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Le casse-tête tarifaire du Yield Management

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Le Yield Management est un système de gestion des capacités utilisé par les prestataires de voyages. Dès lors, les prix négociés par les travel managers ne sont pas toujours compétitifs face à une offre tarifaire devenue complexe. Explications.

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Faut-il encore négocier les tarifs avec les fournisseurs? Rien n'est moins sûr. Chez les travel managers, la question fait débat. En cause: l'arrivée et le développement du Yield Management, qui place les responsables des déplacements dans les entreprises face à une offre tarifaire des plus complexes. Chez Air France, par exemple, ce système de gestion des capacités disponibles a augmenté le nombre de tarifs par vol: «De deux à cinq prix publics combinables et flexibles auparavant, il y a désormais jusqu'à 30 tarifs pour un même vol, explique-t-on chez le transporteur. Sans compter les notions introduites de mini-stay et d'advance purchase [lire glossaire ci-contre] qui complexifient les choses.» Dans le transport aérien, précurseur en la matière, le concept repose sur l'affectation d'un certain nombre de sièges à une valeur tari faire donnée. La valeur la plus basse, qui est un tarif d'appel vers les avions vides, est généralement proposée sur un nombre limité de sièges. A l'inverse, le plus grand nombre de places est attribué aux tarifs les plus élevés. Et ce, en fonction des disponibilités: plus il y a de places libres, moins celles-ci sont chères. L'ajustement se gère en direct. Cette logique implique donc que les jours de grands départs, par exemple, n'offrent aucun prix bas.

Si l'arrivée du Yield Management a permis de proposer des prix plus faibles, ce système a également favorisé des tarifs plus élevés. «Il n'y a pas beaucoup d'offres tarifaires très basses reconnaît Air France. Mais avant, il n'y en avait pas du tout!» Pour les travel managers, c'est une opportunité à saisir. Reste à en avoir la possibilité. Face à ce constat, deux options se présentent: négocier avec un fournisseur pour obtenir un prix fixe ou appliquer une politique du meilleur prix quand le Yield Management le permet.

Christophe Pingard, Egencia

«Il faut savoir se montrer opportuniste et former les collaborateurs.»

Serge Bacchus est un partisan du second système. Le travel manager du constructeur informatique Unisys tire parti du Yield Management depuis cinq ans. Il demande à ses collaborateurs de profiter autant que possible des avantages de ce système en faisant le choix de réserver le billet le plus avantageux financièrement. «Il ne viendrait à l'idée de personne d'acheter, à titre personnel, un billet d'avion au prix fort. Il faut désormais adopter ce raisonnement dans l'univers professionnel», estime-t-il. Pour lui, l'avantage du Yield Management est certain. «Ce système nous permet d'obtenir les meilleurs tarifs disponibles le jour de la réservation. Il présente un gain financier conséquent», ajoute-t-il. Dans sa politique voyages, les tarifs négociés, qui représentent en moyenne entre 5 et 15% d'économies sur les prix de base, ont presque disparu. La règle? Les tarifs définis avec les fournisseurs ne doivent être choisis que s'ils s'avèrent moins chers. «Les gains sont là, assure le travel manager, également vice-président de l'Association française des travels managers (AFTM). Et ce, en dépit de la perte de volumétrie avec le fournisseur que cela engendre et son impact sur les négociations.»

Pour profiter du système, une condition s'impose néanmoins: réserver les billets à l'avance. Certains groupes ont ainsi instauré l'obligation pour les collaborateurs de réserver dix, voire quinze jours à l'avance. Même en respectant cette condition, le Yield Management présente des inconvénients. Le premier d'entre eux reste le manque de visibilité sur les tarifs pour le collaborateur ou son responsable voyages. Lequel se retrouve également face à la difficulté de budgétiser les déplacements. Second bémol: contrairement à l'utilisation de tarifs négociés, l'annulation est payante. «Sur un budget annuel, on s'y retrouve malgré tout», assure néanmoins Serge Bacchus (Unisys). Enfin, dans les faits, un déplacement professionnel contraint par un rendez-vous n'offre pas forcément la souplesse d'un voyage de loisirs et le SBT (Self Booking Tool, outil de réservation en ligne) des entreprises ne permet pas de jongler aussi facilement qu'un particulier sur Internet. Les disponibilités n'étant par ailleurs pas visibles, «nous avons le sentiment de naviguer en plein brouillard», déplore Claude Lelièvre, travel manager chez Legrand.

Remettre en cause les habitudes de réservation

Intégrées dans la boucle, les agences de voyages peuvent aider les entreprises à faire les bons choix tarifaires. C'est à elles que revient la tâche de décortiquer les prix et de comprendre leur mécanisme pour conseiller leurs clients. «Il faut être plus opportuniste sur ce créneau et remettre en cause les habitudes de négociations annuelles des tarifs avec les fournisseurs privilégiés», estime Christophe Pingard, vice-président Europe d'Egencia. Pour lui, la complexité du Yield Management reflète l'importance et la nécessité de «donner aux responsables achats et aux travel managers une plus grande connaissance du marché et de ses pratiques via des formations». Ainsi, l'agence de voyages d'affaires a fait un premier pas en lançant en début d'année un programme de formation ouvert à tous ses clients en Europe. Ces cours, destinés à étoffer les connaissances du marché pour améliorer l'efficacité des réservations, portent notamment sur la pratique du Yield Management par les différents prestataires: aériens, ferroviaires, hôteliers, etc. Au-delà des stages, le travel manager se doit également de dispenser, en interne, des formations auprès des voyageurs d'affaires afin de les éduquer aux bonnes pratiques en la matière. Au final, le Yield Management participe à l'optimisation des coûts des déplacements professionnels dans les entreprises.

Glossaire

- Advance Purchase: réductions proposées par les prestataires dans le cadre de réservations effectuées au cours d'une période prédéterminée.
- Mini-stay: durée de séjour minimale imposée par les prestataires pour bénéficier des offres tarifaires les plus intéressantes.
- SBT: les Self Booking Tools sont des outils de réservation de voyages en ligne. Ils mettent en relation les acheteurs, les fournisseurs et les agences de voyages. Ces logiciels permettent d'intégrer les spécificités de la politique voyages d'une entreprise (tarifs négociés, etc.).
- Yield Management: système de gestion des capacités disponibles ayant pour objectif l'optimisation du chiffre d'affaires du fournisseur par la segmentation de l'offre et des tarifs disponibles. D'abord appliqué par les opérateurs aériens aux Etats-Unis dans les années quatre-vingt, le système également appelé Revenue Management ou tarification en temps réel s'élargit peu à peu aux autres secteurs: ferroviaire, hôtelier, etc.

 
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Romain Rivière

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