de Certicorps, sélectionné en juin dernier à la suite d'un appel d'offres. « L'implantation de cette solution est aujourd'hui en phase-test , précise Cécile Lazaro. Elle concerne une trentaine de marchés dans les secteurs du gardiennage et de l'ambulance. » Une expérience qui pourrait s'étendre aux centaines de marchés d'AP-HP faisant l'objet de contrats-cadres. D'ores-et-déjà, les gains générés par cet outil s'avèrent non négligeables. « Auparavant, la réception et le contrôle des pièces en version papier représentaient un travail diffus sans qu'on puisse avoir une vue d'ensemble du contrôle. Aujourd'hui, le suivi hebdomadaire permet de mieux lisser le travail et de n'avoir à gérer que l'exception. »

 
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Gireg Auben

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