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Comment gérer la crise dans la durée ?

Publié par Camille George le | Mis à jour le
Comment gérer la crise dans la durée ?

Si la plupart des entreprises ont plutôt réagi rapidement face à la crise qui nous a submergés, il s'agit désormais d'être capable de tenir sur la durée. Et ça c'est une toute autre histoire...

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Malgré la soudaineté et la violence de l'entrée en crise de la France (en 48h le pays était impacté par des mesures de confinement fortes), les entreprises d'une manière générale ont réagi assez rapidement et se sont organisées pour prendre les choses en main. " Nos clients ont très vite pris contact et multiplié les échanges afin d'appréhender cette crise de façon globale, explique Frédéric Chevallier, commissaire aux comptes, associé du cabinet Talenz Audit. Il y a eu des prises de positions assez fortes notamment en matière de gestion du personnel ce qui n'était pas évident étant donné le manque de précision du gouvernement dans ses annonces au départ. "

Rapidement des cellules de crise réunissant le comité de direction se sont mises en place pour dessiner et mettre en oeuvre un plan de continuité d'activité adapté. Si aujourd'hui toutes les entreprises ont pris la mesure de la crise, la grande inconnue reste sa durée.

Et à date, difficile de savoir quelles conséquences exactes aura la crise tant les situations sont disparates d'une entreprise à l'autre. La plupart des entreprises doit gérer une contraction voire un gel partiel ou total de l'activité. Ce n'est pour une fois pas tant la taille que le secteur d'activité qui joue. Ainsi certains acteurs ont cessé toute activité, d'autres au contraire ont connu un pic d'activité sans précédent, d'autres encore ont stopper leur activité en Italie ou en France mais la poursuive dans d'autres pays.

Après le diagnostic, l'action

Le premier réflexe des directions financières a bien sûr été de préserver au maximum la trésorerie. Pour cela, les premières actions des Daf ont été de passer en revue les encaissements et décaissements de cash sur les 2-3 mois glissants, mais aussi de limiter les dépenses et de réduire les investissements.

Mais pour affronter la crise dans la durée, le soutien de BPI France et les aides de l'État seront indispensables pour beaucoup. Certaines entreprises ont ainsi opté pour le report d'un mois du paiement des cotisations sociales salariales et patronales dues en mars, d'autres ont mis en place le chômage partiel et fait une demande d'indemnisation.

La restructuration de la dette et le rééchelonnement des remboursements constituent l'autre cheval de bataille des directions financières qui se sont tout de suite tournées vers leurs partenaires bancaires. " Les banques ont plutôt bien réagi en suspendant le remboursement des échéances de prêts. Cela dit il convient de rester vigilant car sur le crédit bail notamment il s'agit d'un simple décalage. Dès le report terminé, il faudra s'attendre à une augmentation importante des charges de crédit-bail ", prévient Manuel Le Roux, directeur général et associé de Talenz Audit, qui conseille aux entreprises de mener une gestion à la manière des start-up avec révision du business model et ajustement permanent.

Le nerf de la guerre

Déjà complexe, la gestion du poste client/fournisseur est devenue un enfer pour les directions financières qui doivent ménager la chèvre et le chou. Il faut à la fois se montrer responsable en maintenant le paiement des fournisseurs stratégiques tout en s'assurant du soutien de ses partenaires financiers (banques et investisseurs) d'un côté, et de l'autre contacter les principaux clients pour qu'eux-mêmes maintiennent leurs délais de règlement. " Le paiement inter-entreprise est la clé de voûte du maintien de l'économie française, il est primordial que les règlements inter-entreprises ne cessent pas sans quoi c'est tout le système qui risque de s'effondrer ", estime Olivier Drouilly, président de Sadec-Akelys, cabinet d'expertise comptable, d'audit et de conseil.

D'ailleurs, les dispositifs mis en place par le gouvernement comme le prêt garanti par l'État n'ont qu'un objectif : sécuriser la trésorerie des entreprises en capacité de poursuivre leur activité afin de leur permettre de tenir leurs engagements de paiement envers leur fournisseurs. " L'essentiel du crédit en France est porté par les entreprises qui, si les délais de paiements ne sont pas maintenus, se fragilisent entre-elles ", souligne encore Frédéric Chevallier de Talenz Audit. Ce qui pourrait conduire à un cercle vicieux dramatique.

Du côté des organismes de recouvrement on constate malheureusement depuis le début de la crise une explosion des demandes de recouvrement. Alexandre Bardin, fondateur de Rubypayeur, spécialiste français du recouvrement communautaire, tire d'ailleurs la sonnette d'alarme contre les entreprises qui pratiquent la rétention de trésorerie sans raison valable et regrette que certaines entreprises utilisent le coronavirus comme prétexte pour se dédouaner de leurs obligations contractuelles. " En plus d'être illégale, cette pratique est totalement irresponsable et risque de créer une vague de défaillances sans précédent, " prévient-il.

Il revient donc à chaque dirigeant financier de faire preuve d'éthique professionnelle comme le souligne Daniel Bacqueroët, président nouvellement nommé, de la DFCG : " Nous, financiers, nous devons - plus que jamais - d'être exemplaires, d'assumer nos responsabilités avec éthique, solidarité, proactivité et vigilance en refusant des " optimisations " financières contraires à la solidarité nationale ou les effets d'aubaine comme toute hausse de prix qui profiterait de la rareté conjoncturelle d'un bien essentiel ou des abus comme le télétravail sous couvert de chômage partiel. "

Quid de la suite ?

L'autre enjeu concernant les fournisseurs stratégiques porte sur les ressources en matières. L'approvisionnement pose question surtout s'il est étranger et fait appel à des circuits longs. La question du coût de l'attente des livraisons s'impose aux entreprises. " Pour certaines ce sera peut-être l'occasion de revoir certains contrats d'approvisionnement, note Manuel Le Roux de Talenz Audit. Le gouvernement devra se positionner pour a minima favoriser les productions européennes. " Pour certains experts, justement parce qu'il y aura un manque de ressources et de financements, parce que l'Etat ne pourra pourvoir à tous les besoins, une réflexion sur les méthodes de travail et les modes de production sera inévitable pour tenir dans la durée et sera sans doute l'occasion d'inventer de nouveaux modèles.

A contrario, les pessimistes prédisent que les entreprises avec de faibles capitaux propres ne se sortiront pas de la crise et qu'en lieu et place des changements structurels attendus, le premier réflexe des entreprises sera, pour rattraper le retard, de réactiver les filières d'approvisionnements connues... qui ne passent pas par la France. Seule certitude : cette crise sans précédent bouleverse les équilibres tant au niveau micro que macro économique.


 
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