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L'acheteur, community manager de demain?

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L'e-réputation: nouveau risque fournisseur?

Les risques d'une mauvaise e-réputation sont nombreux. Et selon une étude Deloitte(2), les conséquences sont principalement une baisse des recettes (41%), une diminution de la valeur de la marque (41%) et une augmentation des enquêtes réglementaires (37%).

Citons les cas d'Apple, en 2010, avec son fournisseur taïwanais Foxconn, ou ceux plus récents de Patagonia et d'Hermès. Les lanceurs d'alerte sont souvent des acteurs de la société civile (ONG, associations...).

"Scruter en permanence ses propres actions", déclarait Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia, fabricant californien de vêtements de sport, "c'est faire face à un tas d'emmerdements." Ainsi, Patagonia a interrompu ses relations avec son principal fournisseur de laine, Ovis 21, suite à la diffusion, sur les réseaux sociaux, d'images de cruauté envers les animaux dans ses élevages argentins par l'association de défense animale Peta. Pour faire face aux répercussions médiatiques, la marque Patagonia a fait son mea culpa et annoncé le 17 août 2015 qu'elle n'achèterait plus de laine jusqu'à ce qu'elle ait la garantie d'un "traitement éthique des animaux ". L'enseigne accepte la responsabilité des actes de son fournisseur et promet d'étudier les pratiques indiquées. L'association Peta salue cette décision, "car toute avancée est bonne à prendre " , mais prévient "qu'en fouillant davantage dans la chaîne d'approvisionnement en laine, Patagonia réalisera que le processus de production de la laine implique toujours de la cruauté, ainsi que l'a découvert Peta États-Unis, en Australie et aux États-Unis, et maintenant, en Argentine. Un credo que ne manquera pas de méditer le fabricant suite au bad buzz.

Ce fut ensuite au tour d'Hermès d'être pris dans la tourmente concernant des pratiques d'abattage de crocodiles de ses fournisseurs, au Texas et au Zimbabwe, suite aux révélations d'une enquête menée par l'association Peta États-Unis. Cette dernière révèle que des dizaines de milliers de crocodiles sont confinées dans des fosses en béton, de la naissance à l'abattage et que des employés incisent plus de 500 alligators encore conscients, etc. Toujours selon l'association, "la peau des alligators est transformée en produits de luxe comme des bracelets de montre, tandis que la peau du ventre des crocodiles est utilisée pour faire des accessoires, comme les célèbres sacs à main "Birkin " et "Kelly " d'Hermès qui peuvent coûter plus de 35000€ pièce".

Peta États-Unis a d'ailleurs lancé une pétition sur les réseaux sociaux qui a fait grand bruit. En réaction, l'actrice Jane Birkin a demandé, en juillet, à la maison Hermès de débaptiser le sac en crocodile qui porte son nom depuis 1984. Dans un communiqué de presse, l'enseigne de luxe annonce qu'en complément de ses inspections régulières depuis dix ans, elle a mis en place un programme d'audit auprès de l'ensemble de ses fournisseurs de peaux de crocodiles. Des contrôles qui concernent notamment la réglementation Cites (Convention on International Trade in Endangered Species), les bonnes pratiques d'élevage, les procédures d'abattage... Hermès rend obligatoire l'adoption, par ses fermes partenaires, de sa charte d'élevage mise à jour et établie en relation avec les vétérinaires experts. Et rappelle que "la signature et le respect absolu de cette charte sont les conditions impératives à la poursuite de ses relations avec ses fournisseurs".

Sondage: 45 % des directeurs achats imaginent une plateforme collaborative à l'image de Facebook

À quel type de média social souhaiteriez-vous que votre espace de travail collaboratif achats ressemble?


Les freins évoqués sont le manque d'adhésion interne (60%), mais aussi le fait que des outils sont déjà implantés au niveau groupe (45%). Enfin, la confidentialité des informations partagées (30%)
est également un élément.

Source: Tendances Achats n°3 "Les fonctionnalités collaboratives des outils e - Achats" de 2013.

De l'importance d'une veille fournisseurs

Pour éviter ces bad buzz, les éditeurs proposent des solutions adaptées à ces risques. Ainsi, l'éditeur de logiciels Digimind est né en 1998 "des besoins de l'industrie pharmaceutique pour faire de la veille d'opportunités, surveiller les concurrents, les nouveautés et éviter les fuites lors du lancement d'un produit", explique Christophe Asselin, expert en veille internet et e-réputation, responsable de la cellule analyse chez Digimind France. Traditionnellement, cela permet également de faire de la veille fournisseurs dans la chaîne logistique.

Pour Christophe Asselin, "depuis 2007-2008, les entreprises font de la veille fournisseurs dans une démarche éthique et de développement durable. Car elles ne peuvent plus se permettre d'acheter à n'importe qui. Il faut proposer une veille fournisseurs qui va plus loin que la fiche Societe.com". Et de citer l'exemple des usines de Nike à l'étranger accusées d'employer des enfants en 2001, ou encore, le contrecoup du secteur du textile à la suite de l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, en avril 2013 qui a fait plus de 1000 morts. Une prise de conscience qui s'est accélérée grâce au "coup de pouce juridique " de la proposition de loi sur le "devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises ­donneuses d'ordre". Un texte qui oblige les entreprises françaises à vérifier que leurs sous-traitants à l'étranger respectent des engagements en matière de droits de l'homme, d'environnement mais aussi de corruption.

Dans le groupe Humanis, une équipe de veille ­stratégique au sein de la direction clients, stratégie et innovation est chargée de faire de la veille clients et fournisseurs. "Elle a pour mission de faire de la veille sur notre top fournisseurs" [NDLR: 150 fournisseurs sur un panel de 2500], précise Carole Bensimhon, directrice achats du groupe. Et chaque semaine, la société Digimind fournit une revue des faits marquants.

Pour Bertrand Girin, cofondateur et président chez Reputation VIP Lyon, société française qui propose d'améliorer et de protéger l'e-réputation sur Google, "il faut élargir le champ de veille des fournisseurs dans une dimension plus réputationnelle et non uniquement avec un aspect classique et juridique".

"Le risque de mauvaise e-réputation est plus d'anticiper des défaillances économiques ou d'approvisionnement", précise Alexandre Lassis de Capgemini Consulting. Ainsi, une entreprise du pétrole qui exploite des ­matériaux flexibles également utilisés par le secteur automobile anticipe ses risques d'approvisionnement grâce au Web. Pour cela, l'entreprise fait de la veille, compile les annonces des sites automobiles et envoie des alertes aux category managers permettant ainsi d'éviter les ruptures d'approvisionnement.

Au final, à la question, la mauvaise e-réputation ­est-elle un sujet qui pourrait impacter les achats? "Oui, nous y sommes sensibles, répond sans détours la ­directrice achats du groupe Humanis, en citant le cas du centre d'appels de Teleperformance de Blagnac, ­entreprise spécialisée dans la relation client, épinglée pour le flicage de ses salariés ­demandée par ­SFR-Numéricable. Nous sommes un groupe de protection sociale et, en ce sens, nous avons des clauses liées à la responsabilité sociale, car nous-même, nous sous-­traitons notre relation client auprès de certains prestataires."

(2) Étude mondiale 2014 sur le risque de réputation / Reputation@Risk - Deloitte.

Témoignage: Carole Bensimhon, directrice achats du groupe Humanis

"Un réseau interne pour créer une communauté achats"

"Les réseaux sociaux sont un bon outil sur lequel s'appuyer en interne pour échanger, animer une communauté et développer des outils collaboratifs. Hormis cette utilisation, ils peuvent être intéressants pour capter certaines informations (signaux faibles) et anticiper. Mais pour suivre nos fournisseurs, nous préférons utiliser des entreprises qui ont un vrai savoir-faire certifié de la qualité de leurs données" [NDLR : Ecovadis, Coface...], explique Carole Bensimhon, directrice achats du groupe Humanis.

Ainsi, le groupe a mis en place un réseau social interne à l'entreprise depuis près d'un an. Il existe, au sein de ce réseau, une communauté achats constituée de ceux qui travaillent aux achats mais pas seulement (ex: comptables...). Un réseau jugé utile par la directrice achats car le groupe Humanis possède une organisation décentralisée avec des collaborateurs répartis sur différents sites: "Il est intéressant de pouvoir échanger et capitaliser sur les bonnes pratiques pour une plus grande maturité achats, explique-t-elle. La mise en place de cet outil n'a pas été évidente mais au sein de la direction achats, nous avons la volonté de créer une communauté pour échanger et partager sur les bonnes pratiques entre nous, poursuit-elle. Pour un esprit collaboratif et non pyramidal."

Afin de favoriser la communication, un blog, un wiki, une foire aux questions (FAQ) et une lettre régulière viennent compléter le dispositif. Cet outil virtuel ne prend pas le pas sur "le présentiel" et la direction achats organise régulièrement des cafés achats pour des rencontres physiques.

>> Pour aller plus loin, découvrez l'article "Acheteurs publics : à vos réseaux, prêts, partez!"

 
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Marie-Amélie Fenoll

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