MICE et tourisme d'affaires: une décarbonation sous pression ?
De l'éphémère durable. Derrière l'oxymore, les professionnels du MICE et du tourisme en cols blancs tentent de faire évoluer leur secteur et de s'approprier l'écoresponsable et la décarbonation.
Je m'abonneGood news. La France est « la » meilleure élève au monde sur le sujet de la performance RSE et quatrième en termes de décarbonation tout près des indéboulonnables pays nordiques (Norvège, Suède et Finlande), comme l'atteste la dernière étude internationale menée par le Médiateur des entreprises et Ecovadis dont les résultats de la 5e édition ont été publiés en ce mois de septembre. Ce sujet, devenu un des fers de lance des stratégies achats se décline bien évidemment pour chaque scope et chaque catégorie d'achats. Mais l'achat de prestations événementielles et le tourisme d'affaires BtoB s'inscrivent-ils naturellement dans ces plans d'action vertueux ? Rien n'est moins sûr, et ce, bien que nous soyons également le premier pays au monde en nombre de certifications ISO 20121 relatives à la gestion responsable et durable de l'activité événementielle.
Injonction client + injonction de l'Europe = virage à prendre pour le business ?
Rendre le tourisme d'affaires plus durable, une injonction qu'entendent les entreprises toujours balbutiantes sur les concrétisations. Les cartes du tourisme d'affaires et du MICE ont été maintes fois rebattues depuis la sortie de la pandémie. Rebattues par une envie de faire moins grand, en termes de raouts, rebattues pour maintenir des habitudes digitales alors que le physique est revenu depuis belle lurette. Rebattues pour faire mieux avec moins. Brigitte Jakubowski, CEO chez JK Associates Consulting se questionne sur l'avenir digital du MICE : « Moins et mieux voyager, produire moins de CO2, cela peut passer par le digital. Certains grands groupes ont ainsi conservé certaines conventions en distanciel. Quid également des promesses du metaverse qui viendrait compléter cette expérience par de l'immersif et de l'hybride. »
Du neuf et du moins neuf expliquent les raisons de l'accélération de ce virage environnemental : les professionnels du tourisme et de l'événementiel s'exposent à une double sanction celle des donneurs d'ordre d'une part, et celle des participants à l'événement d'autre part. À compter de 2024, la directive CSRD sera en vigueur dans l'UE. Il sera ainsi prévu sanctions et poursuites pour les entreprises ne respectant pas cette directive.
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Les acteurs de l'industrie oeuvrent ainsi de concert pour minimiser l'impact environnemental, promouvoir la responsabilité sociale des entreprises (RSE), intégrer des pratiques durables dans leurs opérations, et finalement valoriser ces actions. Cette nouvelle manière d'envisager le voyage d'affaires ou le MICE concerne surtout trois sujets sur lesquels des leviers sont facilement actionnables : le choix sur les lieux de réunion avec un retour des expériences locales et des déplacements réalisés en train plus qu'en avion, mettant en avant les territoires, la culture, la cuisine et le patrimoine local dont fait le tissu économique. Second point de vigilance, l'intégration des entreprises faisant partie de l'ESS pour notamment envisager une meilleure gestion des déchets et lutter contre le gaspillage. Réduction, réutilisation et recyclage des déchets sont ainsi au coeur des préoccupations du MICE durable. À ce titre soulignons, l'initiative inédite du So Good Festival qui d'une part produit un événement sans aucun emballage à usage unique avec la start-up Bibak, via un système de consigne en libre-service via QR code et un système gamifié de bornes de dépôt et d'autre part qui propose pour les entreprises des ateliers sur la fresque de l'entreprise régénérative. Olivier Faure analyse : Les entreprises doivent aujourd'hui faire confiance aux agences qui ont une connaissance fine de leur écosystème et qui pourront le lieu et les fournisseurs les plus adaptés au cahier des charges.
Et la mesure du carbone là-dedans ?
Reste que pour coordonner l'ensemble de ces actions, une évaluation du bilan carbone d'un événement est nécessaire notamment en termes de communication extra-financière. « Deux problèmes persistent sur ce sujet. Il demeure des angles morts dans ce calcul. C'est un outil qui n'existe pas encore ; notamment en raison de la divergence qui existe entre la mobilité des déplacements d'affaires, les déplacements pendulaires. C'est un outil qui n'existe pas encore car il n'y a pas de logique de bilan global de CO2. Les nouvelles mobilités ne sont pas non plus prises en compte », alerte Brigitte Jakubowski
Des freins culturels avant tout ?
Les freins pour structurer la démarche, en partie technologiques, relèvent également de l'humain, dans toute sa complexité et ses contradictions. Un premier verrou majeur réside dans la croyance de l'incompatibilité du business avec l'écologie. Le deuxième frein, au même niveau concerne davantage une vision de l'événementiel « à la papa ». Olivier Faure, cofondateur de l'Échappée Bière et directeur conseil, argue « tourisme d'agrément et tourisme d'affaire se tournent vers l'événementiel durable. Les entreprises vont privilégier des lieux et des événements sur leur territoire. Le choix des prestataires sera un peu plus vertueux en termes d'environnement, et le traiteur fera plus de bio et moins de viande rouge, mais il reste énormément à faire parce que l'évènementiel BtoB est toujours sujet d'autant que les entreprises sont habituées à un esprit de gabegie de leur événement où l'opulence est synonyme d'un événement réussi. Gabegie d'autant plus encouragée par l'aspect éphémère des événements. À la rescousse, des entreprises, le tourisme régénératif serait le dernier concept en vogue qui prône une approche novatrice dans le domaine du voyage et du tourisme, axée sur la restauration et l'amélioration des destinations visitées.