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Sécurité des locaux : bien acheter ses prestations de vidéosurveillance

Publié par le | Mis à jour le
Sécurité des locaux : bien acheter ses prestations de vidéosurveillance

Dans un contexte terroriste croissant, les budgets de sécurité sont devenus volumineux. Mais cela peut vite devenir un casse-tête technique pour les acheteurs. Voici quelques conseils d'experts pour éviter les contre-performances à l'achat.

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En matière de sécurité, le couple homme/technologie est une réponse en termes d'efficacité et d'économies. Avec la vidéosurveillance, le besoin en ressource humaine est moins important. De plus, c'est un marché qui se développe fortement (+5 à 10 % de CA par an) et propose des technologies très évoluées avec des prix à la baisse à cause d'une forte concurrence sur les matériels. Caméras en ultra haute définition (8 à 12 millions de pixels), systèmes de compression performants, ­caméras intelligentes pour détecter des mouvements ou lire des plaques minéralogiques... Ces innovations font rêver, mais attention, trop souvent elles ne répondent pas aux attentes des clients. " Si on ne connaît pas les produits du marché, comment savoir si on a besoin d'un gros moteur ou plutôt de grosses roues, ou même d'un volant en fourrure ? " illustre ainsi Marc Pichaud, cofondateur de Just Do IP, organisme de formation en installation vidéo IP.

En effet, l'achat de vidéosurveillance est par nature très technique. Si les caméras requièrent initialement une connaissance optique, l'expertise informatique est obligatoire pour comprendre les nouvelles générations d'installations. " Si l'informatique est mal conçue, l'image aussi belle soit-elle n'arrivera jamais sur le disque dur, ce qui posera problème le jour où il y aura besoin de faire une recherche ", déplore Marc Pichaud. D'où l'intérêt de bien connaître ses besoins, mais aussi les options qui existent. " Les directeurs sécurité n'ont souvent pas les compétences informatiques. Il faut donc impliquer l'informatique locale pour contrôler les débits et la puissance, et vérifier que ce soit respecté. Mais surtout, les acheteurs gagneraient à se former. Avec leur client interne, ils auraient le même niveau de vocabulaire que le sous-traitant pour mieux discuter et négocier ", conseille le fondateur de Just Do IP.

Pour Thierry Cadiot, membre du comité directeur de l'Arseg, il faut rester humble et confier son projet à des professionnels. " Quand on achète tous les cinq ans, comme c'est le cas pour ce type de prestations, on ne sait pas ce qui existe, le marché va trop vite. À titre d'exemple, la détection de plaques dans les caméras ne vaut plus rien par rapport à il y a quatre ans. Alors, quand on n'est pas capable soi-même de définir l'installation correctement, en dimensionnement ou en déploiement, on doit faire confiance à un prestataire dont c'est le métier. Il coûtera de toute façon moins cher qu'une installation ratée, à condition que l'outil corresponde à la demande ", note-t-il.

La définition correcte du besoin

L'outil doit être correctement pensé, dimensionné, installé et maintenu, faute de quoi il ne répondra pas à la demande. " Cela requiert de savoir ce qu'on veut en faire ", glisse Thierry Cadiot. " Quand un client lance une consultation, les besoins sécuritaires ne sont pas ­systématiquement abordés. Il n'a pas toujours conscience des risques auxquels il doit faire face. Il est en effet nécessaire de mener une analyse poussée des risques et des besoins afin de mettre en place une solution de sécurité adaptée ", confirme Didier Bourgeois, chef de projet chez Securitas.

L'entreprise qui souhaite déployer un projet de vidéosurveillance doit donc commencer par analyser les risques par rapport à ses moyens : les enjeux ne sont pas les mêmes selon que l'entreprise a des opérateurs sur place qui peuvent intervenir en temps réel depuis un PC sécurité, 24 heures sur 24, ou pas. Dans ce dernier cas, la vidéosurveillance ne servira qu'à l'élucidation grâce à l'enregistrement des événements. Ce ne seront donc pas les mêmes matériels qui seront engagés.

Lire la suite en page 2 : Le choix des caméras et de l'enregistreur


Par ailleurs, les acheteurs doivent prendre garde à ne pas mélanger objectif et moyen. L'objectif est opérationnel, avoir une image nette à tout moment. La caméra doit rester un moyen. " Souvent les deux sont confondus, le client veut une caméra très haut de gamme, qui ne répondra pas forcément à son besoin réel ", regrette Marc Pichaud. Elisabeth Sellos-Cartel, adjointe au délégué aux coopérations de sécurité chargée de la vidéoprotection, prend l'exemple d'un établissement scolaire dans une petite collectivité qui souhaiterait protéger son enceinte des intrusions. " Plutôt que de barder le contour de l'école de caméras, construire un muret à hauteur d'homme reviendra moins cher et sera tout à fait efficace. Il faut bien comprendre ce qui vous est proposé et ne pas agir aveuglément ou de manière impulsive ", prévient-elle.

Une fois les risques analysés et le besoin cerné, il faut mener une analyse fonctionnelle qui décidera de l'emplacement et des fonctions des caméras. La fonction est directement liée au risque que l'entreprise veut couvrir ; ce dernier déterminera la position de la caméra par rapport au bâtiment et si elle sera plutôt dédiée à l'enregistrement de plans larges, qui ne permettent pas de discerner les détails, mais plutôt les présences, ou au contraire de plans serrés servant eux à identifier les visages ou des plaques d'immatriculation, plutôt destinée à des entrées de site ou des halls d'accueil. Un plan d'implantation, pouvant être réalisé en 3D, permettra de maîtriser le projet dans sa globalité.

Le choix des caméras et de l'enregistreur

Pour un usage en intérieur ou en extérieur, le type de caméra ne sera pas le même. En extérieur, elles doivent supporter les intempéries. Elles sont donc plus chères en maintenance car salies rapidement par les intempéries, la pollution ou encore les insectes.

Une fois les résolutions et puissances (comment les caméras vont compresser les fichiers) définies, il faut choisir le type d'enregistreur. Il existe des solutions dites tout en un, les NVR (Network Video Recorder), non évolutives, auxquelles il n'est pas possible de rajouter des fonctionnalités. Elles sont destinées à des tâches simples, par exemple 32 caméras connectées dans un supermarché, ou pour la protection d'une petite PME n'ayant pas de filiale. À l'inverse, le VMS (pour Video Management System), est un logiciel sur PC conçu pour être plus ouvert et pour discuter avec le monde extérieur. Cette dernière solution gère un plus grand nombre de caméras (au-delà de 60), par exemple dans un aéroport ou, un gros CHU. Le VMS intègre la tolérance de pannes, la discussion avec le contrôle d'accès, la lecture de plaques d'immatriculation, la levée de doute facial (pour vérifier que la personne qui a badgé correspond bien à son identité) ou encore l'affichage des caméras sur un plan. Les débits des flux seront différents selon le type d'enregistreur (100 à 150 Gb en NVR et 300 à 500 en VMS).

Il faut aussi prêter attention à l'architecture réseau. Pour éviter de mélanger les caméras à la bureautique il convient de créer un réseau particulier. C'est pourquoi, encore une fois, discuter du projet avec la DSI est primordial, afin de créer les accès et un sous-réseau.

Lire la suite en page 3 : Mettre en place une véritable stratégie de maintenance


Prévoir les tolérances de pannes

Qu'elles impactent le courant électrique ou le composant lui-même (disque dur, alimentation des équipements), les pannes peuvent être contournées grâce à un système appelée Raid, qui permet à l'installation de continuer à fonctionner même si le disque dur tombe en panne. Il est également important de prévoir la tolérance aux pannes de courant (microcoupure, coupure, surtension, sous-tension), grâce à un onduleur qui protègera les enregistreurs des surtensions et sous-tensions et évitera aux caméras d'être aveugles pendant quelques minutes.

Mettre en place une véritable stratégie de maintenance

La stratégie doit être préventive, pour que le système dure dans le temps et ne se dégrade pas. Cela passe par le nettoyage régulier mais aussi le resserrage des ­caméras. Les disques durs, qui fonctionnent 24 heures sur 24, s'usent plus vite que la normale. La maintenance doit aussi être curative, il faut donc prévoir une procédure de remplacement des caméras qui tombent en panne.

Vérifier la réception des matériels

Une fois le système acheté, il est recommandé de réceptionner le matériel et d'obtenir la preuve qu'il fonctionne. " La plupart du temps, les réceptions se font en journée, alors que les systèmes vidéo fonctionnent aussi et surtout la nuit. Les donneurs d'ordres doivent donc vérifier le bon fonctionnement des caméras de jour et de nuit, la qualité de l'image, le basculement en infra-rouges... ", prévient Marc Pichaud. Par ailleurs, le client est en droit d'exiger un DOE (dossier des ouvrages exécutés) de la part du prestataire, qui contient les descriptions techniques des matériels et logiciel installés : fiches techniques, tableaux d'adressage, sauvegardes notamment des caméras... " C'est même fortement conseillé, afin d'avoir une connaissance de la configuration de ses installations, notamment en cas de changement de prestataire ", ajoute Marc Pichaud.

Enfin, des gains seraient aussi possibles du côté des assurances. " Le silotage est un vrai problème dans les entreprises de taille importante. Souvent, un acheteur sécurité et un acheteur assurance vont négocier chacun de leur côté pour mettre en place une solution de sécurité, sans vision globale qui pourtant permettrait de faire des optimisations budgétaires", regrette Didier Bourgeois, de Securitas.

Les robots, ces nouveaux agents de sécurité

Et si le drone remplaçait à terme l'agent de sécurité et la caméra ? " Avec un drone, la levée de doute sur un site peut être jusqu'à 40 fois plus rapide qu'une caméra ou un agent dépêché sur place. C'est aussi un outil qui revient 6 fois moins cher ", explique Philippe Gabet, cofondateur de DPS (Drone Protect System) , qui mène un projet pilote de surveillance pour un client industriel depuis septembre 2016. Le drone est piloté à distance par un opérateur formé, ce qui augure de véritables gains en ressource humaine si la solution était amenée à se développer. Attention toutefois, car même en dehors de l'espace public, l'utilisation des drones volants est plafonnée en éloignement et en altitude et doit répondre à la réglementation aérienne. " D'autres types de robots sont efficaces, comme ceux qui se déplacent au sol. Ils peuvent même être équipés d'IA... Le tout est d'avoir un bon prestataire qui analyse le besoin et propose de vraies solutions ", conclut Thierry Cadiot, de l'Arseg.

Lire la suite en page 4 : Pas de machine sans l'humain!

Pas de machine sans l'humain !

Pour Thierry Cadiot de l'Arseg, si la vidéosurveillance permet d'économiser en ressource humaine, la qualité du service rendu n'est pas uniquement due à l'agent qui est derrière la machine. En novembre 2017, le délégué interministériel à la sécurité privée a saisi la Médiation des entreprises afin de lancer des travaux pour améliorer les relations dans la filière. Autour de la table, les syndicats représentatifs des entreprises de sécurité privée, le SNES et l'USP, mais aussi le Club des directeurs de sécurité et de sûreté (CDSE) et certains donneurs d'ordres publics comme l'Ugap, la ville de Paris, le ministère de la défense, veulent trouver un accord pour assainir les conditions de marché.

" Faire du prix le critère majoritaire au lieu de la qualité ne permet pas au secteur de se professionnaliser. Les conditions de rentabilité des entreprises de sécurité sont très mauvaises y compris pour les leaders du marché. C'est ce qui contribue à paupériser et les entreprises et leurs salariés, les agents de sécurité ", explique Olivier Duran, directeur de la communication du SNES. Une dérive qui peut s'expliquer notamment par la massification des achats de sécurité, d'après Thierry Cadiot.

Dans certains cas, trop nombreux, alors qu'il a été établi un prix de revient minimum d'un agent de sécurité , à l'heure actuelle on constate une perte par heure vendue. Résultat : des entreprises qui ne margent pas, des agents de sécurité non formés, mal payés, donc peu efficaces... " Un agent sous qualifié avec un appareil mal dimensionné ne fait que dégrader encore un peu plus la qualité de service, reprend Thierry Cadiot. C'est pourquoi il faut accepter de payer la sécurité à son juste prix, en se positionnant du côté de l'agent de sécurité. Tant qu'on paiera mal, nous n'aurons que ce que l'on achète, de la non qualité". Comme solutions, le Snes et l'USP prônent l'instauration d'une garantie financière destinée à assainir le marché d'un point de vue structurel, sorte de caution qui garantirait la capacité du sous-traitant à payer ses charges sociales, afin de limiter le travail illégal ou la sous-traitance en cascade, ce qui réduirait le nombre d'opérateurs et les rendrait de fait plus performants.

Dans un deuxième temps, le SNES souhaiterait avec l'aide des pouvoirs publics instaurer un observatoire de l'évolution des prix et coûts du secteur de façon à avoir des données objectives pour apporter un indice d'évolution des prix en fonction de l'évolution des coûts sociaux. " Nous voulons évoluer et proposer des offres plus complètes au niveau technologique. Au lieu de mettre 40 agents H24 sur un site, faire une offre plus compétitive en associant des moyens électroniques et vidéo, voire des robots par exemple. Le secteur doit évoluer dans son mix humain/technologie, donc investir en R&D, ce qui implique de meilleures conditions de marché ", conclut Olivier Duran.

 
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