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Les achats solidaires promis à un bel avenir

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Le développement durable et la loi sur le handicap de 2005 poussent aujourd'hui les entreprises à recourir davantage aux achats solidaires. Zoom sur les prestations de services généraux proposées par les secteurs protégé, adapté et de l'insertion par l'activité économique.

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Faire réaliser l'entretien de ses espaces verts par des personnes autrefois exclues du marché du travail, recourir aux services d'une entreprise de blanchisserie dont les salariés sont des travailleurs handicapés, etc. Alors que les achats solidaires en sont à leurs débuts, le phénomène est promis à un bel avenir, s'intégrant dans le volet social des politiques de développement durable des entreprises.

La loi du 11 février 2005 sur le handicap (voir encadré ci-dessous) a d'ailleurs donné un coup d'accélérateur à ce type d'achats. En augmentant la pression financière sur les entreprises, elle les incite à recourir à la sous-traitance aux secteurs protégé et adapté. Une manière de satisfaire jusqu'à 50% de leur obligation d'emploi de travailleurs handicapés.

Les Pierres Fauves, Esat situé dans les Bouches-du-Rhône, propose divers emplois aux personnes handicapées, tels que la préparation de repas en partenariat avec un groupe de restauration collective.

Les Pierres Fauves, Esat situé dans les Bouches-du-Rhône, propose divers emplois aux personnes handicapées, tels que la préparation de repas en partenariat avec un groupe de restauration collective.

De l'entretien des espaces verts à des prestations de blanchisserie

Mais, rappelle Françoise Odolant, première vice-présidente de la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France (CDAF), «les achats solidaires doivent partir d'une volonté de la direction générale». Lorsque c'est le cas, les acheteurs sont invités à travailler davantage avec les Etablissements et services d'aide par le travail (Esat) du secteur protégé et les Entreprises adaptées (EA) du secteur adapté. Les Esat, précédemment appelés CAT (Centre d'aide par le travail), permettent à des personnes lourdement handicapées d'exercer une activité professionnelle dans des conditions de travail aménagées. Les EA, qui remplacent les «ateliers protégés», emploient pour leur part au moins 80% de travailleurs handicapés dans les postes de production.

Une bonne partie de l'offre de ces structures intéresse les services généraux. L'entretien des espaces verts arrive en tête, représentant 20% des activités (statistiques 2007 du réseau Gesat, Groupement national des établissements et services d'aide par le travail). Les secteurs protégé et adapté proposent aussi des prestations de blanchisserie, de restauration, d'entretien courant de locaux, de collecte et de tri des déchets, etc. Mais recourir à ce type de structure coûte-t-il plus cher aux entreprises? «Les prix pratiqués sont ceux du marché, répond Emmanuel Chansou, chargé de la coordination et du développement du réseau Gesat. Mais il faut veiller à ne pas mettre en péril l'équilibre économique des structures sur lesquelles pèsent d'importants coûts de suivi et d'insertion sociale.»

Ces établissements fonctionnent en effet comme de véritables entreprises, même si leur finalité reste l'insertion des personnes handicapées, à l'image de l'Esat Les Pierres Fauves, implanté dans une zone industrielle à Vitrolles (Bouches-du-Rhône). «Nous accueillons 80 personnes atteintes d'un handicap mental, explique Patrick Faccio, chef d'atelier. Exercer un emploi via notre structure leur permet de se rendre compte de la réalité du monde du travail.» L'aile principale du bâtiment abrite plusieurs équipes dédiées à des activités de conditionnement, déconditionnement et tri de repas pour la restauration collective. Les repas sont préparés dans l'autre aile: six personnes handicapées s'occupent de la cuisine, épaulées par deux moniteurs et un gérant de la Sodexo, partenaire de l'Esat. Dans une annexe, à l'extérieur, quatre équipes disposent de tout le matériel nécessaire à l'entretien d'espaces verts. Une organisation bien rodée sous la houlette de Daniel Baldit, qui a créé l'établissement il y a 12 ans après avoir exercé des responsabilités en entreprise.

Françoise Odolant, CDAF

«Les acheteurs doivent surmonter une barrière psychologique et apprendre à connaître les entreprises du secteur adapté.»

Des structures essentiellement tournées vers l'insertion

La plupart des prestations de services généraux assurées par les Esat et les EA font également partie de l'offre des structures de l'Insertion par l'activité économique (IAE). Ce secteur spécifique intègre des personnes sans emploi, durablement exclues du marché du travail, qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles. Les structures d'insertion leur proposent une activité, ainsi qu'un accompagnement social et professionnel. D'une durée de 24 mois maximum, ce parcours a pour but de leur faciliter l'accès au marché de l'emploi. «A la différence des secteurs protégé et adapté, le secteur de l'IAE propose beaucoup de travaux de bâtiment mais peu d'ateliers», précise Grégoire Bellanger, directeur d'Ardie 47, une association au service de l'IAE de Lot-et-Garonne. Dans son département comme sur l'ensemble du territoire français, de nombreuses entreprises d'insertion offrent des prestations de services généraux. C'est le cas de Ménage Service, spécialisée dans le nettoyage, ou encore de l'Arbre Vert qui assure la récupération, le tri et le conditionnement de papiers et cartons.

En 2005, 230 000 personnes ont été embauchées dans les différentes structures de l'IAE: les entreprises de travail temporaire d'insertion (Etti), les entreprises d'insertion (EI), les associations intermédiaires (AI), les ateliers et chantiers d'insertion (ACI), les régies de quartier et enfin les Groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ). Toutes ces structures sont conventionnées par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Emmanuel Chansou, Gesat

«Il faut veiller à ne pas mettre en péril l'équilibre économique des structures sur lesquelles pèsent d'importants coûts de suivi et d'insertion sociale.»

Sourcing: les acheteurs s'organisent

Face à une offre portée par de petites structures et très localisée, les acheteurs peuvent parfois se sentir démunis. «Les professionnels doivent surmonter une barrière psychologique, apprendre à gérer ce sourcing et à connaître ces structures», indique Françoise Odolant (CDAF). A cette fin, ils peuvent s'appuyer sur les différents organismes qui fédèrent les structures. Ils y trouveront renseignements, conseils et orientations en vue de mettre en place des partenariats. Pour les secteurs protégé et adapté, on compte notamment le réseau Gesat et l'Unea (Union nationale des entreprises adaptées). Dans le secteur de l'Insertion par l'activité économique, il existe plusieurs têtes de réseaux, comme le CNEI (Comité national des entreprises d'insertion) ou le CNLRQ (Comité national de liaison des régies de quartier). De leur côté, les acheteurs s'organisent pour gérer efficacement leurs achats solidaires et faciliter les liens avec les structures concernées. C'est l'objet de la toute nouvelle association Pas@Pas soutenue par la CDAF. Elle compte parmi ses membres fondateurs le Groupe Caisse d'Epargne, la SNCF, Bouygues Telecom et Saint-Gobain. Son projet est concrétisé par le développement d'une plate-forme électronique destinée à faciliter le sourcing des acheteurs. Cette dernière présente notamment l'intérêt de regrouper à la fois les structures des secteurs protégé et adapté, et celles de l'Insertion par l'activité économique. «Nous souhaitons que l'association relaye auprès des structures les attentes de la communauté des acheteurs, dont une impérieuse nécessité de compétitivité», souligne Françoise Odolant, porteuse du projet.

Dans ce cadre, c'est finalement la question de la nature des relations entre les acheteurs et ses structures qui est posée. «Nous devons continuer à faire notre métier d'acheteur et à réaliser des économies, poursuit Françoise Odolant. Mais nous sommes prêts à consacrer du temps aux achats solidaires, à demander aux structures d'évoluer et à les accompagner.» La relation s'inscrit ainsi dans la durée. «Cela doit être un partenariat et non un simple cahier des charges, affirme Emmanuel Chansou (Gesat). Il ne faut pas perdre de vue l'objectif d'insertion sociale et professionnelle.» Les acheteurs sont eux aussi sensibles à cette dimension. «L'acheteur va à la rencontre d'un monde dont il n'a pas l'habitude», reconnaît Françoise Odolant. Une phase de découverte indispensable pour des achats solidaires et... durables!

Réglementation

L'emploi de personnes handicapées


En France, les sociétés de 20 salariés et plus doivent employer des personnes handicapées, à hauteur de 6% de leur effectif. Si elles ne remplissent pas ou seulement partiellement cette obligation, elles doivent s'acquitter d'une contribution à l'Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés). La loi handicap du 11 février 2005 a augmenté cette pression financière en instaurant des modalités de calcul différentes. La sous-traitance aux secteurs adapté et protégé donne aux entreprises la possibilité de satisfaire jusqu'à 50% de leur obligation. Les sociétés peuvent conclure un contrat de sous-traitance pour des prestations de services, des fournitures ou pour la mise à disposition de personnel handicapé. Le montant du marché de sous-traitance peut être converti en nombre d'unités bénéficiaires comptant pour la satisfaction de l'obligation d'emploi.
SOURCE: WWW.AGEFIPH.FR

@ Sylvie Leveillard, chef de projets achats solidaires, et Olivier Menuet, responsable achats durables et solidaires, SNCF

Témoignage

«Nous voulons multiplier par cinq nos achats solidaires d'ici à 2010»


La SNCF ne cache pas ses ambitions en matière d'achats solidaires. «Notre démarche est motivée à la fois par le développement durable et par les nouvelles exigences de la loi handicap», explique Sylvie Leveillard, chef de projets achats solidaires. La compagnie ferroviaire compte aujourd'hui 4 300 salariés handicapés dans ses effectifs. En complément de sa politique d'emploi, elle a choisi de développer la sous-traitance auprès des secteurs protégé et adapté. «Ces achats représentent 7 MEuros. Notre ambition est de les porter à 35 MEuros d'ici à 2010», indique Olivier Menuet, responsable achats durables et solidaires.
L'entreprise n'en oublie pas pour autant le secteur de l'Insertion par l'activité économique, au coeur des préoccupations du Grenelle de l'insertion, qui se tient actuellement. Un état des lieux est en cours en vue de mettre en place une politique d'achats spécifique.
Pour atteindre ces objectifs, la SNCF s'appuie sur une première expérience variée d'achats solidaires. Dans le domaine des services généraux, elle achète des prestations de blanchisserie, de traiteur, d'entretien d'espaces verts ou bien encore des fournitures de bureau. L'entreprise a également fait le choix de travailler avec le secteur protégé dans le domaine des DEEE (déchets d'équipements électriques et électroniques) et de la sous-traitance industrielle. «J'apprécie le professionnalisme, la fiabilité et la créativité de ces fournisseurs», témoigne Sylvie Leveillard. Une confiance fondée sur de nombreux échanges pour assurer la réussite de ses achats solidaires.


SNCF


ACTIVITE Transport ferroviaire
CHIFFRE D'AFFAIRES GROUPE 2007 23,7 milliards d'euros
EFFECTIF Plus de 160 000 salariés
VOLUME D'ACHATS Plus de 5 MdEuros par an
EFFECTIF ACHATS 800 salariés

Gérard Roussel, responsable achats projets transverses, Air France

Gérard Roussel, responsable achats projets transverses, Air France

Témoignage

«Nous sommes très satisfaits de la qualité des prestations du secteur adapté»


Chez Air France, la sous-traitance avec le secteur adapté a bel et bien décollé. Elle constitue une réponse à loi de 2005 qui a généré un «déficit» de 2 000 travailleurs handicapés dans l'entreprise. Par exemple, le personnel de bord n'était pas pris en compte dans le calcul des obligations légales de la compagnie, contrairement à aujourd'hui. «Dans le cadre de notre politique de développement durable, notre objectif pour 2010 est de recourir au secteur adapté à hauteur de 22 MEuros, ce qui équivaut à 30% de l'obligation d'emploi», indique Gérard Roussel, qui coordonne ces projets au sein de la direction achats de la compagnie aérienne. Pour l'aider à concrétiser ses projets, Air France s'est rapprochée de l'Union nationale des entreprises adaptées (UNEA) et du Groupement national des établissements et services d'aide par le travail (Gesat).
La collaboration a porté sur un grand nombre de filières métier: espaces verts, blanchisserie, impression, logistique et conditionnement, traitement des déchets, etc. Elle a notamment abouti à la sous-traitance du blanchissage d'une grande partie du linge de bord des avions. Un centre de production a même été créé avec l'entreprise adaptée AIA d'Asnières, initialement spécialisée dans le câblage automobile! «Nous avons changé la spécification de nos produits pour abandonner le nettoyage à sec qui utilise le perchloroéthylène, nuisible à la santé et à l'environnement», précise Gérard Roussel. Un véritable choix de développement durable.


Air France
ACTIVITE Transportaérien
CHIFFRE D'AFFAIRES GROUPE 2007 23 milliards d'euros
EFFECTIF 55 000 salariés VOLUME D'ACHATS 5 milliards d'euros annuels (hors carburant et avions)
EFFECTIFS ACHATS 200 salariés

 
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Luc Perin

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