Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

Innovation et achats publics, une équation à résoudre

Publié par Camille George le | Mis à jour le
Innovation et achats publics, une équation à résoudre

L'innovation est un moyen, pour les acteurs publics, d'assurer leurs missions. Elle est aussi source d'économie et offre des réponses à des besoins non satisfaits ou à de nouveaux besoins. Mais la trouver et la mettre en place implique de nouvelles pratiques.

Je m'abonne
  • Imprimer

Invités à l'exemplarité en 2012 par le rapport Gallois sur la croissance et la compétitivité, les acheteurs publics doivent depuis "stimuler l'innovation et accompagner le développement des PME innovantes" en consacrant 2 % de la commande publique à l'achat innovant d'ici à 2020. Cette nouvelle donne constitue une "évolution des mentalités", estime Sébastien Taupiac, directeur délégué à l'innovation de l'Ugap : "Longtemps, l'achat public était un acte juridique. Depuis quelques années, c'est un acte économique orienté vers le développement de l'activité d'un territoire." Il s'agit en effet d'utiliser la commande publique comme un levier de développement.

Ce nouveau paradigme correspond à une prise de conscience du poids de la commande publique et de son rôle économique. Les acheteurs publics sont ainsi amenés à porter les stratégies politiques de l'État.

L'innovation, une opportunité plus qu'une contrainte

Cette évolution ne semble pas encore pleinement intégrée. L'innovation, pourtant source de performance, est souvent perçue comme une contrainte plutôt que comme une opportunité. Imprégnés d'une culture juridique, "les acheteurs publics ne parviennent pas toujours à développer une approche orientée service par une définition du besoin fonctionnel", constate Céline Faivre, directrice des affaires juridiques et de la commande publique du conseil régional de Bretagne. Ils tendent à percevoir le droit comme un obstacle à l'application de la réforme des achats publics. "Parce qu'ils sont tenus de respecter un cadre strict, celui du code de la commande publique, les acheteurs publics peuvent craindre de porter l'innovation", témoigne Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises.

Les modalités introduites par la réforme de la commande publique offrent cependant de la souplesse et de l'agilité pour mettre en oeuvre une politique d'achats innovants. "La réforme ouvre des perspectives : elle laisse des marges de manoeuvre aux acheteurs publics. Mais les possibilités offertes sont encore sous-exploitées", souligne Céline Faivre.

L'innovation reste pourtant un moyen pour les acteurs publics d'assurer leurs missions et offre des réponses à des besoins non satisfaits ou à de nouveaux besoins. Environnement, numérique, formation, vieillissement de la population, etc. : autant de domaines où l'innovation est à portée de main. "Les nouvelles technologies répondent à de nombreux enjeux des collectivités", indique Thomas Joly, maire de Verrières-le-Buisson. Sa commune a par exemple acquis une solution à vapeur qui brûle les mauvaises herbes afin de respecter l'exigence de "zéro phyto" dans les espaces verts.

Les solutions innovantes peuvent également être source d'économies : la municipalité a utilisé un drone pour diagnostiquer l'état de l'église médiévale de la commune, avant d'entamer des travaux de rénovation. "Sans cette solution, nous aurions eu recours à des échafaudages, une option plus coûteuse, plus longue, pour un résultat de moins bonne qualité", précise Thomas Joly. Ainsi, "l'innovation apparaît comme un moyen d'associer efficience des services publics et contraintes budgétaires", souligne Sébastien Taupiac.

Lire la suite page 2 - Le sourcing, un élément central

Le sourcing, un élément central

Pour en tirer parti, les acheteurs publics doivent impulser un changement de pratiques. Leur premier défi ? Détecter l'innovation. "Les acteurs publics doivent organiser le sourcing et créer les conditions d'un dialogue permanent avec les opérateurs économiques afin d'appréhender au mieux l'offre existante, assure Céline Faivre. C'est notre mobilisation collective qui fera bouger les lignes." Cette démarche proactive implique de s'intégrer dans les réseaux où est portée l'innovation. C'est ce qui est appliqué au sein du Réseau des acheteurs hospitaliers (Resah), connecté à l'écosystème des acteurs innovants en santé et nouvelles technologies : le cluster Silver Valley, le pôle de compétitivité Medicen, le gérontopôle Gerond'IF, la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, mais aussi, au niveau européen, la plateforme "Innovation Santé Autonomie". "Le sourcing prend du temps, car il faut ratisser large pour ne rien rater", relate Dominique Legouge, directeur général du Resah.

En complément, il faut faire connaître ses besoins. "La compréhension de nos besoins est une étape importante pour permettre aux PME d'y répondre", analyse Céline Faivre. Pour les plus petites structures, qui n'ont pas la surface pour rechercher l'innovation ou disposer d'une expertise en interne, le recours à des groupes d'achats ou des centrales, qu'elles soient généralistes comme l'Ugap, régionales ou sectorielles, s'imposent.

Des modalités juridiques ouvertes

Une fois les innovations identifiées, les acheteurs publics disposent de différentes modalités juridiques pour acquérir les solutions innovantes dans le cadre de la réglementation. "Les procédures juridiques actuelles sont adaptées aux problématiques de l'innovation", estime Dominique Legouge. Les acheteurs peuvent passer par la rédaction d'un cahier des charges fonctionnel. Dans ce cas, il s'agit de "bien définir ses besoins et les critères qui favorisent l'innovation, comme la performance attendue ou la singularité de la solution", insiste Céline Faivre.

Le chiffre : 200 milliards d'euros

Pesant près de 200 milliards d'euros, la commande publique (marchés publics des collectivités territoriales, de l'État, des entreprises publiques et des concessions) représentait 10 % du PIB en 2014. Selon le ministère de l'Économie et des Finances, si les titulaires de marchés publics sont à 99 % des PME, moteurs de l'innovation, elles ne captent que 33 % de la valeur de ces marché

Lire la suite page 3 - Une procédure précommerciale

Ils peuvent également recourir à une procédure d'achat précommercial hors code des marchés publics. "Après une définition commune des besoins et la rédaction d'un cahier des charges fonctionnel, plusieurs prototypes, dont la propriété intellectuelle est partagée, peuvent ainsi être réalisés avant le lancement d'un appel d'offres suivant la procédure classique", explique Dominique Legouge.

Autre alternative, le dialogue compétitif, "souvent perçu comme lourd et coûteux, permet, dans certains cas, de favoriser l'innovation et de valoriser le savoir-faire des entreprises", précise Céline Faivre. La procédure concurrentielle avec négociation offre quant à elle la possibilité d'adapter la demande au fil du projet. Enfin, issus des directives européennes, les partenariats d'innovation apparaissent pertinents pour des projets d'innovation moins aboutis ou nécessitant un codéveloppement.

Reste qu'une fois le processus engagé, les acheteurs doivent maintenir leur vigilance et évaluer les solutions innovantes qu'ils adoptent. "Toutes les innovations ne se valent pas. Il faut les évaluer selon des critères économiques et de bénéfices apportés. L'innovation représente parfois un surcoût qui peut être assumé s'il en résulte une réelle amélioration de la qualité de services", conclut Dominique Legouge.

Réglementation

Réforme de la commande publique : de nouvelles possibilités encore peu exploitées

Lancée en 2015 et entrée pleinement en vigueur en avril 2016, la réforme du droit de la commande publique a amorcé une métamorphose des achats publics qui doit aboutir en 2018 avec la dématérialisation des marchés publics. Lancée par le ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique, elle vise le soutien aux PME et à l'innovation, mais aussi la simplification et la modernisation, avec par exemple la réduction de la charge administrative à travers le programme "Dites-le-nous une fois".

La réforme a également relevé, dès 2015, le seuil dit de dispense de procédures à 25 000 euros, offrant ainsi plus de souplesse aux acheteurs publics pour atteindre notamment l'obligation de 2 % d'achats innovants introduite par le texte. "La réforme ouvre des perspectives : elle laisse des marges de manoeuvre aux acheteurs publics. Pourtant, les possibilités offertes sont encore sous-­exploitées" constate Céline Faivre, directrice des affaires juridiques et de la commande publique du conseil régional de Bretagne. Pour encourager les acteurs à se saisir des opportunités offertes par cette nouvelle réglementation, la direction des affaires juridiques (DAJ) a mis en ligne les nouveaux textes, mais aussi des fiches pratiques et de nouveaux formulaires.

Lire la suite page 4 - L'Ugap une centrale en appui aux PME

L'Ugap, une centrale en appui aux PME

Depuis la création de son pôle innovation en 2014 et son travail de détection, d'identification et de qualification des innovations, l'Ugap s'est attaché les faveurs des PME, à l'origine desdites innovations. Les titulaires de marchés de l'Ugap, ou en passe de le devenir, voient la centrale historique d'achats publics comme un partenaire dans leur accès à la commande publique.

Par sa connaissance des besoins des acheteurs publics, l'Ugap accompagne par exemple les PME dans la structuration de leurs offres adressées aux acheteurs publics. Son catalogue, conçu après une étude de marché pour collecter les besoins des collectivités, tente d'anticiper les futurs produits et services, mais aussi les usages. Pour Éric Laporte, responsable de l'offre chez le concepteur et fabricant de cabines de télémédecine H4D, la rencontre et la collaboration avec l'Ugap ont permis de "consolider la stratégie commerciale avec une offre de permanence des soins dédiée au marché public".

Autre atout : la centrale dispose d'un réseau d'agences réparties sur tout le territoire et assure la promotion des offres. "Les contacts de l'Ugap facilitent le travail des commerciaux. C'est un formidable accélérateur" souligne Stéphane Morelli, directeur général opérations d'Azur Drones. Le modèle de la centrale d'achats apporte par ailleurs de nombreuses simplifications : une réponse à un appel d'offres unique, un seul contrat, un lieu unique de prise de commandes, de facturation, de paiement, de traitement des litiges. Une fois titulaire de marchés, une PME dispose de certaines garanties. "L'Ugap apporte la perspective de volumes importants. C'est un argument important pour nos partenaires financiers", assure Stéphane Morelli, dont la société a réalisé plusieurs levées de fonds en 2016 et 2017. Enfin, le modèle de l'Ugap facilite l'accès des PME aux marchés publics en réduisant le coût d'entrée.

Le groupe Prisme, qui propose des solutions de traçabilité (codes-barres / RFID / RTLS) et de mobilité pour le secteur médical, a évalué son investissement moyen pour répondre aux appels d'offres publics sur la période 2013-2016 : "La réponse à un appel d'offres requiert un investissement moyen de 5 720 € pour une procédure simple à 27 800 € pour les cas plus complexes", analyse Bernard Rubinstein, président du groupe Prisme. Le résultat est sans appel : "cet investissement en temps et en argent est significatif pour une PME et presque prohibitif pour une TPE ! Aussi, lorsque nous sommes contactés par des administrations publiques qui étudient l'opportunité de lancer leur propre appel d'offres, nous leur suggérons régulièrement de recourir à l'Ugap, plutôt que de continuer sur cette piste. Souvent avec succès."


 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page