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Les nouveaux enjeux de la restauration collective

Publié par Camille George le | Mis à jour le
Les nouveaux enjeux de la restauration collective

La restauration collective est un élément-clé dans la construction de la politique sociale et environnementale des entreprises qui s'engagent dans une démarche globale de qualité alimentaire. Le bio, et plus encore le bio local, travaillé en circuit court, reste un défi pour les SRC.

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Orange, la FNAB (Fédération nationale de l'agriculture biologique) et les six SRC prestataires du groupe ont signé la charte nationale "Manger bio local en entreprise". Ce projet se déploiera sur trois ans afin de permettre aux différents acteurs d'intégrer progressivement des produits bio locaux et de nouvelles façons de travailler les produits. L'offre évoluera pour atteindre les exigences du nouveau cahier des charges (20 % produits bio, 30 % produits locaux, 50 % produits frais) et couvrir les besoins des 138 restaurants Orange en France (cf. encadré).

Premier grand groupe à s'engager pour développer le bio local au niveau national et non uniquement régional, Orange incarne parfaitement la tendance de fond actuelle en matière de restauration collective. De plus en plus attachées au mieux manger, mieux vivre au travail, les entreprises, privées comme publiques, ont de nouvelles exigences auxquelles doivent s'adapter l'ensemble des acteurs du secteur. Ainsi, les attentes se portent sur la qualité et l'origine des produits.

Le bio local, un enjeu social et sociétal

Le bio, bien sûr, est de plus en plus prisé, mais plus seulement. Les circuits courts et le "fait maison" font partie des demandes fortes tant dans le secteur privé que public. "Les terres consacrées au bio en France ont augmenté, mais pas suffisamment pour subvenir à la demande. Et, paradoxalement, les circuits courts coûtent plus cher que les circuits d'approvisionnement classiques. La tentation est donc grande d'aller chercher du bio à l'étranger mais c'est un mauvais calcul en termes de bilan carbone pour les entreprises. D'où ce besoin aujourd'hui de développer et structurer les filières de bio local", explique Benoît Drillon, directeur général d'Elior Enseignement. Et une nécessité pour les Sociétés de restauration collective (SRC) d'adapter leur offre et leur mode de fonctionnement.

En effet, les entreprises qui mènent depuis longtemps une réflexion sur l'intégration de la restauration dans leur plan RSE demandent aujourd'hui des actions concrètes à leurs prestataires afin de respecter un cahier des charges axé santé et environnement. "L'aspect financier reste primordial, tout comme l'optimisation des moyens de production ou l'harmonisation des prestations, mais les enjeux portent dorénavant sur la dimension sociale, qualité et développement durable d'une prestation", indique Annie Pinquier, directrice associée chez Agriate Conseil.

Lire la suite page 2 - Une nouvelle façon de construire l'offre


Une nouvelle façon de construire l'offre

Faire converger les indicateurs "bio" et "local" est un vrai challenge qui implique une profonde modification dans l'approche et la façon de travailler des SRC. Pour répondre aux évolutions de cahier des charges, les prestataires doivent faire de nouveaux arbitrages afin de trouver un bon équilibre qualité / coût. "Afin d'équilibrer le coût de ces produits, on peut rebasculer l'impact prix sur une meilleure gestion des déchets alimentaires, par exemple", note Benoît Drillon. Vertueuse, la démarche permet une maîtrise des coûts, une qualité de produit supérieure ainsi qu'une action concrète pour l'environnement.

Des réflexions sur de nouvelles logiques d'appro­visionnement et de fonctionnement logistiques sont également menées afin de mieux tenir compte de la saisonnalité et ainsi avoir un produit de qualité au meilleur prix. "Plutôt que de changer les menus tous les jours, on réfléchit à des menus figés sur une semaine, ce qui a l'avantage d'offrir une meilleure prévision volumique, moins de pertes et une gestion plus simple", détaille Sarah Etcheverry, directrice achats de Compass Group.

Les partenariats se multiplient

Le développement de partenariats avec les associations, fédérations et coopératives du monde agricole est essentiel pour soutenir et structurer la filière et permettre de répondre à la demande en termes de volume. Bleu Blanc Coeur, pour les produits santé et végétariens, Terrena, pour le bien-être animal, et la FNAB, pour le bio local, sont dès lors des interlocuteurs incontournables.

À la clé, des engagements pérennes et de nouveaux protocoles de travail. "Sur les fruits et légumes bio, par exemple, nous avons fait le choix de travailler très différemment du marché, souligne Sarah Etcheverry, directrice achats de Compass Group. Nous travaillons sur sept mois en hiver et cinq mois en été avec un engagement avant la saison sur un volume et un prix pour garantir la relation, la qualité et le revenu du producteur." Une transformation des rapports humains et des contraintes logistiques aussi. "C'est à nous de trouver des solutions d'acheminement au plus court et les moins coûteuses possible", estime Sarah Etcheverry. Avec près de 10 000 restaurants en France et 384 millions de repas par an, la restauration du travail (restauration d'entreprise et administrative) représente un enjeu majeur pour le développement et la pérennisation de la filière bio locale.

Le point de vue des producteurs

Un secteur prometteur pour les producteurs

Être capable de fournir la restauration collective est un travail de longue haleine mais qui présente de nombreux attraits. "L'intérêt avec la restauration d'entreprise est qu'on est sur des politiques de long terme", estime Jacques Frings, maraîcher, polyculteur biologique dans le Val-de-Marne. Le fait de pouvoir lisser la production sur l'agenda est un véritable atout pour les producteurs et offre une cohérence du système qui permet de progresser encore sur la qualité des produits et / ou de diversifier l'exploitation selon les besoins. "Avoir le retour des acheteurs est très important pour nous. En travaillant les produits les plus porteurs, on peut développer des spécificités en termes de savoir-faire ou de mécanisation pour rester compétitifs en matière de volume et de prix." Ainsi, avec le lancement de la charte "Manger bio local en entreprise", la FNAB espère avoir franchi une nouvelle étape : "Ce partenariat a vocation à servir de modèle. C'est par l'action et l'engagement des entreprises qu'on changera l'agriculture en France", conclut Stéphanie Pageot.

Lire la suite page 3 - Doucement les curseurs bougent

Doucement mais sûrement, les curseurs bougent

Aujourd'hui, 23 plateformes pour la restauration collective disséminées sur l'ensemble du territoire permettent de mieux structurer l'approvisionnement en produits biologiques locaux. Créées par les producteurs et les opérateurs bio, ces plateformes de distribution offrent un seul contact au gérant, des facilités logistiques ainsi qu'un référencement large, de saison et adapté aux volumes et à la régularité attendus en restauration collective.

"Pour que le partenariat soit une réussite, il est nécessaire que la démarche soit impulsée par la direction générale du donneur d'ordres autant que par la direction générale de la société de restauration collective, dans un cadre contractuel adapté où les rapports de force sont équilibrés", estime Stéphanie Pageot, présidente de la FNAB.

Plus à l'écoute sur ces problématiques, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à adhérer à ce type de démarche et la déconnexion avec le monde agricole tend ainsi à se réduire. Et si le bio ne représentait encore que 3,2 % des achats en restauration collective en 2016 (0,6 % en 2008), il connaît une croissance exponentielle. Avec ses volumes d'achats (11 millions de repas par an, pour un budget annuel de 95 millions d'euros), Orange peut créer une réelle dynamique et inciter d'autres grandes entreprises à rejoindre l'aventure. La Poste, actuellement en discussion avec la FNAB, pourrait bien être la prochaine.

Zoom La démarche d'Orange

Pionnier de la transition alimentaire en entreprise, Orange a enclenché dès 2010 une démarche vertueuse en étoffant son cahier des charges avec 20 % de bio. "Au départ, les prestataires n'ont pas forcément joué le jeu, mettant en avant le manque de disponibilité des produits, explique Dominique Sauvage, responsable du pôle expertise restauration chez Orange. La mise en concurrence des majors avec de plus petites SRC a créé une forme d'émulation et leur permet d'être à présent au niveau souhaité."

Aujourd'hui, Orange travaille avec six SRC : Sodexo, Compass, Elior, Amsamble, API Restauration et MRS. "Mais il faut rester vigilant et exigeant", souligne-t-il. Ainsi, le rachat d'Ansamble par Elior donnera sans doute lieu à l'introduction d'une nouvelle petite SRC pour maintenir la compétitivité. De même, un logiciel pour mesurer la conformité de la prestation au cahier des charges a été mis en place. "Nous pouvons ainsi analyser les achats effectués sur la base des factures pour chaque catégorie de produits et un plan d'actions correctives peut être mis en place si les objectifs ne sont pas respectés. Nous pouvons même aller jusqu'à mettre des pénalités aux prestataires", détaille Dominique Sauvage. Mais la relation est d'abord basée sur l'engagement et l'investissement humain d'Orange avec ses SRC. "Le bio ne doit pas être payé par les convives, donc sur le dernier appel d'offres nous n'avons pas tiré les prix vers le bas mais nous les avons moyennés sur les six SRC. Et si nos prestataires rencontrent des difficultés pour rationaliser le prix du bio, nous nous mobilisons pour négocier des partenariats avec la filière."

 
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