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Transfert industriel : bien plus qu'un déménagement !

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Transfert industriel : bien plus qu'un déménagement !

Qu'il s'agisse de s'implanter dans des locaux plus vastes ou, au contraire, d'optimiser un espace plus restreint, le transfert industriel reste un virage stratégique qu'il faut bien préparer en amont. À défaut d'organisation, la pérennité de l'industriel peut en faire les frais.

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Un transfert industriel ne se résume pas à un simple changement d'adresse. " C'est un changement d'organisation complet, intervenant tous les 15-20 ans, qui impacte plus ou moins lourdement tout ou partie de sa production et qui peut perturber les collaborateurs ", énonce en préambule Alexandre Duparc, gérant d'Adici. Sa préparation ne laisse aucune place à l'à-peu-près. " Cela équivaut à étudier environ 800 thématiques : le matériel, la sécurité, la logistique, les travaux d'aménagement, les assurances, l'ergonomie... ", énumère Alexandre Duparc. En clair, tout doit être réfléchi à l'avance, au risque de voir ses lignes de production opérer un mauvais redémarrage ou sa facture globale imputée d'une myriade de coûts additionnels.

Un cahier des charges ultra-ficelé

La rédaction du cahier des charges implique d'avoir réalisé, au préalable, une étude précise des besoins et des contraintes de l'activité de l'entreprise. Ceci afin de dresser un inventaire précis et complet des machines/matériels concernés par le transfert, en mentionnant pour chacun le niveau de service attendu (manutention, démontage, vidange...) et les énergies/fluides nécessaires à son fonctionnement. " Il faut impliquer toute la chaîne de l'activité depuis l'opérateur au responsable de site ; le directeur ayant en tête un objectif de rentabilité, l'opérateur se prévalant d'une vision pratique de travail ", rappelle Aimé Pascal, directeur de projet chez Bovis.

D'autant que le déménagement est, généralement, l'occasion de repenser l'organisation de son site de production, comme l'implantation des différents ateliers, l'aménagement des lignes de production et des postes de travail, pour optimiser la gestion des flux. Voire d'investir dans de nouveaux outils de production pour booster la productivité, en remplacement d'équipements jugés obsolètes. " Dans ce cas, préférez un déménagement en journée pour que les équipes de production valident les implantations finales des équipements ", conseille Alexandre Duparc. Rien n'empêche de planifier en parallèle ou à l'issue du transfert industriel le déménagement administratif des fonctions support. " Pour que les prestataires aient tous les éléments en main pour chiffrer au plus près de la réalité, soyez exhaustifs quant à l'inventaire du matériel à déplacer et à la liste des fournitures complémentaires (câbles, tuyauteries...) à prévoir ", insiste Guy Moussy, gérant d'Acteasy.

Le planning d'intervention doit aussi être déterminé d'après la configuration des bâtiments au départ et à l'arrivée lors de la rédaction du cahier des charges. " Sa définition est primordiale dans le cadre d'un transfert industriel ; l'agencement de machines dans une salle conditionnant par exemple leur ordre d'implantation ", avance Laurent Lacour, directeur général chez Démépool. L'idéal est de prévoir également un tableau de réponse qui permette une lecture rapide des différentes offres réceptionnées. " Il n'est pas rare de constater des écarts de prix jusqu'à 20-30 % ", avertit Aimé Pascal. Pour une comparaison équitable, demandez un coût par machine ou par groupement de machines pour celles qui nécessitent un traitement équivalent, voire par zone de production. " Cela permet de vérifier que les transféristes ont tenu compte de vos spécificités ou, le cas échéant, de solliciter des explications complémentaires ", soutient Guy Moussy.

Lire la suite en page 2 : Un pari financier?


Toujours une longueur d'avance...

Aussi urgent soit-il, le transfert industriel doit être mûrement organisé. " Il s'anticipe au moins une année à l'avance pour un site complet, deux voire trois ans avant en cas de construction ou de rénovation de locaux. La préparation représente 30 % de la réussite d'un transfert ", résume Aimé Pascal. Depuis l'étude préliminaire des besoins au jour du déménagement, tout doit être passé au peigne fin. En cas de construction de locaux par exemple, il est nécessaire de consulter l'architecte ou le constructeur avec les futurs plans d'implantation pour s'éviter toute mauvaise surprise. " Bien avant la construction, tous les aspects liés au transfert doivent être intégrés dans le programme de construction pour éviter des interventions sur les ouvrages le jour J ", avertit Guy Moussy. Pour simplifier la lisibilité de tout un chacun, préférez les plans en 3D, voire les maquettes.

Enfin, inutile de garder le déménagement secret trop longtemps, au risque d'attiser la méfiance de vos collaborateurs. L'information doit leur être transmise le plus tôt possible. " Organiser des visites dans les nouveaux locaux est un moyen de les rassurer ", préconise Laurent Lacour. Dans un même temps, les salariés peuvent aider à affiner l'inventaire du matériel à déplacer ou même donner des conseils quant à l'implantation optimale des vestiaires ou des zones de repos d'une unité de production. " Impliquer un collaborateur, c'est aussi faire en sorte qu'il accepte mieux son changement de poste ", rappelle Alexandre Duparc. À l'approche du jour J, leur distribuer un mini-guide comprenant des explications sur le phasage et les plans de circulation sur le site est recommandé, encore plus si le transfert se déroule en leur présence. En bref, anticipation, organisation et protection sont les maîtres mots d'un transfert réussi.

Témoignage

" L'équipe projet-achats a coconstruit le cahier des charges avec les transféristes "

C'est en août 2016 que l'unité de production saumuroise >- dédiée à la fabrication de systèmes de lubrification depuis 50 ans - du groupe SKF (fabrication d'engrenages et
d'organes mécaniques de trans­mis­sion)
prend place dans les locaux de Saint-Cyr-sur-Loire pour mutualiser les coûts et asseoir la visibilité des gammes. " Nous redoutions de perdre une partie de notre savoir-faire en changeant de site et d'accuser une rupture de nos livraisons. Au final, 70 % des effectifs nous ont suivi et nous avons pu tenir nos engagements ", témoigne Gérard Gaudin, responsable d'unité de production chez SKF.

Si les quatre semaines de fermeture annuelle du site ont été allouées au transfert industriel (une dizaine de machines à injecter, une quinzaine de postes de montage, un stock de plus de 10 000 composants...) et au déménagement administratif des fonctions support, cela faisait plus d'un an que l'équipe projet-achats préparait les opérations : réaménagement du nouveau bâtiment (mise en conformité du système de ventilation, installation de faux plafonds...), réorganisation des flux, choix du transfériste... " Nous avons fait le choix de coconstruire le cahier des charges avec les transféristes ; ce qui nous a permis d'appréhender leur expérience et leur force de proposition. Pour les départager équitablement, nous leur avons demandé un coût détaillé par machine, un tarif global pour le stock de références et un coût pour chaque bureau support. "

Pour que le transfert à lui seul n'excède pas 50 000 euros, le groupe SKF décidait de ne pas rapatrier le mobilier de ses bureaux et ateliers. Et d'impliquer au maximum ses collaborateurs. " Ce sont eux qui ont, par exemple, arrêté les machines à la fin du mois de juillet avant d'assurer leur redémarrage fin août ", conclut Gérard Gaudin.

Un pari financier ?

Déménager son entreprise est l'occasion rare d'impulser un nouvel élan. Toutefois, cela peut représenter un risque financier qu'il convient d'évaluer en mesurant les coûts et les gains générés (loyer, charges de fonctionnement, impôts locaux, travaux, transfert...). " Changer de locaux nécessite souvent de réaliser des travaux d'aménagement comme d'ajouter ou d'ôter des cloisons ou, plus coûteux, de changer le transformateur électrique par exemple, voire de devoir mettre en conformité ses installations avec les dernières normes en vigueur ", illustre Alexandre Duparc.

Le coût d'un transfert varie selon l'activité de l'entreprise, la typologie de ses équipements et selon sa durée. " Il n'y a aucun standard ; le coût est fonction du cahier des charges communiqué par le client, de la superficie des installations à transférer, de la technicité demandée ou encore de la distance et des contraintes de planning ", estime Franck Beauvais, directeur commercial groupe chez Bovis. Un transfert en une seule opération peut être économiquement plus intéressant, à condition que les pertes liées à l'arrêt de production ne viennent pas entacher le coût final.

Le mieux est de le planifier pendant la fermeture annuelle de son site ou, à défaut, pendant la période d'activité la plus creuse. Un transfert en plusieurs phases peut être un moyen d'assurer une continuité d'activité. Cela peut consister à n'entamer le second transfert qu'une fois le niveau de qualité antérieur de la première ligne de production retrouvé, par exemple. Dans ce cas, " il faut réfléchir à un croisement des flux qui ne compromet pas la sécurité des opérateurs en poste ni le bon déroulé des opérations, tout comme il faut veiller à protéger les sites ; les conséquences d'un éventuel incident étant démultipliées dans le cadre d'un transfert industriel ", recommande Laurent Lacour. Autre solution : s'inscrire dans une surproduction les mois qui précèdent le déménagement pour disposer de stocks suffisants. Ou recourir à la sous-traitance pour ne pas risquer de perdre des marchés.

Une sélection multicritère

Sur le marché, les transféristes sont plutôt nombreux ; certains allant jusqu'à proposer des transferts d'usines "clés en main". Pour leur sélection, assurez-vous de leur expérience dans votre domaine d'activité, de leur sens de l'écoute, de leur capacité financière et de leur taille. " Attention aux prestataires qui confondent transfert industriel et manutention ", met en garde Franck Beauvais. Sachez que les gros chantiers sont fréquemment réalisés en cotraitance. Dans ce cas, faites-vous préciser le montage prévu. De même, les ressources humaines et matérielles allouées aux opérations doivent être dimensionnées à vos besoins. " Si vous avez des machines de taille modeste, le matériel de manutention réquisitionné est assez standard. Par contre, s'il s'agit de déplacer une ligne de production, il est parfois nécessaire de recourir à un convoi exceptionnel ", informe Aimé Pascal.

Les certifications (ISO 90001, ISO 14001, OHSAS 18001...) sont aussi un gage de sérieux à prendre en compte. Les garanties offertes en cas de dommages, manquements ou vols pendant un transfert sont un critère à ne pas non plus négliger. Enfin, le prix reste bien évidemment un critère de choix. " Méfiez-vous de l'offre la moins-disante, son propriétaire pouvant avoir omis des éléments ou négligé une phase de préparation ", avertit Franck Beauvais.

Lire la suite en page 3 : (Témoignage) - " L'équipe projet-achats a coconstruit le cahier des charges avec les transféristes "

 
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