ESN: Où placer le curseur de l'IA dans les achats de PI ?
L'IA redessine la chaîne de valeur des ESN. Automatisation des process, appariement algorithmique des profils... Panorama des mutations en cours, à travers les échanges tenus lors de la soirée des Trophées des ESN, organisée au Musée des Arts Forains ce 19 juin.

L'avantage concurrentiel est aussi aujourd'hui question d'algorithmes. L'intelligence artificielle s'installe dans les processus des ESN et une large part du cycle de production est en train d'être absorbée par des outils fondés sur le machine learning ou l'IA générative. Pour Frédéric Doumenc, président fondateur d'Opteamis, le mouvement est déjà bien engagé. " Le coeur de l'activité des ESN, c'est de faire correspondre des besoins et des profils de consultants via des compétences. Et ça, l'IA le fait plutôt très bien ", constate-t-il. Son intérêt ne porte pas uniquement sur la capacité à traiter les CV. L'IA permet aujourd'hui d'exploiter plus finement les données dormantes dans les ERP, pour proposer des missions à un collaborateur dès son recrutement, ou identifier automatiquement des clients susceptibles d'être intéressés par un profil donné, sans même disposer d'un besoin formalisé.
Côté acheteurs, le sujet de l'IA est une question de sous-traitance et de savoir finalement "ce qu'il y a sous le capot". D'autant que cette automatisation transforme la nature même du service rendu. Si la création de valeur repose désormais sur des outils d'IA intégrés dans le back-office des prestataires, la qualité de l'offre dépend de leur capacité à entraîner des modèles et former leurs équipes.
L'argument souveraineté peine à percer
La majorité des outils déployés en ESN restent dépendants de briques technologiques américaines. Pour l'instant, la question de la souveraineté n'est pas encore un critère d'achat structurant. Mais elle progresse. Azeez Abdoul, CEO de Jarvis Connect, en témoigne : " En France, on est un peu encore à l'âge moyen ", évoquant un retard technologique dans certains domaines clés, notamment la cybersécurité. Il reconnaît néanmoins que la demande client reste timide.
Même constat chez Frédéric Doumenc. " On explore des pistes qui peuvent être américaines, mais on regarde toujours des acteurs français pour essayer de les privilégier quand on peut avoir des solutions équivalentes ", explique-t-il. Le pragmatisme est assumé, en attendant que le marché ou l'IA act imposent de nouveaux arbitrages.
Si une ESN ne maîtrise pas la chaîne logicielle qu'elle mobilise, elle peut voir sa capacité à exécuter une mission remise en cause par un changement de politique commerciale chez un fournisseur, ou par une restriction réglementaire extraterritoriale.
Des critères à réévaluer en profondeur
L'enjeu stratégique consiste désormais à évaluer comment l'IA est intégrée aux processus internes, à vérifier que les consultants sont formés à son usage et à s'assurer que les algorithmes sont documentés et traçables. Quels garde-fous ont été mis en place pour garantir la sécurité des données ? L'ESN est-elle capable d'expliquer, documenter et justifier les décisions prises par ses algorithmes. "Les éléments techniques n'étaient pas au coeur des négociations il y a encore trois ans. Ils le seront demain. Et pour certains segments déjà, ils le sont aujourd'hui." conclut le CEO de Jarvis Connect.
Reste également à rentrer de plein-pied dans la technologie. Car pour rappel, l'IA générative demeure un modèle probabiliste qui peut à chaque génération donner un résultat différent, contrairement à l'IA prédictive qui pose a priori moins de problème en termes de souveraineté de la donnée et qui fournira, sauf enrichissements algorithmiques ou de la data, le même résultat...
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