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Take off, ou offtake?

Publié par le | Mis à jour le
Take off, ou offtake?

Firmin a raccroché les gants et cède sa place à Evariste aux réparties bien placées. L'occasion de parler énergie, de pénurie et de contrats offtake.

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A Montalembert, on fait souvent de grands dîners de famille... Et le cousin Firmin était encore ce jour-là au bout de la table, à se prendre la tête entre les mains sur ses problèmes d'achats d'énergie. Comment, quoi donc ? Mais mon bon Firmin, tu peux toujours compter sur le cousin Evariste pour t'informer de tous les rebondissements sur l'énergie, comme tu t'en doutes...

Alors, au coin de la cheminée, je lui ai raconté l'histoire de l'énergie en Europe : un vrai conte de fée ! Figurez-vous donc : il était un jour l'Europe. Ah ben oui, mais ça ne s'est pas fait tout seul. Au début, c'était plein de pays qui étaient en guerre vu qu'il y avait plein de rois partout pendant des siècles qui faisaient rien que de se battre entre eux (dixit Bruno Solo). Et puis après, il y a eu des « empires coloniaux », puis une Guerre mondiale.

Et à la fin de la première de celles-ci, tout le monde s'est réuni à Versailles et a dit : « méchante Allemagne, pour le pétrole tu peux aller te brosser, ce seront nous autres Américains, Anglais, Français et Néerlandais qui allons nous en occuper ». Une compagnie pétrolière allemande, non mais sans rire, pour quoi faire ? Donc : aucune, c'est pourtant encore gros comme le nez au milieu de la figure même aujourd'hui. L'Europe de l'énergie était née : à nous le pétrole, et aux Allemands de se débrouiller. Et bon, comme on aime le comique de répétition, à la sortie d'une autre guerre (du Kippour, cette fois), on leur a dit aussi: « le nucléaire c'est pour nous, allez donc voir en forêt noire si vous ne pouvez pas y trouver de la biomasse, et la clef du champ de tir tant qu'à faire ».

Alors, les méchants Allemands qui entre-temps étaient redevenus la première puissance économique d'Europe ont dit : bon ben, on est bien d'accord pour faire partie de l'Europe, mais il n'y aurait pas un vieux sujet à régler sur l'énergie, là ? Pas de problème, Messires, on n'a qu'à ouvrir à la concurrence, vu que c'est le dogme de l'Europe ! On va casser les monopoles, tout ça va se porter beaucoup mieux. Adieu EDF, bienvenue EDF, Enedis et RTE. Et puis, tant qu'à faire, ça ferait tellement plaisir à tout le monde si EDF vendait son électricité à prix discount à ses concurrents, comme ça, ça permettrait à ceux-ci de s'établir sur le marché... Trop cool, l'énergie était redevenue un truc à prix abordable grâce à nos amis Allemands et à l'ARENH ! Pour les investissements, on verrait plus tard.

Mais le méchant Vladimir (encore plus méchant que les Allemands, c'est dire) s'est dit : c'est l'affaire du siècle, ce truc ! On va se faire plein de pognon sur le dos de l'Allemagne, et après on verra bien. Après, comme il n'a pas été très malin, nos amis Etatsuniens sont intervenus, pour nous dire que, si ce n'était que ça, ils allaient nous en fournir du gaz, eux, mais à un prix trois fois supérieur à leur marché national. Entre amis, ce serait inconvenant de parler gros sous, n'est-ce pas ?


vite, vite, vite, il faut faire des contrats d'offtake, sinon on est cuits

Alors, non seulement on en est là, mais en plus on a décidé de faire encore plus fort : figurez-vous que bientôt, on va tous rouler à l'électrique. Finie la dépendance aux méchants hydrocarbures, adieu Vladimir, et vive un monde sans CO2 ! Mais Deng Tsin Qin est arrivé sur ces entrefaites et a dit : vous êtes quand même au courant que c'est nous, la Chine, la première économie mondiale ? Eh bien figurez-vous que, pendant que vous vous disputiez le pétrole, nous, on a mis la main sur tous les métaux critiques. Et là, tous les patrons se sont retournés vers leurs directeurs achats de matières premières et leur ont dit : « vite, vite, vite, il faut faire des contrats d'offtake, sinon on est cuits ».

A ce stade de la conversation, Firmin, au coin du feu, me regarda et me dit : « c'est quoi, Evariste, un contrat d'offtake ? ». « Ben, c'est comme un contrat d'achat, sauf que c'est une alliance stratégique aussi. Depuis le temps qu'on parle de partenariat, il était bien temps d'en faire ».

Pour faire court, mon bon Firmin, un contrat d'offtake ne se résume pas à un contrat d'achat mais apporte des garanties lourdes aux fournisseurs : enlèvements de quantités pluriannuelles (auditables par les investisseurs), prise de participation au capital au travers d'un SPV (« Special Purpose Vehicle », c'est comme dans Star Trek, mais en mieux), prix fixes ou indexés, et autres petits amusements.

Dans un monde sans pénurie, ça ne fait pas trop de sens pour un acheteur. Dans un monde avec pénurie, ça commence sérieusement à se discuter. Ceux qui claironnent avoir fait des PPA (Power Purchase Agreements) n'ont rien fait d'autre que des contrats d'offtake sur l'énergie. Quant aux contrats d'offtake sur les matières premières, ils sont en train de se multiplier. Avec une petite différence : le risque n'est plus chez le fournisseur, mais chez le client s'il ne tient pas parole.

Adieu les projections de volumes juste pour le « fun » : maintenant, le client est sanctionné par ses fournisseurs s'il ne fait pas comme prévu. Et, en plus, comme on est dans un monde de pénurie, les fournisseurs vont rechercher les clients les plus réactifs et leur apportant le plus de garanties. Le premier client qui ne fera pas ce qu'il a dit : eh bien, il va raquer ou se faire déréférencer ! Alors, forcément, pour tous les acheteurs biberonnés à « c'est nous le client, donc c'est nous qui décidons », ça va faire un petit choc émotionnel.

Sortez les défibrillateurs !

 
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