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Vers des bureaux moins «énergivores»

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Entre une pression sociale de plus en plus forte, des réglementations qui se durcissent et la flambée des prix, la consommation énergétique des bâtiments est devenue une préoccupation majeure pour les entreprises. Un enjeu à la fois éthique et économique.

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Rationaliser la consommation d'énergie et réduire l'empreinte écologique de leurs bureaux: voilà le défi auquel doivent désormais faire face les entreprises, alors que les bâtiments tertiaires représentent aujourd'hui 15% de la consommation d'énergie en France, selon l'Agence régionale de l'environnement et des nouvelles énergies (Arene). Et l'enjeu dépasse largement le cadre national: une autre étude, réalisée par la Durham Business School et la société JBA pour le groupe Regus, spécialisé dans la mise à disposition d'espaces de travail, montre ainsi que «l'utilisation des bureaux est actuellement responsable de 40% des émissions de CO2 dans les pays de l'Union européenne». En novembre dernier, le Grenelle de l'environnement s'est donné comme objectif de diviser par quatre, d'ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, il faudra réduire la consommation énergétique des bâtiments à 210 kWh/ m2/an en 2012 et à 150 kWh/m2/an en 2020, afin d'atteindre entre 50 et 80 kWh/m2/an en 2050.

Face à cet impératif, des solutions existent et se développent peu à peu en France, où les entreprises cherchent dès maintenant à anticiper la réglementation, notamment en mettant en place une démarche volontariste Haute Qualité Environnementale (HQE). Elles peuvent ainsi se fixer des objectifs en choisissant parmi les 14 cibles définies par l'association HQE, qui concernent l'éco-construction, l'éco-gestion, le confort et la santé. Des efforts qui peuvent désormais être reconnus par la certification NF bâtiments tertiaires - démarche HQE délivrée par Certivéa, filiale du Centre Technique et Scientifique du Bâtiment (CSTB). «Depuis 2005, 130 bureaux ont été certifiés et plus du double est en cours de certification», se félicite Patrick Nossent, président de Certivéa, qui souligne «l'indéniable saut qualitatif réalisé, notamment du point de vue des économies d'énergie.» Une quinzaine de bureaux sont d'ores et déjà livrés et exploités. Pionnière en la matière, la société Icade a inauguré en 2005 à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) le Bâtiment 270, premier bâtiment tertiaire à avoir reçu la certification (voir encadré).

Le promoteur Icade va réaliser, à partir de janvier 2009, un immeuble de bureaux à très haute performance énergétique. Baptisé Le Daurat, il se trouvera près de l'aéroport de Toulouse-Blagnac.

Le promoteur Icade va réaliser, à partir de janvier 2009, un immeuble de bureaux à très haute performance énergétique. Baptisé Le Daurat, il se trouvera près de l'aéroport de Toulouse-Blagnac.

Plusieurs types de solutions existent pour limiter la consommation d'énergie

Depuis, d'autres projets phares ont vu le jour, notamment à La Défense, avec la construction de la tour Granite de la Société Générale, ou la rénovation de la tour CB 31 d'Axa qui sera la plus haute du quartier d'affaires. A Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), le futur siège de Schneider Electric, encore en construction, est également certifié HQE: pour ce bâtiment situé en bordure de l'A86, l'objectif était de réduire les nuisances acoustiques, mais aussi d'optimiser la consommation d'énergie grâce à l'installation de poutres froides, d'une façade double peau sur la partie la plus exposée ainsi que de détecteurs de luminosité pour optimiser l'éclairage. Même sans aller aussi loin dans la performance technologique, des aménagements sont toujours possibles. Notamment pour gérer l'intermittence de l'occupation des bureaux, grâce à un système de Gestion technique centralisée (GTC), mis en place par de nombreuses entreprises comme Klépierre, Natixis, ou encore la Compagnie des Wagons-Lits, qui ont également installé des lampes halogènes basse consommation, des minuteries dans les toilettes, tout en sensibilisant le personnel. Résultat: «Sans avoir fait d'investissement vraiment important, nous avons drastiquement réduit notre consommation d'énergie, souligne Sylvie Seghier, manager qualité, développement durable et communication de la Compagnie des Wagons-Lits. En 2004, celle-ci avait diminué de 61% par rapport au précédent locataire et chaque année, nous continuons de grappiller 5 à 10%.» Le groupe Generali a aussi récemment dévoilé un nouvel immeuble de bureaux à Paris, totalement équipé de LEDs («light-emitting diodes») dont la consommation moyenne s'élève à 44 W pour les zones de bureaux, contre 54 W pour les éclairages installés auparavant, et à 12 W au lieu de 55 W pour les zones de circulation.

Sans compter les économies sur la maintenance, qui n'intervient plus désormais que tous les 18 ans, contre tous les trois ans auparavant.

Pour Patrick Nossent (Certivéa), «il n'existe pas de solution miracle mais l'on peut trouver un équilibre global.» En orientant le bâtiment en fonction de la course du soleil et des constructions voisines, en installant des systèmes de chauffage et de refroidissement performants, mais aussi en menant un réel travail de sensibilisation pour que chacun comprenne l'impact de son propre comportement. «Le jour où la consommation en kWh sera affichée à côté des cours de la Bourse dans le hall d'entrée des grandes entreprises, on aura fait un grand progrès!», glisse malicieusement Patrick Nossent. Dans ce domaine, la communication a en effet un rôle à jouer. «Rien ne sert d'avoir des bâtiments performants si l'exploitation ne l'est pas», confirme Arnoudeth Traimany, ingénieur au département économique de l'Agence pour le Développement et la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui accompagne les grandes entreprises dans leur démarche environnementale. «Communiquer autour des petits gestes quotidiens, comme éteindre les ordinateurs et la lumière en partant le soir, permet de réaliser des économies substantielles, de l'ordre de 10% de la consommation d'énergie», explique-t-il. Et d'indiquer qu'en baissant le chauffage d'un degré, on peut par exemple économiser 7% sur la facture. Il préconise aussi de ne pas négliger les petits investissements, comme l'achat de lampes basse consommation que l'on peut amortir en deux ans.

Lutter contre les idées reçues

Pour un investissement plus lourd au départ, comme le chauffage, Arnoudeth Traimany estime que le retour sur investissement se situe «autour de 4 à 7 ans». Quant à la ventilation, l'installation de détecteurs de présence et d'une sonde de CO2 dans les salles de réunion permet de régler l'intensité en fonction des besoins. «On peut réaliser 30% d'économies sur la ventilation de la salle», insiste- t-il. Ce qui n'empêche pas d'installer aussi des stores extérieurs pour réduire les apports solaires et de pratiquer le «free-cooling» dans l'ensemble des bureaux, c'est-à-dire de permettre une ventilation naturelle la nuit en laissant les fenêtres ouvertes. Ainsi, diverses solutions existent pour limiter la consommation d'énergie dans les bureaux, très faciles à mettre en place pour de petites actions, plus onéreuses, bien sûr, pour des installations importantes. «Il est sûr que si l'on transforme un bâtiment lambda en bâtiment HQE, on empile des surcoûts, avance Patrick Nossent (Certivéa). En revanche, si l'on prend en compte cette question en amont, dès la programmation du bâtiment, des solutions beaucoup moins coûteuses existent.»

Contrairement aux idées reçues, des bâtiments neufs labellisés HQE ne coûtent pas forcément plus cher que des bâtiments classiques. Notamment parce que, comme le souligne Emmanuel Sauvage, président d'Artequation, filiale de CB Richard Ellis spécialisée dans la maîtrise d'ouvrage pour compte de tiers, «certaines dépenses peuvent être transférées d'un poste sur un autre par rapport à un bâtiment classique.» Par exemple, l'installation de peaux extérieures sur la façade peut être compensée par de très faibles dépenses de climatisation. Mais, prévient Emmanuel Sauvage, «il ne s'agit pas seulement d'une question de prix sur la facture énergétique: les économies sont en fait négligeables dans la mesure où elles ne représentent qu'un centième du coût locatif au mètre carré annuel payé par une entreprise.» En revanche, la valeur d'usage du bâtiment, elle, est primordiale. «Demain, un immeuble qui n'aura pas pris en compte le développement durable sera décoté», affirme Emmanuel Sauvage. Sans compter qu'une taxe pourrait bientôt être appliquée au x bâtiments tertiaires trop consommateurs d'énergie, comme le recommande le rapport présenté en janvier dernier par Philippe Pelletier, président de l'Agence nationale pour l'amélioration du logement (Anah). Face au défi énergétique, mieux vaut donc anticiper...

Le Bâtiment 270, à Aubervilliers, était le premier bâtiment tertiaire certifié HQE.

@ PATRICK SAGNES

Le Bâtiment 270, à Aubervilliers, était le premier bâtiment tertiaire certifié HQE.

zoom

Le Bâtiment 270 tient ses promesses
En 2005, le Bâtiment 270, à Aubervilliers, était le premier bâtiment tertiaire certifié HQE, affichant une performance énergétique supérieure aux exigences réglementaires. Aujourd'hui, se réjouit Serge Grzybowski, p-dg du promoteur Icade, «la facture énergétique est réduite de 30% pour nos clients par rapport à un immeuble équivalent, soit une économie de près de 7 Euros/m2/an au tarif actuel.» Des économies dues aussi à une exploitation performante. «Nous incitons nos locataires à mettre en oeuvre des bonnes pratiques quant à l'utilisation des locaux», précise Serge Grzybowski. Pour lui, les entreprises doivent «faire le choix de s'installer dans des bâtiments performants, mettre en place une gestion technique de l'immeuble au quotidien et définir un mode d'utilisation des locaux compatible avec les économies d'énergie.» Si la réduction de la consommation d'énergie permet de limiter les charges, elle évite aussi, à plus long terme, «des incertitudes sur l'évolution de ces charges en fonction des prix de l'énergie».

Le futur Green Office de Bouygues Immobilier. Les bâtiments produiront 64 kWh/m2/an et n'en consommeront que 61.

Le futur Green Office de Bouygues Immobilier. Les bâtiments produiront 64 kWh/m2/an et n'en consommeront que 61.

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Un immeuble de bureaux à énergie positive
La première pierre sera posée en octobre à Meudon (92), pour le lancement d'un vaste chantier de 23 000 m2 de bureaux atypiques: Bouygues Immobilier innove, en effet, avec ce concept de bureaux à énergie positive. Baptisé Green Office, le projet constitue un «véritable bijou technologique», selon Pierre Auberger, directeur général marketing, communication et développement durable de l'entreprise. Les bâtiments produiront 64 kWh/m2 par an et n'en consommeront que 61. Tout est conçu pour limiter la consommation: outre des murs plus épais, un large escalier arboré et lumineux incite à monter les étages à pied plutôt qu'en ascenseur. L'éclairage naturel est également favorisé dans les bureaux, d'une profondeur maximale de 13 mètres. Ici, pas de climatisation, mais «les ouvrants motorisés de la façade s'ouvriront automatiquement l'été pour bénéficier de la fraîcheur de la nuit, détaille Pierre Auberger. Quant aux toitures végétalisées, elles permettent non seulement de mieux s'intégrer dans l'environnement mais aussi d'isoler et de capter l'humidité afin de rafraîchir le bâtiment.»
Parallèlement, 5 000 m2 de panneaux photovoltaïques ainsi qu'une centrale à cogénération fonctionnant au bois seront mis en place. L'énergie produite sera revendue à EDF. «La construction du bâtiment coûte 15 à 20% plus cher qu'un immeuble classique et le loyer sera également plus élevé, mais plusieurs centaines de milliers d'euros seront économisées pour l'exploitation chaque année, assure Pierre Auberger. Et pour le locataire, le coût complet sera finalement équivalent.»

 
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Sophie Blirman

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