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[Performance extra-financière] Aller au-delà du quantitatif...pour embarquer les fournisseurs

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[Performance extra-financière] Aller au-delà du quantitatif...pour embarquer les fournisseurs

La mesure de la performance extra-financière pour les achats ne sont pas que de simples chiffres. Connaissances élargies, exemplarité, pédagogie et narratif sont requis auprès des acheteurs pour parfaire la stratégie environnementale choisie et « embarquer » les fournisseurs.

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Évolution sociétale et vent réglementaire annoncent pour les entreprises une avalanche de données RSE à fournir. Les achats doivent anticiper leur rôle d'explication, de contextualisation, de décomposition des indicateurs dans les reportings pour convaincre les équipes internes... et les fournisseurs.

Se servir des nouvelles contraintes

La directive européenne CSRD qui se concrétisera progressivement en 2024 harmonise, bonifie et élargit le reporting de durabilité des entreprises selon 12 normes précises. Ce sont 500 000 entreprises - au lieu de 11 000 précédemment - qui seront tenues de réduire leur impact et celui de leur chaîne d'approvisionnement. Car l'époque où il fallait juste penser à la réduction des émissions entre les murs de l'organisation est révolue. « Mais la CSRD induit surtout des déclarations quant à la gouvernance, la stratégie, le modèle d'affaires choisi, l'identification et la gestion des impacts, risques et opportunités. Les indicateurs ne constituent que le quatrième pilier, ils ne sont que l'aboutissement de la stratégie environnementale, la cerise sur le gâteau », assure Natacha Trehan, maître de conférences en management stratégique des achats à l'Université Grenoble Alpes. Et le texte s'ajoute à celui de la Taxonomie européenne en vigueur depuis 2022, qui se traduit par un système de classification des activités durables à travers six objectifs environnementaux.

Coercition mal venue

Se cantonner au quantitatif revient à devenir le gendarme des fournisseurs, à tomber dans le contrôle, l'évaluation des risques et à exclure les mauvais élèves. « Pas assez pour des acteurs - particulièrement les industriels - qui ont tout à gagner de garder dans la durée leurs fournisseurs. Ceux-ci, s'ils sont accompagnés pour atteindre des objectifs RSE communs, feront plus d'efforts », résume Myriam Boniface, cofondatrice de Nicomak, cabinet de conseil vers la transition écologique situé en Porte-de-Savoie (20 salariés). Accompagnant des acteurs dans la mise en place de critères d'évaluation verts et sociaux en « première brique », elle les conduit ensuite à effectuer des audits, du conseil voire des formations auprès de leurs fournisseurs afin qu'ils améliorent leurs résultats EcoVadis par exemple.

Un profil d'acheteurs en évolution

Les émissions de gaz à effet de serre du scope 3 restent la pièce manquante du puzzle de la stratégie zéro émission nette pour 2050. Les équipes achats se trouvent donc aux avant-postes pour informer des flux de données critiques dans les biens et services achetés et faire des propositions. Dans le cas de l'article 8 du règlement de taxonomie, les acheteurs vont pouvoir orienter l'entreprise vers des achats d'investissement et d'exploitation plus durables. Par exemple en utilisant des sites de réemploi lors de projets de rénovation. « Dans le cas de la CSRD, ce sont eux qu'on ira chercher pour concevoir la cartographie de chaîne de valeur, identifier les risques et opportunités causés par la durabilité, à l'image de Decathlon qui bascule dans une logique de location et réparation. Ils aideront à entrer dans l'économie de la fonctionnalité en négociant de nouveaux contrats avec les fournisseurs, ils alerteront sur le recueil de data qui sera le nerf de la guerre », prévoit Natacha Trehan. Les efforts doivent donc se poursuivre dans l'acquisition de « hard skills », de connaissances élargies pour faire preuve de clairvoyance et protéger dans le temps l'entreprise de risques de sourcing (pénuries, pollutions, géopolitique sur les terres rares...). « Danone ou Clarins s'engagent en amont à acheter le plastique recyclé de l'américain Eastman avant que l'usine ne soit installée, pour sécuriser la matière première à prix garanti (offtake agreement sur 5 à 10 ans) », cite Natacha Trehan. Stellantis s'est de même engagé auprès de Vulcan Energy sur du lithium responsable pendant 10 ans. Les acheteurs contribueront à la performance financière de l'entreprise, comme chez Orange qui, dans le cadre de son programme OSCAR, travaille avec des équipements reconditionnés pour les infrastructures réseaux et dégage 67 % d'économies. Par leurs initiatives vertes, ils pourront aussi participer à l'optimisation fiscale en obtenant selon les pays des bonus, crédits d'impôts... Leurs « soft skills » doivent aussi être perfectionnées pour le dialogue, la coconstruction avec les fournisseurs, l'instauration d'un climat de confiance. Avant de présenter le questionnaire certifié ODD permettant de balayer tout l'engagement RSE et éthique des fournisseurs et d'obtenir des scores, ils devront formaliser les engagements, les partis pris aussi, parfois au travers de chartes. Le groupe Partnaire spécialisé dans le recrutement et le travail temporaire (900 salariés), reconnu dans le domaine, a ainsi identifié 28 fournisseurs stratégiques en 2022, signataires de la charte d'achats responsables du groupe, pleinement associés à sa chaîne de valeur, pour une amélioration commune continue. Dans la note globale de performance attribuée, 25 % des critères sont RSE. Les fournisseurs partenaires doivent être à même de se projeter dans une relation bien éloignée du rapport tendu et cliché « client fournisseur ».


Natacha Trehan, maître de conférences en management stratégique des achats à l'Université Grenoble Alpes :

« Les meilleurs acheteurs iront au-delà de la simple compliance »

Les entreprises se préparent-elles aux évolutions règlementaires ?

Assurément, car les grands groupes se tournent vers leurs fournisseurs et ainsi de suite. C'est aussi la garantie d'accès à des taux préférentiels car les financiers prennent plus en compte les critères RSE. Cela peut dégager des économies - par l'optimisation énergétique, les boucles d'économie circulaire... - et même générer du CA, à l'exemple de la SNCF Réseau qui revend ses rails usagés aux aciéristes pour les recycler, gagnant 56.7M d'euros en 2021.

Quels profils vont être plus recherchés demain dans la fonction achats ?

L'acheteur durable détiendra à peu près les mêmes « soft skills » demandées aujourd'hui pour « embarquer » les fournisseurs. La nouveauté est l'exigence de « hard skills » supplémentaires en environnement, règlementation (CSRD, data act...), économie circulaire, contractualisation et finance pour déceler les risques/opportunités des changements règlementaires, identifier les fournisseurs idoines proposant des technologies décarbonées, travailler sur la rentabilité des capitaux engagés. Dans le master Desma (management des achats) de Grenoble IAE-INPG, nous renforçons les cours sur la connaissance du cycle de vie du produit, les dimensions contractuelles de l'économie de la fonctionnalité, le calcul de l'empreinte carbone ou sur la biodiversité.


 
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