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[20 ans d'informatique] Les usages guident l'évolution des outils... et non l'inverse

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[20 ans d'informatique] Les usages guident l'évolution des outils... et non l'inverse

En 20 ans, et à la faveur de mutations technologiques majeures, le monde de l'entreprise s'est totalement approprié l'outil informatique. L'informatisation a permis d'accélérer les prises de décision et d'améliorer la communication au sein de l'entreprise. Pourtant, il reste encore beaucoup à faire.

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Essayez de vous remémorer ce qu'était l'informatique en entreprise il y a seulement 20 ans... Internet n'est pas encore répandu dans tous les milieux professionnels, les débits sont lents, l'outil informatique est lourd, complexe, nécessite des formations longues, et si les promesses sont nombreuses, l'interopérabilité n'est encore qu'une chimère.

Ce n'est qu'à la faveur de l'émergence des ERP (enterprise resource planning ou PGI pour progiciels de gestion intégrées) que l'informatique en entreprise dépasse le seul cadre de la bureautique et de la gestion de la correspondance. En ces temps "antédiluviens", il n'existe quasiment aucun standard, les systèmes sont propriétaires, tout est cloisonné. Depuis, les choses ont bien changé !

Rupture n° 1 : le développement des ERP

Après la généralisation des PC dans le monde de l'entreprise, nous avons vu arriver les ERP dans les années quatre-vingt-dix. Ils représentaient alors la promesse, de "mettre de l'ordre" dans les processus métier des entreprises. Ils devaient coordonner l'ensemble des activités (celles dites "verticales" telles la production, l'approvisionnement, ou les "horizontales" comme le marketing, les forces de vente, les RH, etc.) autour d'un même système d'information (SI). Cette promesse, les ERP l'ont tenue. Mais à l'usage, force est de constater qu'ils se sont révélés inféodants, souvent lourds, et relativement inadaptés.

Pour Louis Naugès, cofounder & chief cloud evangelist de Revevol, les ERP ont été une illusion, une fausse bonne idée. Si des éditeurs tels que SAP, Oracle ou Accenture ont pu s'enrichir, le fonctionnement des ERP s'est révélé trop rigide. La principale erreur a alors consisté à penser que l'on pouvait et que l'on devait tout unifier. Mais c'était sans compter sur l'évolution des technologies, celle des marchés et des usages. Et le cofondateur de Revevol ne manque pas d'exemples pour illustrer les limites des ERP, pensant notamment à Chorus, le système développé par le ministère des Finances pour la comptabilité du gouvernement. Utiliser SAP pour tenter de régler un problème aussi complexe que la comptabilité publique, avec un logiciel qui n'avait jamais rien fait d'équivalent, il fallait oser ! À n'en pas douter, avant même le démarrage de ce projet d'envergure, l'échec était inévitable. Chorus a déjà fait l'objet de fortes critiques de plusieurs commissions d'enquêtes parlementaires, fustigeant les retards, les dépassements de budget et les difficultés d'usage. Pour Louis Naugès, il s'agit d'un des exemples les plus criants des limites des ERP.

Si le monde de l'entreprise mesure aujourd'hui parfaitement les lacunes des progiciels de gestion intégrée, il demeure très complexe de s'en libérer. Non seulement les acteurs majeurs font tout pour ralentir le processus, mais les entreprises ont consenti de tels investissements qu'il est difficile de faire machine arrière. Pour y parvenir, il faut réduire progressivement la voilure et procéder par étapes. Selon Louis Naugès, les ramifications des ERP dans les SI sont trop profondément ancrées pour être éradiquées d'un clic !

Rupture n° 2 : Internet débarque dans les entreprises

S'il est une rupture majeure dans l'histoire des nouvelles technologies, c'est évidemment l'arrivée d'Internet dans les entreprises. D'après Louis Naugès, cette rupture a d'abord créé les conditions d'un marché gigantesque. Les entreprises ont pu s'ouvrir plus facilement sur le monde, se développer. Le Web a également permis de poser des standards, de définir de nouveaux usages, de créer de nouvelles méthodes de travail et d'universaliser les solutions techniques avec le HTML, l'Ajax, etc.

Au premier rang des changements clés que retient l'expert, il y a, bien sûr, la continuité de l'activité. Il est devenu possible de travailler partout, tout le temps ! Un phénomène qui s'est renforcé avec l'émergence progressive de l'Internet mobile. Cette évolution plus récente constitue elle aussi une rupture capitale. Le cofondateur de Revevol illustre son propos par un chiffre qui permet de prendre la mesure du phénomène : aujourd'hui, plus de 7 milliards de cartes SIM sont en circulation dans le monde, soit autant que d'êtres humains !

Avec les technologies 3 et 4G, l'Internet mobile résout définitivement le problème des performances des infrastructures réseau. Le niveau de fiabilité et de disponibilité a atteint un stade industriel. L'ensemble des périphériques mobiles (ordinateurs, smartphones, tablettes) est doté d'un navigateur capable de se connecter à un réseau sans fil pour accéder à un serveur distant. Le navigateur est devenu la passerelle incontournable entre l'infrastructure réseau et les moyens de communication et de production.

Rupture n° 3 : l'émergence de la dimension CRM

Peu après la révolution ERP, la relation client se retrouve bouleversée par l'arrivée d'un concept novateur : le CRM (pour customer relationship management) ou GRC (gestion de la relation client), à la fin des années quatre-vingt-dix. L'entreprise se donne les moyens de placer le client au centre de sa stratégie et non plus en bout de chaîne. L'époque où l'on voit fleurir de gigantesques centres d'appels (puis centres de contacts) de plusieurs centaines - voire milliers - de positions est inaugurée.

En parallèle, certains éditeurs se font une réputation, à commencer par Siebel (qui deviendra Oracle), puis Salesforce. Particularité de ce dernier : son offre est en mode SaaS (software as a service), et il est considéré à ce titre comme l'un des pionniers du cloud... Selon Louis Naugès, pour les grandes entreprises, il y a peu d'alternatives à Salesforce : " C'est dommage, car davantage de concurrence permettrait de faire baisser les prix. "

Le niveau d'usage réel des CRM - SaaS ou pas -, est beaucoup plus bas que ne l'annoncent les éditeurs. En raison, principalement, du peu d'appétence des commerciaux pour ces outils très structurés qui les obligent à adopter une démarche plus rationnelle que celle qu'ils ont coutume d'avoir. C'est l'une des raisons pour lesquelles, selon notre expert, nous voyons apparaître des outils alternatifs plus souples et plus légers (comme Collabspot), qui prennent en compte cette situation. Une tendance vers des outils qui s'adaptent aux usages, et non l'inverse, qui devrait se propager face à la pression et aux besoins des utilisateurs.

Rupture n° 4 : les années SaaS et cloud

L'accès permanent à Internet, qu'il soit sédentaire ou nomade, a posé les conditions nécessaires à une nouvelle rupture : le cloud. L'"informa­tique dans les nuages" est, selon Louis Naugès, " l'évolution technologique qui va sceller pour de bon le destin des ERP et ce, malgré les agitations désespérées de leurs plus ardents défenseurs ". Le cloud fait passer les entreprises de la culture des solutions intégrées à la celle des composants.

La phase initiale qu'a constituée le SaaS n'a fait que renforcer cette rupture. D'ici à 2021, tous les usages non-métier vont basculer vers le SaaS. Désormais, les applications fonctionnent comme des briques que l'on agrège au SI en fonction des besoins. Le SaaS et le cloud redonnent finalement ses lettres de noblesse à la notion d'applications sur mesure. Les équipes des DSI peuvent concentrer leurs efforts sur des activités spécifiques, créatrices de valeur et de compétitivité.

La difficulté n'est plus aujourd'hui d'administrer le réseau pour qu'il fonctionne dans des conditions optimales, mais de savoir comment agréger les composants qui vont permettre à l'entreprise de travailler. De cette rupture découle un changement majeur de mentalités : les DSI ne décident plus seules de ce qui est bon ou pas pour le SI. Autrefois, le travail était effectué en silo. Désormais, avec l'aide du SaaS et du cloud, il existe de plus en plus d'interactions entre les services pour déployer des solutions métiers.

Mais cette rupture peut contribuer à causer des dommages collatéraux, car un certain nombre d'emplois sont menacés, notamment au sein des DSI. Ainsi, il n'est plus nécessaire d'avoir de gros effectifs en interne pour gérer les réseaux et les serveurs, car les infrastructures sont déportées ou externalisées.

Les directions achats doivent, elles aussi, penser différemment leurs processus métiers. La logique même des achats évolue. Pour Louis Naugès, le SaaS et le cloud révolutionnent les méthodes des acheteurs et il existe une véritable rupture dans la consommation de services cloud et réseau. Des acteurs comme Google, Amazon ou Microsoft, avec Windows Azure, appliquent spontanément des baisses de prix régulières et importantes. Il n'est donc plus nécessaire de négocier les prix ! Les procédures des services achats, qui consistaient à créer un référentiel de fournisseurs, puis à les mettre en concurrence avant de s'engager à moyen ou long terme pour bénéficier de tarifs avantageux, n'existent plus !

En matière d'applications, les services achats doivent dorénavant choisir un fournisseur de qualité présentant toutes les garanties de sérieux et de pérennité, et attendre la baisse naturelle des prix. Les compétences achats se sont reportées non plus sur des critères techniques mais sur la mise en parallèle d'usages et d'applicatifs. Pour y parvenir et combler une naturelle méconnaissance de l'offre, il faut travailler main dans la main avec les différents services de l'entreprise. Cette profonde mutation des achats dans le monde de l'informatique tient en une phrase : l'offre industrielle de solutions prêtes à l'emploi s'impose à la demande.

Rupture n° 5 : la révolution R2I d'ici à 2021...

Tout concourt aujourd'hui à ce que les entreprises reprennent le contrôle du SI. C'est, selon Louis Naugès, la prochaine rupture majeure à laquelle nous allons assister avec la R2I, "révolution industrielle informatique". Déjà en cours, elle a été initiée par une tendance de fond : ce n'est plus l'entreprise qui prescrit les usages ; le grand public a pris le pouvoir. Les rapports de force se sont inversés, ce que les chiffres illustrent parfaitement : en 2012, 85 % des achats informatiques étaient issus du grand public. Les influenceurs sont bien ceux qui, à partir de leurs usages personnels, demandent à l'entreprise de disposer des solutions qu'eux-mêmes utilisent déjà dans leur vie privée. Nous sommes ainsi, aux yeux de Louis Naugès, en présence d'une rupture d'usage.

L'infrastructure, elle, échappe aussi bien aux utilisateurs qu'aux entreprises. Elle est aux mains d'acteurs (Amazon, Google, Microsoft...) qui en assument la responsabilité. Amazon a créé son offre cloud en 2006, Google Apps a vu le jour en 2007. Ces entreprises possèdent déjà une forte antériorité et déploient des moyens considérables pour fiabiliser et redimensionner sans cesse leurs infrastructures.

Dans toutes les industries, on utilise des composants standards et interchangeables. Elle est révolue, cette époque où tous les éléments d'une voiture étaient spécifiques, fabriqués sur mesure. Aujourd'hui, lorsque vous cherchez des pneus, vous avez le choix parmi de nombreuses marques. Demain, ce sera aussi le cas dans le monde informatique industriel : si vous n'êtes pas satisfait d'un composant logiciel ou matériel, vous pourrez le remplacer par un autre, provenant d'un fournisseur différent.

Louis Naugès est convaincu que nous sommes en train de vivre, et cela jusqu'à l'horizon 2021, une nouvelle rupture extraordinaire, où les écosystèmes applicatifs s'adapteront sans cesse à de nouveaux besoins. La rigidité des ERP cède déjà la place à la flexibilité des applications peu coûteuses, consommables à la carte. La rupture technologique de 2021 ? Une véritable nouvelle révolution industrielle.

 
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