Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

[Tribune] Acheteurs: comment négocier avec les stars du Web?

Publié par le - mis à jour à
[Tribune] Acheteurs: comment négocier avec les stars du Web?

La négociation avec les vedettes du digital est un art difficile, où défendre les intérêts de son entreprise est compliqué. Les marges de manoeuvre existent. Voici quelques conseils-clés afin de mieux maîtriser cet échange.

Je m'abonne
  • Imprimer

À l'ère où les technologies de l'information et de la communication ont envahi notre quotidien, les Google, Facebook, LinkedIn, entre autres stars du Web, règnent en maîtres. Ils proposent des solutions toujours plus adaptées et performantes : algorithmes, outils de tracking, traitement de big data et objets connectés deviennent, ainsi, des produits incontournables pour nos entreprises. Face à l'importance des enjeux, les acheteurs cherchent à optimiser leurs négociations et à minimiser les risques encourus par leur société. De quels outils disposent-ils pour mener à bien les négociations face à ces stars incontestées du Web ? Le point sur les leviers et les marges de manoeuvre existants.

1 - Premier critère : quelle est la taille de l'entreprise fournisseur ?

Pour l'acheteur, le tout premier exercice est d'établir un diagnostic basé sur deux critères majeurs : la taille de l'entreprise fournisseur et son niveau de croissance. En effet, avant d'entamer les négociations, il est primordial de déterminer quel est le positionnement du fournisseur sur son marché. Les grosses entreprises bougent très peu les lignes, tant en termes de pricing que de clauses juridiques. Google, par exemple, possède des contraintes juridiques fortes et présentes dans le business. Concrètement, Google applique ses propres modèles de contrat à chaque négociation sans vouloir y déroger.

2- Deuxième critère : quel est le niveau de croissance de l'entreprise fournisseur ?

En amont, il faut aussi regarder quel est le niveau de maturité du fournisseur et à quel moment on arrive dans sa vie. Il est, bien entendu, plus difficile de négocier lorsque le niveau de maturité de l'entreprise est élevé. L'exemple Google s'applique encore, car la société est énorme et présente sur de nombreux marchés. C'est un acteur incontestable de diversification : moteur de recherche, réseaux sociaux, courrier électronique, photos et vidéos, géolocalisation, messagerie instantanée, etc.

En fait, les dimensions de l'entreprise changent et, par conséquent, impactent sa structure. Un bon repère, pour les acheteurs, est de vérifier ­l'intégration des juristes afin de se faire rapidement une idée. S'ils sont présents en interne, alors ils "bétonnent" jusqu'au bout. À l'inverse, si le fournisseur fait appel à un cabinet légal, ce dernier ne fera que répondre aux consignes de son client sans anticiper ses attentes.

3- Troisième critère : à quelle typologie de clients sommes-nous rattachés ?

D'autres éléments sont également à prendre en compte lors d'une négociation avec une star du Web. D'abord, il s'agit de déterminer quel type de client l'entreprise représente pour le fournisseur. Pour cela, il faut se poser les questions suivantes : "Quel chiffre d'affaires enregistrons-nous avec lui ?", "À quels produits souscrivons-nous ?", "Est-il question de produits phares, de produits en fin de vie ou de produits en tests ?", mais aussi "En quelles quantités ?". Cela sert, alors, à définir le statut de client que nous sommes : VIP, grand, moyen ou petit client. Car ces différents niveaux vont influencer le comportement de l'interlocuteur et son implication face à nos demandes.

Le géant du réseau social professionnel, LinkedIn, a particulièrement bien assimilé ces pratiques et bichonne ses clients les plus rentables. Il est extrêmement proactif envers eux, ­favorise leurs exigences et codéveloppe de nouvelles solutions avec eux - sous confidentialité, bien entendu. Ainsi, il invite en séminaire son top 10 de clients VIP européens au siège à Mountain View, en Californie. Pendant quelques jours, LinkedIn fait visiter ses locaux - pour les connaisseurs, ils sont situés sur le même site que ceux de Google HQ -, organise des réunions thématiques, et présente tous ses produits en alternant réunions collectives et réunions individuelles aux deux représentants invités pour chaque client VIP.


Lire la suite en page 2 : Quatrième critère : quel est le profil de notre interlocuteur ? - Cinquième critère : quel est le type d'organisation du fournisseur ?


4- Quatrième critère : quel est le profil de notre interlocuteur ?

Il est nécessaire de définir, ensuite, le profil de la personne en face, étant donné que cela impacte la relation entretenue lors des négociations. Face aux stars du Web, il existe deux types d'interlocuteur : le commercial ou l'associé. Le premier se montrera très "corporate", c'est-à-dire qu'il verrouillera tout selon les modèles prédéfinis par son management. Il aura tendance à être arrogant et à vendre "la prestation de demain". Le second se reconnaît par un comportement plus humain, plus proactif. Il sera un relais pour nos demandes auprès de sa direction.

5- Cinquième critère : quel est le type d'organisation du fournisseur ?

Enfin, il faut discerner le type d'organisation du fournisseur. Généralement Google, Facebook, LinkedIn, Apple et les stars du Web ont des structures très centralisées. C'est-à-dire que toutes les décisions business et juridiques sont prises par le management au siège de la maison mère - et non au siège européen de ces structures, comme il serait possible de croire. De ce fait, les contacts commerciaux basés en Europe sont souvent de simples relais. Il faut donc prendre en compte les retards potentiels lors de modifications des clauses contractuelles. Certaines réponses nécessitent l'approbation du siège, et entre le décalage horaire et les divers interlocuteurs impliqués, trois jours ouvrés peuvent être nécessaires pour obtenir un retour. Et celui-ci n'est pas toujours favorable pour l'acheteur.

S'ensuit, alors, un ballet incessant de révisions de la clause en question jusqu'à parvenir à un accord qui convienne aux deux parties, ce qui, au final, peut prendre plus d'une quinzaine de jours. Google est un grand adepte de ce sport et déclare régulièrement, lors des négociations, "prendre note de votre point et revenir ensuite vers vous". Il se positionne peu ou quasiment jamais lors de ces échanges. Donc, il est difficile d'obtenir une révision qui convienne à l'acheteur, c'est-à-dire qui impliquerait le moins de risques possible pour son entreprise. Sauf que les négociations prennent, alors, du retard et le business commence à s'impatienter. C'est la deuxième tactique de Google lors des négociations : celle de jouer la montre. À tel point qu'à force de reculer la date d'atteinte d'un accord, le client finit par lâcher et accepter, car il a un besoin urgent de la solution achetée.

L'acheteur établit son diagnostic selon les cinq critères énoncés ci-dessus et élabore son plan afin d'adapter sa stratégie de négociation. Il recherche, dans ces cas-là, trois résultats : la flexibilité de la part du fournisseur pour obtenir une situation win-win, des stakeholders contents de l'issue des négociations et l'obtention de la sécurisation en intégrant quelques clauses juridiques à l'avantage de sa société.

Une toute dernière recommandation pour le cas particulier de Google : il faut signer avant de commencer à travailler et ne pas signer trop "vite", car cela établirait un précédent et il serait quasiment impossible de modifier les clauses a posteriori. À bon entendeur...

Par Olivier Wajnsztok, directeur associé du cabinet ­Agilebuyer

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page