Affaire des maîtres-chiens clandestins : Vigimark dénonce la SNCF
Dans une lettre ouverte, le président de Vigimark interpelle le président de la SNCF suite à la décision de la compagnie ferroviaire de rompre ses contrats de gardiennage avec sa société.
Je m'abonneNouvel épisode dans l'affaire des maîtres-chiens sans-papiers de la SNCF: Jean-Luc Lattuca, le président de l'entreprise de sécurité Vigimark, vient d'adresser une lettre ouverte à Guillaume Pepy, le président de SNCF, intitulée "La SNCF m'a tuée!"
Dans cette lettre ouverte transmise à l'AFP, Jean-Luc Lattuca interpelle le président de la SNCF suite à la décision de la compagnie ferroviaire de rompre unilatéralement ses contrats de gardiennage avec son prestataire Vigimark. La SNCF invoque le fait que ce dernier employait des salariés sans titre de séjour. Selon Vigimark, les maîtres-chiens en question avaient bien des titres de séjour en règle mais qui n'étaient pas les leurs...
"Depuis 2005, date à laquelle notre entreprise a repris un certain nombre de vos marchés, nous n'avons eu de cesse d'informer vos services de la situation déplorable dans laquelle la SNCF avait laissé choir les contrats initialement passés, indique-t-il notamment. Que cette situation vous ait échappé alors nous laisse pour le moins perplexes au regard de votre précipitation à sévir aujourd'hui dans cette affaire qui défraye la chronique sociale de ce mois de juillet."
L'affaire en question a éclaté en novembre 2008 quand plusieurs articles de presse ont fait mention de l'emploi d'agents de sécurité sans-papiers dans les gares parisiennes, puis refait la une de l'actualité en mai dernier. Cette affaire concernait 37 maîtres-chiens de la société Vigimark, l'un des prestataires de la SNCF. Ces salariés avaient été embauchés par le prestataire précédant (Magg Sécurité, NDLR) et réintégrés au sein de la société Vigimark lorsque cette dernière avait remporté un nouvel appel d'offres de la SNCF, conformément à la loi.
Pour Jean-Luc Lattuca, Vigimark avait immédiatement prévenu la SNCF de la situation. Ancien président du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes), la lutte contre le travail illégal dans le secteur est d'ailleurs l'un de ses chevaux de bataille. Selon une source proche du dossier, ces sans-papiers devaient être régularisés mais, ne voyant rien venir, les syndicats de la SNCF ont porté l'affaire sur la place publique.
Saisi du dossier le 24 juin, le ministre de l'Immigration Eric Besson portait l'ensemble du dossier devant la justice le 13 juillet dernier, "compte tenu de l'ampleur et de la gravité des faits rapportés par les intéressés et par les syndicats représentatifs". En outre, selon le ministère, "l'examen de plusieurs cas a révélé des conditions de travail particulièrement inhumaines". "Une intervention précipitée et toujours, en l'espèce, mal documentée du ministère", dénonce Jean-Luc Lattuca.
Quelques jours plus tard, la direction de la SNCF décidait de rompre le 16 juillet les contrats en cours avec son prestataire. "Conformément aux dispositions contractuelles qui la lient à l'ensemble de ses prestataires, et après enquête, la SNCF a résilié (...) les contrats de gardiennage signés avec la société Vigimark, cette société employant des salariés ne disposant pas de titre de séjour sur le territoire français", indiquait la compagnie ferroviaire dans un communiqué.
Le personnel employé par Vigimark sur les sites de la SNCF a été repris depuis par un autre prestataire de la compagnie (Challancin), y compris les maîtres-chiens sans papiers qui devraient être cette fois-ci régularisés pour de bon, selon le syndicat Sud Rail.
Toutefois, l'affaire est loin d'être terminée. Dans sa lettre ouverte au président de la SNCF, Jean-Luc Lattuca (Vigimark) invective Guillaume Pepy sur les conséquences de sa décision pour son entreprise et sur la responsabilité de ce dernier. "Aviez-vous l'intention inavouée, mais par trop évidente aux yeux de tous les acteurs informés, de tenter de vous exonérer de votre pleine et entière coresponsabilité d'acheteur donneur d'ordres sur le dos d'une victime expiatoire toute désignée à la vindicte médiatique: votre fournisseur du moment, Vigimark Surveillance", écrit-il. Par ailleurs, Jean-Luc Lattuca s'interroge sur les conditions de transfert des marchés jusque-là détenus par Vigimark, "contre toutes les règles d'usage liées à la passation des marchés publics". Selon nos informations, Vigimark devrait à son tour porter l'affaire en justice.
De son côté, la direction achats de la SNCF a adressé le 13 juillet dernier un courrier à l'ensemble des prestataires de sécurité travaillant pour elle, leur rappelant leurs obligations légales à l'égard du Code du travail. Un audit interne sur les conditions dans lesquelles les entreprises de sécurité privée emploient leurs salariés sur les sites de la SNCF est également en cours, de même qu'une campagne de contrôle des habilitations officielles d'agents de sécurité privée.