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[Interview] Laure Bédier, DAJ des ministères de l'Economie et des Finances : "Accompagner la transformation de la commande publique"

Publié par Camille George le - mis à jour à
[Interview] Laure Bédier, DAJ des ministères de l'Economie et des Finances : 'Accompagner la transformation de la commande publique'
© © Marc BERTRAND

Arrivée il y a juste six mois à la tête de la direction des affaires juridiques des ministères de l'Économie et des Finances, Laure Bédier a, par son action, donné un coup d'accélérateur à la dématérialisation de la commande publique.

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Comment définissez-vous votre rôle ?

Être directrice des affaires juridiques des ministères économiques et financiers au moment de la dématérialisation de la commande publique représente une formidable occasion de voir en quoi le droit peut ­participer à la simplification et à l'allégement des ­formalités pour les acteurs de la commande publique. Les enjeux sont majeurs pour l'économie d'un pays comme la France où la commande publique représente plus de 100 Mds€. Mon rôle est de mettre en place une organisation destinée à accompagner cette transformation.

Vous venez de publier la feuille de route sur la dématérialisation, celle-ci est développée en cinq axes et 19 actions. Quels sont, selon vous, l'axe et l'action prioritaires ?

Pour les acheteurs, la priorité est de s'équiper d'un profil d'acheteur. Plusieurs possibilités existent : ­adhérer à des structures, souvent régionales, de mutualisation de profils d'acheteurs, en créer de ­nouvelles là où il n'en existe pas, s'adresser à des éditeurs de profils qui développent une offre "clés en main".

Pour l'État, la priorité est de mettre à disposition des acheteurs et des entreprises la solution mutualisée nationale "Service Dume", à compter du 1er avril 2018. À partir de cette date, l'acheteur devra accepter la ­candidature d'une entreprise sous forme de Dume électronique. L'utilisation du Dume permettra de diminuer la charge administrative des entreprises en généralisant le dispositif "Dites-le-nous une fois".

La création d'avis nationaux simplifiés de publicité et de formulaires dématérialisés permettra d'entreprendre la dématérialisation dès le début d'une procédure. L'idée est de pouvoir, à terme, utiliser automatiquement les données de l'avis de publicité dans les stades ­ultérieurs, évitant les ressaisies et les risques d'erreur. La présentation de formulaires électroniques ­standardisés permettra aussi le traitement automatisé des avis de publicité, facilitant le travail de recherche des entreprises.

Les priorités 2018-2020 du plan de transformation numérique

Mettre en place une gouvernance nationale

Développer les compétences

proposer des avis nationaux simplifiés

Simplifier les modes de candidature


Le MPS va-t-il coexister avec le DUME ?

Le MPS a été un terrain d'expérimentation du dispositif "Dites-le-nous une fois" et a montré la capacité d'innovation de la France. Certes, le Dume comporte des rubriques plus nombreuses, mais il s'agit d'un formulaire européen, compatible dans tous les pays de l'Union européenne. Surtout, sa gestion dématérialisée simplifiera son utilisation. Le MPS coexistera avec le Dume jusqu'en 2019, le temps de l'appropriation de ce dernier par les acheteurs et les entreprises. Nous mettrons à disposition, avec l'AIFE, tous les moyens nécessaires à une appropriation progressive de l'outil.

Quelle politique d'accompagnement spécifique allez-vous mettre en place pour les acheteurs publics ?

La création d'une structure centrale de pilotage autour d'un directeur de projet, en cours de nomination, placé auprès de la direction des affaires juridiques, permettra d'impulser et de coordonner les 19 actions d'accompagnement de la transformation numérique de la commande publique. Ces 19 actions seront mises en oeuvre et financées par les directions pilotes responsables. La DAJ développera une documentation simple et pratique facilement accessible sur son site internet.

Lire la suite page 2 - Les outils et moyens mis en place


La démat' a un coût. Cela implique des investissements techniques et humains dans un contexte de pression budgétaire. Le plan prévoit-il une forme d'accompa-gnement financier, une enveloppe budgétaire dédiée ?

Des évolutions d'une telle ampleur posent avant tout des questions d'organisation. Elles ont également un coût indéniable. Il faut souligner que la plupart des solutions qui permettront la dématérialisation sont des solutions qui se standardiseront très rapidement, si elles ne le sont pas déjà, et verront leurs coûts fortement baisser.

Surtout, la transformation numérique ne concerne pas que la commande publique. Les outils utilisés pour les marchés peuvent, pour certains d'entre eux, être réutilisés à d'autres fins. La signature électronique par exemple, va devenir un outil commun des entreprises et des administrations pour tous les actes. Nous sommes fiers ­d'initier, dans la commande publique, une politique d'ouverture des données très en pointe. Mais là aussi, les outils et les efforts de standardisation des données pourront servir et être réutilisés à d'autres usages.

Quels moyens incitatifs allez-vous utiliser pour accélérer la transformation ? Faut-il s'attendre à des sanctions ou à la mise en place d'une liste noire des administrations qui traînent les pieds dans une logique de name & shame ?

La seule sanction est celle du droit. À partir du 1er octobre 2018, les acheteurs devront rejeter les candidatures et les offres égales ou supérieures à 25 000 euros HT qui ne seraient pas remises par voie électronique. Il ne s'agit pas de montrer du doigt ceux qui ne suivraient pas, mais plutôt de valoriser les "locomotives" pour qu'elles entraînent le train des acheteurs. La mise en avant des bonnes pratiques et des gains est donc essentielle. Notre objectif est d'apporter toutes les informations, via notre site et l'appui de la direction de projet pour que les obligations ne soient pas vécues comme des contraintes, mais comme des leviers de développement.

À l'inverse, quel sera l'impact de la démat' en termes de gains ? Le coût de transformation sera-t-il couvert ?

La commission européenne a estimé les gains de la dématérialisation à 5 à 20 % du volume de la commande publique, soit pour un pays comme la France entre 4 et 16 milliards d'euros. Ces estimations sont probablement trop optimistes. Nous n'avons pas de chiffre global, car les gains sont multiples et de nature très différente. On peut néanmoins s'attendre à des économies à hauteur d'environ 115 millions d'euros du fait de la réduction d'impressions et d'envois postaux, dont 35 millions pour les acheteurs et 80 millions pour les entreprises. La simplification des candidatures avec le service MPS, étendue au Document unique de marché européen (Dume), pourrait rapporter entre 5,5 et 46 millions d'euros. Pour la facturation électronique, le gain serait de 700 millions d'ici à 2020, dont 350 millions 330 millions pour les entreprises. L'archivage électronique représente également une économie évaluée à près de 5 millions d'euros.

Nous sommes attachés également aux avantages très concrets de cette transformation numérique : écrire une seule fois certains éléments fondamentaux d'une consultation dans le Dume ou dans l'avis de publicité, pouvoir les réutiliser ensuite sans jamais les ressaisir dans les autres phases de la consultation, remplir par le même moyen les données essentielles des marchés, accéder en quelques instants, à toutes les candidatures, et à tout moment du marché, aux attestations nécessaires, dépouiller rapidement et de manière standardisée des offres qui utiliseraient la même grille de prix, utiliser la messagerie sécurisée du profil d'acheteur pour toutes les correspondances, bons de commande, ordres de service... Ce sont là les exemples parlants de tous les gains attendus, et déjà mis en oeuvre par certains, de la dématérialisation. Enfin, il ne faut pas ignorer le coût qu'aurait une absence d'évolution. La France ne peut être à l'écart du virage de la dématérialisation alors que certains pays, en Europe même, en ont fait un argument de leur compétitivité.


Bio Express

Nommée directrice des affaires juridiques des ministères de l'Économie et des Finances en août dernier, Laure Bédier a commencé sa carrière au ministère de la Justice en tant que directrice adjointe de cabinet.
Elle a ensuite oeuvré au Conseil d'État où elle occupe les fonctions de maître des requêtes pendant quatre ans avant de devenir en 2011 directrice juridique de l'APHP (Assistance publique des hôpitaux de Paris). Laure Bédier est issue des rangs de Science Po service public et le l'INHES (Institut national des hautes études de sécurité).

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Quels outils et moyens concrets mettre à leur disposition ?

L'État mettra à disposition un certain nombre de moyens. Il a déjà mis en place le portail unique de facturation électronique, Chorus Pro, permettant le transit dématérialisé des factures de nombreux acheteurs publics. À compter du 1er avril prochain, le service Dume sera opérationnel. Dans le cadre de la stratégie de l'État plateforme, les API vont se développer, permettant de relier et d'automatiser les échanges entre les administrations et les partenaires.

Des médiateurs numériques vont être déployés sur le terrain pour accompagner les collectivités. Quel sera leur rôle ?

La médiation numérique a pour objet de mettre les personnes en capacité de comprendre et de maîtriser les technologies numériques, leurs enjeux et leurs usages. Plusieurs pôles interrégionaux ont été mis en place. Il est sans doute possible de s'appuyer sur ces réseaux, mais cette fonction de médiation s'adresse en priorité aux usages du quotidien. Le plan prévoit, en revanche, l'élaboration d'un contenu de formation reposant sur la mise en commun des ressources. Dans l'idéal, la constitution d'un réseau de référents permettrait de parfaire l'effort de formation et d'accompagner les acheteurs et les entreprises.

Tout le monde n'en est pas au même niveau. Allez-vous vous appuyer sur les pionniers pour faciliter le partage de bonnes pratiques. (région Bretagne, Côte d'Or...) ?

Les acteurs locaux ont montré leur capacité à innover et la DAJ a toujours mis en avant les bonnes pratiques, comme dans le guide sur les achats innovants, car elles apportent des solutions opérationnelles que les acheteurs peuvent s'approprier. Le dynamisme et l'effet d'entraînement des ­collectivités citées sont essentiels. Il y en a beaucoup d'autres que vous n'avez pas évoquées. Nous les encourageons et les consultons régulièrement. Mais nous restons vigilants sur le fait que toutes les structures ne disposent pas des mêmes ressources ni de la même organisation. Il est important de montrer que la dématérialisation fonctionne aussi bien pour une structure de taille importante que pour une structure plus petite, et que ceux qui ont peu de moyens peuvent y arriver. C'est pourquoi l'action 2 de l'axe gouvernance a pour objectif de mettre en commun les outils ou applicatifs et les bonnes pratiques afin de capitaliser sur les expériences des acheteurs.

Dans le cadre du travail que nous menons actuellement sur le Dume, nous avons mis en place plusieurs entités pilotes regroupant des structures de toute taille et de toute nature. Nous comptons parmi elles des acheteurs particulièrement moteurs, notamment des régions ou des collectivités adhérents à des portails mutualisés déjà investis sur ces thématiques, mais aussi des petites collectivités ou des petits acheteurs prêts à se mobiliser sur le sujet.

Avez-vous prévu un suivi de mise en oeuvre spécifique ?

Le directeur de projet, placé auprès de la DAJ des ministères économiques et financiers, coordonne les administrations pilotes. Ensemble, ils déterminent les modalités de réalisation des actions, les indicateurs et les livrables, et établissent un bilan par direction à chaque échéance déterminée. Une première évaluation globale du plan est prévue en 2020 tant sur le respect du plan d'action que sur les effets obtenus.

lire la suite page 3 - Les coûts et la gains de la démat'


 
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