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"On attend de ce Label une transformation de l'ADN des achats"

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'On attend de ce Label une transformation de l'ADN des achats'

Lancé en octobre 2021, le parcours national des achats responsables vise à donner un coup d'accélérateur et davantage de visibilité à la démarche achats responsables des entreprises. Quel est son impact et ses objectifs ? Réponses avec Laurent Denoux, Chargé de mission pôle acheteurs, Chartes et Labels - Médiation des entreprises

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En quoi consiste le parcours national des achats responsables mis en place par le Médiateur des entreprises et le CNA ?

Ce parcours est un dispositif structurant qui vise à encourager les entreprises et les acteurs publics à développer et à progresser de manière continue, auprès de leurs fournisseurs, dans leurs pratiques d'achats responsables. Ce parcours se compose de deux grandes étapes : la première est l'adhésion à la charte "relations fournisseurs et achats responsables" (2300 signataires) qui porte sur dix principes d'actions, la seconde est l'obtention du Label - du même nom - qui vient reconnaître la solidité et la pérennité des relations fournisseurs et dont le référentiel s'appuie sur la norme internationale ISO 20400.

Pour accompagner l'organisation à se situer sur son niveau de maturité "achats responsables", celle-ci peut renseigner préalablement à son adhésion à la charte un autodiagnostic qu'elle décide de partager ou non avec la Médiation des entreprises. Si elle souhaite aller plus loin, elle renseigne le formulaire d'adhésion à la charte - gratuite - en nommant 3 profils (un correspondant PME, un pilote de la Charte et un médiateur). Enfin, si l'organisation souhaite encore mieux maîtriser ses risques achats et sa chaine d'approvisionnement, professionnaliser ses acheteurs, réaffirmer ses valeurs, ou encore embarquer plusieurs directions dans un projet mobilisateur et fédérateur, elle candidate à la labellisation puis a recours à l'un des 9 cabinets évaluateurs agréés pour monter son dossier de labellisation et présenter un plan de progrès pluriannuels.

Ce parcours sert-il à rendre plus fluide et plus transparent le process ?

Oui, tout à fait. Ce parcours sert avant tout à rendre visible une logique de progression où chaque organisation peut se situer selon son niveau de maturité et son ambition. L'idée étant de partir d'une démarche d'encouragement (la charte) vers une démarche d'engagement (Label).

Qu'observez-vous de la part des candidats au Label ?

Tout d'abord, depuis 2021 une forte montée en puissance des candidatures tant au niveau privé que public. Je pense que cela s'explique principalement par un besoin de resserrement des liens entre acteurs économiques - dans ce contexte de crise des matières premières et des approvisionnements - qu'ils retrouvent au travers d'outils communs de dialogue tels que la charte et le Label et depuis la Loi Pacte par une volonté de nombreuses organisations de se déclarer "entreprises à mission" et de matérialiser cette conviction au travers de la charte et du Label.

Ce que j'observe également, c'est l'accompagnement croissant des filières auprès de leurs adhérents pour entrer dans ce parcours, convaincues de l'impact des achats responsables sur la compétitivité économique et sur toute la chaîne de valeur.

Enfin, je constate une volonté, d'un nombre grandissant de PME et d'ETI à devancer les attentes de leurs clients et les contraintes réglementaires pour se différencier de la concurrence. Elles ont compris que par ce dispositif solide, elles accédaient aux meilleures pratiques mondiales d'achats responsables (ISO 20400) et se mettaient en capacité d'être plus résilientes en cas de prochaine crise.

Note-t-on une différence de maturité sur le sujet entre le secteur public et le secteur privé ?

Disons que le niveau de maturité est différent selon les domaines. Par exemple, le secteur public, de par le respect du Plan National des Achats Durables (PNAD), se retrouve plus à l'aise sur les critères liés à l'insertion et au développement durable. Côté secteur privé, c'est plutôt sur l'approche en coût complet et au déploiement international.

On constate d'une façon générale une bonne maturité achats responsables du secteur bancaire notamment grâce à la loi Sapin 2 et au devoir de vigilance qui a obligé le secteur à se mettre en conformité et du secteur de la Défense où la sécurité des processus d'achats, la qualité et la confidentialité sont prégnants.

Enfin, le secteur public et les collectivités en particulier, notamment celles soumises au Schéma de Promotion des Achats Socialement et Ecologiquement Responsables (SPASER) -dès lors qu'elles dépassent un volume d'achat annuel supérieur à 50 M€ - s'engagent dans la démarche de labellisation compte tenu des fortes synergies entre le SPASER et le Label. A ce titre, un Vade-Mecum dédié sera édité courant octobre.

Y a-t-il des pratiques dont nous pourrions nous inspirer dans d'autres pays ?

Pas à ma connaissance. On peut rappeler que la France a été à l'initiative de la norme ISO 20400 et qu'elle dispose d'un Label reconnu qui permet à toute organisation de mesurer objectivement et rigoureusement sa maturité achats responsables, ce que ne permet pas l'ISO 20400 seule. Sans prétention aucune, je pense que les entreprises françaises et les acteurs publics n'ont pas à rougir de leurs pratiques.

Auriez-vous quelques exemples de bonnes pratiques à nous partager de la part de directions achats ? Ou au contraire des erreurs à ne pas commettre ?

Une des erreurs à éviter est la dispersion des ressources internes pour conduire son plan de progrès. La direction générale et la direction achat doivent prioriser les actions clés à même de remplir les exigences du Label notamment les critères dits "majeurs". Un autre écueil est de sous-estimer les changements à introduire et à pérenniser. Selon la taille des organisations, la "mutation" des pratiques peut s'avérer lente. Le plus important est d'avancer avec simplicité et méthode.

Parmi les bonnes pratiques figurent celle de la formation d'un médiateur interne aidant à fluidifier et apaiser les relations avec les fournisseurs, la mise en place d'indicateurs de progrès en matière d'achats responsables partagés régulièrement avec les fournisseurs, la cartographie des opportunités d'achat (et pas seulement des risques) liées aux pratiques d'achats responsables (ex : remise à plat des processus amenant à une meilleure productivité...) et on peut relever également l'accompagnement de donneurs d'ordres auprès de leurs fournisseurs pour les aider à monter en compétence "achat et achats responsables".

Quel est finalement l'impact attendu de ce Label sur l'économie ?

Ce qui est attendu de ce Label, c'est avant tout une transformation de l'ADN de la fonction achats pour faire évoluer les pratiques d'achat et agir ainsi concrètement sur l'économie réelle. Ce Label entraîne mécaniquement une plus forte solidarité économique et une plus grande confiance entre les fournisseurs et leurs donneurs d'ordre, source de business.

Et cet impact commence à se faire sentir car ces 68 labellisés représentent un peu plus de 100 Mds euros de volume d'achat annuel. Et le potentiel du Label est prodigieux au regard des 4 millions d'entreprises que comptent la France sans parler de tous les acteurs publics déterminés à conduire cette politique publique d'achats responsables.

Le sujet de la décarbonation est très présent aujourd'hui. Comment agir au niveau des achats ?

Le temps des prédications est terminé, le temps est à l'action. Les organisations cherchent à trouver le bon modèle de sélection de leurs fournisseurs pour minimiser leur impact sociétal et environnemental mais le référentiel indiscutable universel pour cela n'existe pas encore, même si le SBTi (Science Based Targets initiative) ou celui de l'ADEME sont matures. Il convient donc de faire preuve de bon sens et dans un premier temps de mesurer de manière empirique son taux de décarbonation. Pour cela, les directions achats, par leur vision holistique du sujet peuvent actionner 2 leviers. Le premier porte sur les fournisseurs (à plus forts impacts) car le SCOPE 3 impose au client de mesurer les émissions indirectes liées à la chaîne de valeur et de la réduire. Pour embarquer les fournisseurs, il faut naturellement faire preuve de pédagogie en co-construisant avec eux des indicateurs pertinents ainsi qu'un plan d'actions réaliste et ambitieux. De ces échanges ressortira une cartographie des dépenses d'achats avec leur équivalent d'émission carbone qu'il s'agira de suivre.

Le second levier se situe au niveau des produits et services vendus. Il existe de plus en plus d'outils et de simulateurs pour mesurer le bilan carbone de ces intrants mais la direction achat reste le meilleur atout de l'entreprise pour travailler dès l'amont, dès la conception du produit, avec la R&D et le service marketing pour apporter sa valeur ajoutée en matière d'analyse du cycle de vie (ACV). Cela suppose une montée en compétence des équipes achats sur la norme ISO14000.

En Bref

10 Le nombre d'engagements à tenir pour les signataires de la charte Relations fournisseurs et achats responsables (RFAR) comme assurer une relation financière responsable vis-à-vis des fournisseurs, apprécier l'ensemble des coûts et impacts du cycle de vie ou nommer un médiateur "relations fournisseurs", chargé de fluidifier les rapports internes et externes à l'entreprise.

2244 Le nombre de signataires de la Charte RFAR.

68 Le nombre d'entreprises/organismes ayant obtenu le label RFAR.

(Source : chiffres du site economie.gouv.fr au 1/09/2022)

Laurent Denoux, Responsable parcours national des achats responsables, Médiation des entreprises au sein du Ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

Laurent Denoux, Responsable parcours national des achats responsables, Médiation

Biographie

Février 2019 : Chargé de mission pôle acheteurs, Chartes et Labels - Médiation des entreprises au Ministère de l'Economie et des Finances

Juin 2010 : Responsable ministériel des achats au Ministère de l'Economie et des Finances

Octobre 2004 : Chef du département des achats à la Cité des Sciences et de l'Industrie

En parallèle, plusieurs missions de coopération technique à l'étranger en conseil et formation sur l'achat, la commande publique et l'innovation.

 
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