[Tribune] L'immobilier de bureau a-t-il encore un avenir ?
Secteur chahuté par les crises et de nouvelles façons d'organiser le travail, l'immobiler de bureau pourrait voir son salut à la croisée des RH et de la smart city.
Je m'abonneIl n'est pas au coeur du débat politique et pourtant, l'immobilier de bureau est particulièrement chahuté en cette fin d'année. Tout d'abord parce qu'il est une composante du logement, lui-même fragilisé par une crise protéiforme et multifactorielle. Ensuite, parce qu'il doit faire face à une chute des volumes mais aussi affronter la frilosité des investisseurs. Enfin, il subit comme d'autres secteurs, l'attentisme du système économique et financier. Si la conjoncture permet d'établir ce diagnostic, elle n'est hélas pas la seule raison.
C'est un fait : la pandémie a remodelé le sens et l'utilité du lieu de travail. A présent, les coûts et l'adéquation entre le projet d'une entreprise et l'efficience des collaborateurs à s'y réunir sont au coeur des réflexions. En effet, avant 2020, la France était peu encline au télétravail à telle enseigne que peu d'acteurs économiques l'avaient développé. Ce qui n'a pas été sans poser de véritables questions en matière de droit social mais aussi de relations humaines. Le manque d'interactions a été comblé par la visio. Pour autant, les employeurs comme les salariés semblent vouloir revenir à un équilibre plus harmonieux.
Le coworking en difficulté
Les espaces de coworking ont émergé depuis le début des années 2000, propulsés par des acteurs institutionnels et privés, pour rompre l'isolement et revitaliser des biens immobiliers désertés au coeur des villes. Lieu de rassemblement, d'accès au digital et au numérique, ces espaces se sont adressés prioritairement aux starts-up et aux travailleurs indépendants. Rationalisant les frais fixes des jeunes créateurs, cet environnement stimulant généralement bien situé, propose qui plus est, des services de proximité. Mais à l'usage, le coworking a montré ses limites, n'étant accessible qu'à des activités dématérialisées ou à de petites entreprises. Ne procurant pas, pour certains secteurs, la confidentialité relative à leur mission (avocat, expertise par exemple), ces lieux alternatifs sont aussi vécus comme bruyants, altérant l'efficacité des utilisateurs. Puis la Covid-19 a fait le reste, vidant les bureaux partagés, plaçant les acteurs du coworking dans une posture délicate face à l'essor du télétravail. L'enseigne WEWORK, le géant des bureaux partagés, joue actuellement son avenir et peine à se relever.
Une politique RH plus attrayante avec le télétravail
Parallèlement, les entreprises ont dû elles également réfléchir à la fois à l'avenir de leur propre immobilier mais aussi aux missions qui pouvaient être réalisées en présentiel ou en distanciel. Aussi, le marché de l'emploi voit émerger une proportion importante d'offres où le télétravail est proposé comme un avantage pour tout collaborateur. En fait, il peut l'être véritablement pour les deux parties. D'un côté, l'entreprise peut assurer une rotation de ses effectifs et réduire sa surface de locaux ou éviter de financer une extension. De l'autre, elle est estimée plus attractive car elle prend en compte les impératifs de la vie familiale et professionnelle. De même qu'elle fluidifie les problèmes de mobilité, particulièrement le temps perdu dans les transports. L'identification d'un salarié à une entreprise n'est donc plus liée à un lieu ou un bâtiment mais bien aux conditions globales de réalisation de sa mission dont le télétravail est la pierre angulaire. Levier de motivation et de satisfaction, les études qui se succèdent, prouvent qu'il favorise l'engagement, la productivité, et le sentiment d'appartenance.
Travail hybride contre bureau fixe
A l'horizon 2025, d'après l'ANDRH3, le travail hybride sera la norme. c'est-à-dire, 2 à 3 jours selon les pratiques des entreprises. En outre, les baromètres du Boston Consulting Groupe confirment que 80% des candidats à un emploi attendent plus de flexibilité sur leur lieu de travail et 46% sur les horaires. Ce qui amène à repenser l'utilité même de locaux qui vont davantage servir de lieux de rassemblements que de lieux d'exécution des missions. Les collaborateurs ne veulent pas moins d'interactions sociales mais plutôt qu'elles soient de meilleure qualité. Par conséquent, la cohésion d'un groupe ne sera plus assurée par l'effectivité des tâches au sein d'un lieu fixe mais par l'évolution des politiques managériales. Elles devront privilégier une offre de formation donnant de la valeur ajoutée aux missions mais aussi un accompagnement plus personnalisé sur la durée.
En quelque sorte, l'entreprise va devoir s'intégrer au concept de smart city, ville intelligente basée sur une nouvelle forme de développement urbain. L'objectif étant d'améliorer la qualité de vie des citadins, à l'aide de nouvelles technologies qui s'appuient sur un écosystème d'objets et de services. L'immobilier de bureau n'est donc pas obsolète s'il s'insère dans ce modèle, loin des tours et des grands immeubles, pour proposer une nouvelle expérience du lieu professionnel.
A propos de l'auteur : Grégoire Leclercq est directeur général délégué du Groupe EBP