Les achats ne font pas (toujours) appliquer les standards en matière de travail responsable
La majorité des fournisseurs européens n'ont pas à devoir prouver qu'ils ont mis en place des protections contre les violations du droit du travail, et 76% des fournisseurs français n'ont encore pas mis en oeuvre des plans de protection complets pour la lutte contre l'esclavage moderne.
Je m'abonneUne étude mandatée par Ivalua révèle que plus de la moitié (58%) des fournisseurs européens n'insèrent jamais, ou que rarement, des pratiques de travail responsables dans leurs contrats ou leurs accords. L'étude met aussi au jour l'absence d'une surveillance constante des standards en matière de travail. Seulement la moitié (50%) des fournisseurs européens disent qu'il leur est fréquemment demandé par leurs acheteurs de prouver qu'ils se prémunissent contre les conditions de travail dangereuses. Les chiffres sont encore plus bas pour ce qui concerne d'autres standards, tels que le travail des enfants (47%), l'esclavage moderne (45%) et la rémunération au-dessous du salaire minimum (42%).
Cette enquête réalisée par Coleman Parkes Research a été menée auprès de 300 fournisseurs situés au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Suisse, dans le but d'étudier les standards de travail et d'emploi qui prévalent dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Ses conclusions montrent que les acheteurs ne font pas appliquer les standards appelant des pratiques de travail responsables, et plus des trois quarts (78%) des fournisseurs européens disent ne pas avoir mis en place des mesures permettant de détecter et d'éliminer toute forme d'esclavage moderne dans leur chaîne d'approvisionnement.
En France, la loi de devoir de vigilance impose aux organisations d'identifier les risques et de prévenir les violations des droits de l'homme en interne, ainsi que chez leurs fournisseurs ou sous-traitants. Cependant, 35% des acheteurs incluent des pratiques de travail responsables dans leurs contrats ou accords et 52% des fournisseurs à qui l'on demande fréquemment de fournir la preuve qu'ils protègent contre les conditions de travail dangereuses. En outre, 76% des fournisseurs qui, lors de la sélection des fournisseurs en aval, n'ont pas entièrement mis en oeuvre des plans de protection contre l'esclavage moderne.
"Combattre les mauvaises pratiques dans le domaine de l'emploi ne consiste pas à simplement "cocher des cases". Avec le durcissement de la réglementation, les entreprises doivent assurer un traçage, car l'impact commercial des standards de travail contraires à l'éthique peut être extrêmement dommageable", souligne Alex Saric, directeur marketing d'Ivalua. "La responsabilité qui consiste à s'attaquer aux pratiques contraires à l'éthique s'étend à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, depuis les acheteurs jusqu'aux fournisseurs. Mais le changement commence par le haut, et c'est aux acheteurs qu'il appartient d'engager le dialogue avec les fournisseurs à un stade précoce, pour indiquer clairement qu'aucune mauvaise pratique de travail ne sera plus tolérée. Il est envisageable de mettre en place des incitations, mais le message doit être très clair : nous ne travaillerons qu'avec des fournisseurs qui auront des standards de travail certifiables", complète-t-il.
La réglementation devenant plus stricte, corrélée à un appel du gouvernement, des investisseurs et des consommateurs pour des politiques de travail dites plus responsables, il devient donc nécessaire d'accompagner les fournisseurs dans cette démarche.
Cet impératif implique de collaborer avec les fournisseurs directs, mais aussi avec leurs propres fournisseurs, afin d'introduire un changement positif à long terme. Toutefois, la majorité des fournisseurs ne sont pas totalement préparés à la nécessité d'éradiquer les pratiques de travail contraires à l'éthique. Le rapport conclut que les fournisseurs n'ont actuellement pas mis de mesures en place pour supprimer les rémunérations inférieures au salaire minimum (77%), le travail des enfants (76%), les conditions de travail dangereuses (75%) ou les horaires de travail déraisonnables (78%).
"L'identification et la suppression des pratiques de travail contraires à l'éthique est une responsabilité qui incombe à tous les acteurs, tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Mais les acheteurs doivent renforcer leur stratégie environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) afin d'introduire un changement significatif et de réduire le risque de non-conformité", note Alex Saric. "Pour y parvenir très concrètement, les achats doivent être plus méthodiques. Il est fondamental que les entreprises disposent de données adéquates qui leur permettent d'identifier et d'éviter tout partenaire dont les pratiques de travail sont contraires à l'éthique. Elles doivent avoir une visibilité complète sur leurs fournisseurs directs, de second rang et les sous-traitants. Et à cet effet, ils doivent mettre en place les bons outils, qui garantiront la fiabilité des données et qui les aideront à prendre les meilleures décisions. À défaut, des cas de non-respect des normes de travail pourront facilement passer inaperçus".
Autres statistiques tirées de l'étude :
- Moins d'un quart (24%) des fournisseurs britanniques interrogés ont totalement développé et mis en oeuvre des mesures visant à réduire le risque de se voir infliger des amendes au titre des modifications qui pourraient être apportées à la loi britannique sur la lutte contre l'esclavage moderne.
- Seulement 8% des fournisseurs interrogés disent que les acheteurs insèrent dans leurs contrats ou leurs accords l'obligation d'adopter des pratiques de travail responsables.
- Plus des trois quarts (77%) des fournisseurs interrogés estiment que le fait d'adopter des pratiques de travail responsables peut favoriser leur compétitivité.
- 86% des fournisseurs britanniques interrogés voient dans les pratiques d'emploi responsables un avantage concurrentiel, contre 71% en France et 70% en Allemagne - ce qui semble indiquer que les acheteurs britanniques mettent en place davantage de mesures de lutte contre les pratiques d'emploi contraires à l'éthique que les acheteurs des autres régions européennes.
Pour télécharger l'étude d'Ivalua de 2021 sur l'emploi responsable intitulée "Combatting unethical labour : How organisations can collaborate with suppliers to uphold working standards", cliquez ici
À propos du rapport
Lire aussi : Compliance et achats responsables - Comment naviguer entre réglementation et création de valeur ?
Ce rapport est fondé sur une enquête menée en avril 2021 auprès de 300 fournisseurs situés au Royaume-Uni (100), en France (100), en Allemagne (50) et en Suisse (50), qui fournissent des matériaux, des services ou des pièces à de grandes entreprises (+ de 1 000 employés) multinationales. Cette étude commanditée par Ivalua a été réalisée par Coleman Parkes.