Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

DossierLes acteurs de l'emballage tirent les leçons de la crise

Publié par Stéphanie Marius le

1 - Packaging: tenir le cap de l'écoresponsabilité

Hausse ou baisse de la demande, répartition des commandes, la crise sanitaire a bouleversé l'activité des acteurs du packaging mais ces derniers ne renoncent pas à leurs ambitions ne termes de révolution écoresponsable.

  • Imprimer

"Le secteur de l'emballage envoie des signaux assez complets, utiles pour analyser la santé de l'économie française", affirme Armand Chaigne, Head of Industrial Market France et Head of Marketing & Communication France de DS Smith, entreprise papetière et dédiée au packaging. Justement, les tendances relevées par les acteurs en avril/mai puis à l'issue du confinement rejoignent en partie celles de la Fevad, de l'industrie et de la grande distribution: la demande d'emballages dédiés à l'agroalimentaire et à la pharmacie a crû de 10 à 30% au début de la crise, l'emballage de pièces automobiles a diminué de moitié. "Nos clients industriels ont connu une baisse d'activité de 30 à 50%", précise Armand Chaigne. Une demande à flux tendu, car la majorité des retailers et des industriels n'ont pas cherché à réaliser des stocks d'anticipation, préoccupés par la nécessité de réagir vite à ce bouleversement imprévu.

Chez son concurrent Smurfit Kappa, même tendance baissière, notamment sur le secteur de l'e-commerce (lequel représente environ 5% de son volume d'activité). "Au global, nous notons une baisse pour l'ensemble du secteur e-commerce, retail et industrie en mars/avril [les données pour le mois de mai ne sont pas encore disponibles à l'heure où nous imprimons ces lignes], indique Gérard Mathieu, directeur marketing et innovation France. Dans le domaine du carton ondulé, cette crise a généré des changements de fonctionnement: certains secteurs se sont arrêtés, d'autres ont vu grimper leur activité." Le travail en effectif réduit et la hausse de l'emballage alimentaire contraint à répartir les commandes sur plusieurs usines. Smurfit Kappa indique ne pas avoir souffert de problèmes d'approvisionnement en papier, encre et amidon (l'entreprise fabrique son propre papier), qui sont les trois composantes majeures des matériaux.

La baisse globale d'activité liée au packaging s'avère plus critique pour Raja, spécialisée dans la vente d'emballage: l'entreprise se trouve confrontée à une chute de la demande de l'ordre de 40% en début de crise, 30% en avril et 20% depuis. "Nous avons constaté des différences en fonction de l'activité et de la taille des clients. Les plus petits ont rouvert plus vite et avaient une meilleure capacité à continuer leur activité. Les difficultés sont devant nous", s'inquiète Nathalie Chapusot,dg marketing-ventes et e-commerce. Le groupe international constate en effet un impact "bien plus fort" en France que chez nos voisins européens. Raja ne remarque pas de chute des ventes en Allemagne et dans les pays du Nord, l'Espagne et l'Italie se montrent assez résilientes en raison des "petites structures agiles" qu'y possède le groupe.

Une hausse de la solidarité entre clients et packageurs

Néanmoins, ces difficultés contribuent à rapprocher les acteurs de l'emballage des retailers. En effet, les équipes de DS Smith sont confrontées à des taux d'absentéisme de 20 à 30% durant la crise et ont subi des tensions concernant leur approvisionnement en papier. "Beaucoup de clients ont accepté de revoir leur packaging, de changer le grammage du papier et de standardiser leurs emballages afin de fluidifier la livraison", pointe Armand Chaigne (DS Smith). Ces concessions permettent de produire plus en économisant des réglages de machines et aident à servir un plus grand nombre de clients. Une tendance limitée à quelques acteurs de l'agroalimentaire, lesquels possèdent plusieurs centaines de références, nuance Gérard Mathieu (Smurfit Kappa).

Les actes de solidarité se multiplient: dans l'est de la France, dans la ville de Kunheim, les équipes de DS Smith ont reçu une palette entière de pâtes de la part d'un industriel à qui elles ont évité une rupture de stock. Afin de ne pas arrêter la production, quatre collaborateurs ayant une fonction support (commerciaux, designers, bureau des méthodes) ont décidé d'aller en production au sein de l'usine. "Il faudra étudier si ces gestes sont poursuivis à moyen terme, souligne Armand Chaigne. Nous travaillons en tout cas sur ces partenariats forts."

Quelles répercussions sur les avancées écoresponsables?

Au-delà de ces témoignages de bonne entente et de rationalisation de la production, la crise suscite des craintes en matière de production écoresponsable des emballages. Des craintes infondées, selon les acteurs du papier-carton. Tout d'abord, l'idée d'un remplacement du carton par le plastique pour des raisons sanitaires n'a pas fait florès. Selon une étude du New England Journal of Medicine, reprise par Le Monde, le plastique peut conserver le virus entre deux et six jours, tandis qu'il ne subsiste que 24 heures sur le papier et le carton.

Par ailleurs, quoique la demande en termes d'innovation produit ait été gelée ces derniers mois, "la crise n'a pas inversé les choses et ne les a pas retardées, affirme Armand Chaigne. Je pense même que c'est un accélérateur de tendances pour la transition écologique." En revanche, le recyclage du carton s'est avéré plus difficile en mars, avril et mai, en raison d'un arrêt des flux.

La tension sur la récupération des papiers à recycler a produit une légère augmentation du cours du papier à recycler. Mais les acteurs du packaging ne changent pas de cap. Ainsi, Smurfit Kappa travaille sur la chasse au vide et les économies de matériaux grâce au développement de logiciels visant à déterminer le nombre de formats optimal et la taille de chaque boîte à l'aide du big data. L'entreprise se targue aussi d'un stock de carton certifié FSC (label environnemental du Forest Stewardship Council) supérieur à 95%. De même, Raja place désormais un logo sur tous ses produits écoresponsables, en cohérence avec son concept "les 5 R de l'emballage": réduire, réutiliser, remplacer (les coins en polystyrène deviennent des coins en carton alvéolé), renouveler (emballages biosourcés), recycler.

En complément, les acteurs continuent de travailler sur les aspects liés à l'ergonomie et à la prévention des troubles musculo-squelettiques. "Nous proposons des offres de Packing Station, explique Alain Josse, dg marketing produits, achats et supply chain de Raja. Il s'agit d'équiper totalement le poste de préparation de commande (convoyeur, cartons à hauteur variable, caisses à fond automatique, chariot, tables à hauteur réglable pour faciliter la manutention des charges intra-entrepôt...) manuelle ou intégrée sur une chaîne avec différents niveaux d'automatisation. Cette prestation complète nous est de plus en plus demandée car les e-commerçants recherchent des fournisseurs source de conseil."

En parallèle, Smurfit Kappa audite ses clients sur les sujets liés à l'ergonomie pour proposer des systèmes d'assistance destinés à soulever des charges lourdes en minimisant les troubles musculo-squelettiques: "Il s'agit d'automatiser les tâches répétitives, d'alléger les charges, de réduire les gestes au minimum", précise Gérard Mathieu (Smurfit Kappa).

Quid de la relocalisation de packageurs?

Interrogés sur leurs perspectives à moyen terme et les leçons de la crise, les acteurs témoignent diversement. Pour Raja, la crise entraîne une difficulté à modéliser l'avenir. "Nous sommes assez inquiets et ne négligeons pas la vague qui arrive", conclut Alain Josse.

Du côté de Smurfit Kappa, l'heure est à l'optimisme: "La demande devrait reprendre son cours normal rapidement, hormis dans le secteur B to B, lequel pourrait mettre plus de temps à redémarrer", juge Gérard Mathieu. Aux yeux d'Armand Chaigne (DS Smith), dont le chiffre d'affaires a été très faiblement affecté par la crise, "les mois de juin et juillet sont critiques".

Pour tous les acteurs, le premier axe d'ouverture à l'issue de la crise concerne la possibilité de réaliser des "back-up" (commandes envoyées dans d'autres usines d'un même fabricant). Alors que de nombreuses voix s'élèvent pour demander la relocalisation de l'industrie, les structures internationales s'avèrent finalement opérantes en période de crise.

no pic

Stéphanie Marius

Chef de rubrique

Ancien professeur de lettres modernes, secrétaire de rédaction durant quatre ans et aujourd’hui chef de rubrique pour les sites [...]...

Voir la fiche

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Sur le même sujet

Retour haut de page