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Devoir de vigilance : la nécessité de s'adapter

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Devoir de vigilance : la nécessité de s'adapter

Au moment où la responsabilité des entreprises resurgit dans les débats dans des cas de manquements sociaux ou environnementaux, retour sur les bonnes raisons de mettre en place un fonctionnement vertueux impliquant tous les étages de son organisation.

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Le devoir de vigilance, acté dans un projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale le 30 mars 2015 avant d'être rejeté par le Sénat, revient sur le devant de la scène. Cette fois-ci, c'est autour du Parlement européen d'examiner un rapport déposé le 25 janvier dernier par l'eurodéputé Guillaume Balas qui appelle à la mise en place d'un devoir de vigilance pour les grandes entreprises européennes envers l'activité de leurs filiales et de leurs sous-traitants dans les pays tiers. " Cette question revient dans les débats de façon récurrente. Les plans de vigilance finiront sans doute par être imposés ", estime Violaine du Pontavice, avocate spécialisée en droit de l'environnement au sein du cabinet Ernst & Young, rappelant que les deux derniers présidents de la République en avaient tous deux fait un de leurs fers de lance.

En accord avec les préconisations du Grenelle de l'Environnement, les démarches RSE se répandent peu à peu dans les organisations, mais se montrent encore trop peu intégrées. " Il est à encourager que les entreprises anticipent davantage les éventuels écueils et problèmes et se dotent de façon volontaire d'un fonctionnement vertueux sur ce plan ", poursuit l'avocate.

Des conséquences parfois insoupçonnées

Même en l'absence de cadre contraignant concernant l'instauration et l'application de plans de vigilance, les décisions de justice actuelles peuvent mettre lourdement à mal les entreprises, bien au-delà de la structure juridique la plus directement concernée. Un achat défaillant, un fournisseur négligeant, et c'est toute une offre qui menace de s'écrouler. Par exemple, si les négligences conduisent à des dommages environnementaux, la maison mère se retrouve généralement contrainte à réparer les torts, non pas par une indemnisation au profit de collectivités ou de victimes, mais en nature, par la décontamination de sols, la dépollution de nappes ou d'autres solutions adaptées. Le Code de commerce mentionne que tous les sites peuvent être concernés, non pas uniquement les ICPE (Installations classées pour la protection de l'environnement).

Pour Violaine du Pontavice, il apparaît clairement que " depuis 2007, le législateur cherche un moyen pour aboutir à la responsabilité de la maison mère dans ce type d'affaire. Le devoir de vigilance tel qu'il est formulé dans le projet de loi du 30 mars 2015 vise à reconnaître un devoir de vigilance pour les entreprises qui doivent veiller aux impacts que leurs activités vont générer, y compris indirectement. " A noter que l'obligation à laquelle l'entreprise est soumise est une obligation de moyens. Si les dirigeants apportent la preuve que toutes les mesures nécessaires pour prévenir les dommages ont été prises pour pallier les problèmes, l'entreprise ne pourra pas être recherchée en responsabilité. Des critères à ne pas négliger dans la conduite opérationnelle des projets, car " les sanctions peuvent être extrêmement lourdes ", rappelle Violaine du Pontavice.

Lire la suite en page 2 : La responsabilité sociétale : une préoccupation sans frontière


Focus sur : La responsabilité sociétale, une préoccupation sans frontière

L'une des spécificités des textes relatifs au devoir de vigilance tel qu'ils sont présentés devant les parlementaires français est de porter sur des thématiques très larges, concernant aussi bien le droit social et environnemental que le droit de la concurrence. A l'étranger, la question de la responsabilité des sociétés est également prise à bras le corps, mais se focalise souvent sur des points plus précis. Les législations promulguées l'an passé au Royaume-Uni par exemple imposent de prendre des mesures pour lutter contre l'esclavage moderne et la traite d'êtres humains. Toutes les organisations ayant un chiffre d'affaires annuel dépassant 47 millions d'euros sont touchées par cette mesure. Le devoir de vigilance doit porter tant sur les activités directes de l'entreprise que sur l'ensemble de la chaîne de valeur. En 2011, le Royaume-Uni était déjà précurseur en adoptant le Bribery Act qui permet de condamner les entreprises par des sanctions financières lourdes en cas de manquement en terme de prévention de la corruption.

En attendant que le devoir de vigilance revienne devant les parlementaires, certains spécialistes du droit des affaires préconisent l'instauration d'un " droit du groupe ". En France, la notion de groupe est une réalité économique sans réalité juridique, contrairement à l'Allemagne par exemple. Dans la législation d'outre-Rhin, une société mère s'engage lorsqu'elle prend une décision qui a un impact potentiel sur l'une de ses filiales. Les conditions dans lesquelles sa responsabilité est engagée sont contractualisées en amont. Elle indique alors clairement ce qu'elle endosse en cas de faute ou d'accident impliquant la filiale.

Quand le devoir de vigilance fait débat

En janvier 2015, une première proposition de loi, présenté par Bruno Le Roux et les députés du groupe socialiste, et soutenu par le gouvernement visant à instaurer une obligation de vigilance de la part des sociétés mère ou donneuses d'ordres avait été renvoyée par l'Assemblée Nationale à une date ultérieure afin de permettre de préciser des éléments techniques et juridiques qui manquaient de clarté. Objectif de cette proposition de loi : obliger les multinationales françaises à mettre en place un plan de vigilance pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement dans leurs filiales et sous-traitants. Le 11 février, un nouveau texte avait été déposé par le groupe socialiste de l'Assemblée Nationale qui avait été débattu en mars 2015. Il prévoyait, en autres éléments, l'instauration d'une obligation de mise en place d'un plan de vigilance pour les sociétés anonymes de plus de 5 000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde, et l'établissement d'une responsabilité pour faute en cas de non-respect des obligations du plan de vigilance.Il avait été adopté le 30 mars dernier à l'Assemblée avant d'être examiné en séance plénière du Sénat le mercredi 21 octobre. Les députés avaient rejeté ce projet en première lecture, le 30 mars dernier, considérant que l'obligation de mettre en place un plan de vigilance a un champ d'application matériel et géographique imprécis et pose déjà de multiples questions pratiques. Présenté le 18 novembre au Sénat, en commission des lois, il a été retoqué.

 
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