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Restauration collective: l'offre DIO se heurte à la réalité du marché

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Offre peu développée, marché faiblement structuré, produits onéreux... L'introduction du bio dans les cantines scolaires se heurte à de multiples obstacles. La solution passe par le développement d'actions concertées, afin de consolider la filière.

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@ FOTOLIA/RICHARD VILLALON

Au lycée Louis Lachenal d'Annecy (Haute-Savoie), les produits certifiés agriculture biologique (AB) figurent dans les menus des lycéens depuis déjà trois ans. «Au départ, l'objectif était de proposer quatre à cinq repas 100% bio dans l'année», se souvient Rachel Dujourdy ancienne responsable restauration de l'établissement, qui gère aujourd'hui ce service en régie autonome. Les difficultés d'approvisionnement, conjuguées au surcoût des produits (environ 20%), ont incité le lycée à revoir sa stratégie. «Pour ne pas déstabiliser la filière bio avec des commandes ponctuelles importantes, nous introduisons progressivement et régulièrement certaines gammes de produits. La première année, nous nous sommes limités aux aliments bio les plus disponibles sur le marché et simples à introduire en cuisine, tels que le pain, les yaourts et les fruits. Les crudités, féculents et légumes se sont, depuis, ajoutés à la liste», précise-t-elle.

L'exemple du lycée Louis Lachenal montre que l'introduction de produits bio en restauration scolaire nécessite une approche pragmatique. «Avec une croissance de 10% ces dix dernières années et 25% entre 2007 et 2008, la demande de produits bio en France atteint des volumes que les producteurs sont aujourd'hui incapables de satisfaire», rappelle Florence Dodet, chargée de mission chez Corabio, un réseau de coordination de l'agriculture biologique en Rhône-Alpes. Selon ce dernier, en France, l'agriculture bio ne représente que 2% de la surface agricole utile, soit la 21e position en Europe. Et même si la restauration scolaire constitue l'un des marchés les plus friands de bio, la part de celui-ci ne représente encore que 0,5% des aliments servis dans les cantines! Aussi, «pour adapter les pratiques d achats aux capacités de production de la filière bio, les gestionnaires doivent créer une relation de partenariat avec les fournisseurs en anticipant au maximum les commandes, et en mettant en place un approvisionnement concerté et planifié le plus tôt possible» résume Eric Grunewald, chargé de mission restauration collective à la Fnab (Fédération nationale de l'agriculture biologique)La Fnab et le groupement des agriculteurs bio d'Ile-de-France ont publié le guide Comment introduire durablement des produits biologiques en restauration scolaire?, disponible sur www.bioiledefrance.fr.. D'autre part, la Fnab et Corabio préconisent le recours aux aliments bio disponibles localement, plutôt qu'aux produits importés. «En privilégiant les produits à la fois bio et locaux, les collectivités optent pour des circuits courts et donc moins impactant pour l'environnement, et qui dynamisent V économie des filières régionales» analyse Florence Dodet. Une méthode qui bouleverse la programmation classique des repas. «Exit les commandes de tomates au mois de janvier, les établissements doivent apprendre à établir leurs menus en fonction de la saisonnalité des produits», renchérit Florence Dodet. Au vu de l'engouement pour le bio, les sociétés de restauration collective concédée se mettent au diapason. Exemple probant: pour fournir les écoles primaires de Saint-Etienne en produits bio de saison (lire ci-contre), Avenance Enseignement a noué un partenariat avec les producteurs locaux qui favorise les circuits courts d'approvisionnement.

Eric Grunewald (Fnab]

«Les produits bio ont une plus grande valeur nutritionnelle. Le grammage demandé peut donc être inférieur.»

Regroupement de producteurs

De leur côté, les producteurs emploient les grands moyens pour s'armer face à la croissance de la demande et, dans une certaine mesure, adapter leur offre aux exigences de la restauration collective. «Sous l'impulsion de la Fnab et du Grab, groupe de recherche en agriculture biologique, une vingtaine de plateformes de producteurs bio se sont fédérées ces dernières années: Manger Bio Champagne-Ardenne, Restaurant Bio Midi-Pyrénées, etc.», observe Eric Grunewald. Objectifs: mieux organiser la production, créer une offre visible avec une tarification claire et uniforme et, enfin, mutualiser la distribution, ce qui devrait aboutir à des économies d'échelle.

Autre initiative non négligeable: la mise en place de SCIC (sociétés coopératives d'intérêt collectif) regroupant les acteurs du marché (producteurs, transformateurs, collectivités territoriales, acheteurs, etc.). A travers ce mode de gestion participatif, l'offre et la demande peuvent ainsi se rencontrer et les professionnels plancher ensemble sur le développement d'un approvisionnement plus cohérent et rentable au sein d'un même territoire.

Myriam Ulmer, adjointe au maire chargé de l'Education, ville de Saint-Etienne

Myriam Ulmer, adjointe au maire chargé de l'Education, ville de Saint-Etienne

Autant d'actions qui pourraient, à terme, alléger le prix des produits bio, généralement plus élevé que ceux des aliments «conventionnels». Pour réduire davantage ce surcoût, la Fnab met également en avant un autre levier: la baisse des grammages exigés par les acheteurs. «Les produits bio ont une plus grande valeur nutritionnelle et peuvent donc être servis en quantité moins importante», rappelle Eric Grunewald. Une pratique complexe à adopter car elle nécessite, en amont, une sensibilisation du personnel de cuisine dans l'élaboration des repas. Preuve que l'introduction de produits bio modifie non seulement le contenu des assiettes mais aussi celui des cahiers des charges.

Témoignage
«Nous envisageons des repas 100% bio d'ici à 2014»

Miser sur une restauration scolaire plus saine et équilibrée, via des aliments de qualité issus de l'agriculture biologique (AB). C'est le pari relevé par la ville de Saint-Etienne. «Depuis la rentrée, nous collaborons avec Avenance Enseignement qui approvisionne nos écoles primaires, soit 45 restaurants scolaires, en produits à la fois bio et locaux, explique Myriam Ulmer, adjointe au maire en charge de l'Education et de la Petite Enfance à la ville. Nous privilégions les circuits courts, au détriment des aliments importés, pour assurer à notre démarche un caractère 100% développement durable.» Pour répondre aux besoins importants de la ville (2200 repas par jour), le client et le prestataire ont mis au point une démarche d'approvisionnement progressive. «Pour ne pas déstructurer la filière bio locale, seuls 50% de nos menus sont pour l'instant composés d'aliments certifiés AB, soit deux à trois composantes par repas, qui varient selon la saisonnalité des produits.» La viande bio reste pour l'heure exclue - le produit s'avérant peu disponible et très coûteux -, mais le pain certifié, lui, est présent tous les jours à la cantine. «Chaque année, la part des produits bio dans les assiettes augmentera de lu points pour atteindre 100% en 2014», explique l'adjointe à l'éducation. Si la mairie a déjà reçu des échos favorables des jeunes convives quant à la qualité de la nourriture servie, un autre élément suscite la satisfaction de leurs parents: le prix. «La concurrence étant très rude entre les candidats lors de l'appel d'offres, nous avons pu, en partenariat avec un cabinet spécialisé dans le marché alimentaire, négocier une réduction de 10% sur le tarif des menus.»

 
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Charles Cohen

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