« Sustainability procurement manager » : l'avenir de l'acheteur responsable ?
Dans le domaine des achats responsables, fleurissent ici et là de nouveaux postes dits de sustainability procurement manager. Quelles sont les missions de ces nouveaux profils d'acheteurs ? En quoi bousculent-ils les acheteurs dits responsables ?
Je m'abonne« Entreprise X spécialisée dans le secteur du BTP cherche son nouveau « sustainability procurement manager » ». Sur LinkedIn et autres moteurs de recherche RH, ces nouveaux profils au titre évocateur de « sustainability procurement manager » sont désormais très convoités par les entreprises. « On voit dans les entreprises des acheteurs référents achats responsables mais on voit également apparaître de plus en plus de postes d'acheteurs dits « sustainability » dans tous les secteurs (BTP, luxe, cosmétique, Énergie...) dans les grands groupes privés et les achats le secteur public. C'est assez spécifique aux achats et on pourrait le qualifier de révolution », explique Delphine Gilet, directrice Offre Achats Responsables/ Luxe/ Packaging, au sein du groupe EPSA. Les raisons ? Le sujet majeur de la décarbonation sur le scope 3 dont les achats doivent s'emparer mais aussi la norme ISO 20400 des achats responsables qui oblige à une plus forte gouvernance dans les achats responsables avec le respect de la Charte, une cartographie des fournisseurs, le devoir de vigilance, ... Soit autant de sujets complexes que tous les acheteurs ne peuvent maîtriser et connaître. Ce n'est pas là tant une tentative de supplanter les acheteurs qui se veulent responsables sinon que de donner un coup d'accélérateur à des sujets devenus vitaux pour les entreprises. Ces nouveaux acheteurs sont là pour davantage « soulager les équipes achats », avance Delphine Gilet d'Epsa.
Des garants des process et de la réglementation
Concrètement quelles sont les missions de ces nouveaux profils d'acheteurs responsables ? « Ces « sustainability procurement manager » ont un rôle de coordinateur et de sensibilisation aux bonnes pratiques achats responsables par catégorie, auprès des équipes achats. Ils sont là pour donner un cadre et structurer les process en suivant les évolutions réglementaires (loi Agec, décret BEGES : Bilans des Émissions de gaz à Effets de Serre...), en sélectionnant des indicateurs fournisseurs (notation Ecovadis, évaluation CDP...), pour un suivi de la performance. S'ils sont là pour faire descendre les infos, ce sont les acheteurs qui sont sur le terrain et qui sont quotidiennement en relation avec leurs fournisseurs qui doivent mettre en oeuvre ces pratiques dites responsables », toujours selon Delphine Gilet d'Epsa. C'est une façon de structurer une gouvernance avec une démarche, des process, de faire de la veille sur les évolutions réglementaires dans un domaine qui évolue sans cesse, mais aussi de sensibiliser l'ensemble des parties prenantes, et de les embarquer dans la démarche d'entreprise. « Ils ont un rôle transverse aux achats avec un vrai rôle d'animateur interne sur ces questions-là », souligne de son côté Franck Levy, partner chez Wavestone, cabinet de conseil en management et transformation des entreprises et des organisations.
Un rôle d'évangélisation RSE
Ces nouveaux acheteurs sont là « pour affirmer la conduite du Comex et des directions opérationnelles. Ces sustainability managers ont un rôle d'ambassadeur et d'évangélisation de la politique RSE au sein de l'entreprise », explique de son côté Pierre de Place, Exécutive Manager chez Michael Page. Ce qui semble louable, car « c'est une première étape qui a pour but d'éveiller à la RSE et d'impulser une dynamique opérationnelle ». En somme, c'est une vraie opportunité pour les achats de démontrer une nouvelle fois leur dimension stratégique au sein de l'entreprise. Et si cela prouve davantage la légitimité de la fonction, d'un point de vue RH cela donne des ailes aux jeunes futurs acheteurs. Car, dans une quête de sens au travail, ces nouveaux profils séduisent de plus en plus les salariés. Sans compter que ces nouveaux postes plus attrayants sur le papier « peuvent pallier le turn-over des équipes achats et deviennent un vrai levier d'attraction RH et de marque employeur », confirme Delphine Gilet d'Epsa. Si ces nouveaux postes apparaissent à première vue dans les achats en raison des sujets stratégiques comme la décarbonation, il n'est pas impossible d'imaginer sa déclinaison à d'autres métiers, comme « la partie commerciale qui elle aussi est concernée par le scope 3 ou encore les métiers de l'Asset qui gèrent le parc immobilier des entreprises », conclut Franck Levy de Wavestone. Les achats seraient-ils à la tête d'une révolution de gouvernance.
Sonia Delavictoire, Procurement Sustainability Manager Scope 3 chez Sanofi.
« Je suis dédiée au projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre de nos fournisseurs (Scope 3) ». - Sonia Delavictoire, Procurement Sustainability Manager Scope 3 chez Sanofi.
L'enjeu de la décarbonation fait bouger les lignes dans la gouvernance des entreprises et de nouveaux postes apparaissent à l'exemple de celui de Procurement Sustainability Manager Scope 3 chez Sanofi (ou manager des achats responsables sur le scope 3), créée en octobre 2022. Ainsi, Sonia Delavictoire occupe ce poste depuis sa création au sein du département achats durables et gestion des risques achats, direction elle-même intégrée à la direction achats. Elle oeuvre à la mise en place de la stratégie environnementale sur l'ensemble des catégories d'achats. « Je suis dédiée au projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre de nos fournisseurs (Scope 3). Le Scope 3 représente 88 % des émissions de l'ensemble des émissions CO2 de Sanofi, dont 63 % sont alloués aux activités achats pour atteindre les objectifs stratégiques du groupe », explique-t-elle. Pour cela, elle travaille en étroite collaboration avec la communauté achats au niveau monde, fait le lien entre les fonctions partenaires telles que les équipes HSE, les équipes RSE, les sites industriels, la supply chain... pour coordonner les actions liées aux réductions des émissions Scope 3 des fournisseurs de Sanofi. Un vrai travail d'évangélisation.