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«Nous devons nous rapprocher encore plus du monde de l'entreprise»

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Alors que la réforme du code des marchés publics offre davantage de liberté aux acheteurs publics, Jean-Marie Héron, le nouveau président de l'Association des acheteurs des collectivités territoriales (AACT), insiste sur la nécessité de mieux connaître le tissu économique, afin que la fonction gagne en efficacité et en maturité.

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Quel est l'état d'esprit des acheteurs publics en pleine application de la réforme du code des marchés publics de janvier dernier?

Jean-Marie HERON: Globalement, cette réforme nous satisfait. Elle offre aux acheteurs des outils supplémentaires pour se professionnaliser et tendre vers l'efficacité économique. Je pense notamment au relèvement des seuils de 4000 à 20000 euros. Cette mesure permet non seulement d'accélérer la procédure, mais aussi de rendre efficace la commande publique. Sous ce seuil, les acheteurs bénéficient en effet d'une grande liberté, de négociation notamment. De très nombreux marchés sont concernés par cette évolution dans l'ensemble des collectivités locales. La conséquence de cette plus grande liberté est évidemment une responsabilité accrue de l'acheteur public.

Qu'entendez-vous par «responsabilité accrue de l'acheteur public»?

La plus grande liberté dont bénéficie l'acheteur pour organiser ses marchés en dessous de 20 000 euros n'abolit pas les règles. L'efficacité de l'achat public impose de préserver le tissu économique - local notamment - avec lequel les collectivités travaillent, dans leur grande majorité. La mise en concurrence des fournisseurs doit donc demeurer un principe. C'est cette concurrence qui, sur le long terme, garantit l'efficacité de l'achat. Autre exemple: la suppression de la double enveloppe confère aussi aux acheteurs une responsabilité supplémentaire. En effet, lors des commissions d'appels d'offres, il faut prendre garde à ce que les élus ne se focalisent pas seulement sur le prix, au détriment de la viabilité financière du fournisseur, du respect des critères techniques ou des conditions de délai. A charge pour l'acheteur de veiller à ce que ces préoccupations ne soient pas reléguées au second plan.

Tous les textes que vous attendiez ont-ils été publiés?

Pour le plan de relance et la réforme du code, oui. En revanche, les retards enregistrés dans la parution des nouveaux Cahiers des clauses administratives générales (CCAG) ont créé quelques problèmes sur le terrain. C'est notamment le cas pour le nouveau CCAG TIC (technologies de l'information et de la communication), qui était auparavant englobé dans le CCAG fournitures et services. Le précédent CCAG ayant été abrogé le 19 janvier dernier, beaucoup d'acheteurs se sont trouvés dans l'impasse pour leurs marchés informatiques et ont dû attendre la mise en vigueur du nouveau cahier [le 17 novembre, NDLR]. Néanmoins, je me félicite que les TIC fassent l'objet d'un CCAG à part entière. La montée en puissance de ce type d'achat nécessitait la définition de clauses actualisées et beaucoup plus pratiques que dans le précédent cahier, qui datait tout de même de 1977!

Avec la crise, les collectivités cherchent activement à réaliser des économies. Les budgets d'achats sont-ils concernés?

La recherche d'économies par les collectivités n'est pas une nouveauté, loin de là! Pour autant, l'actualité ne doit pas gommer une réalité: au moins 95% des collectivités ont une gestion budgétaire saine et un niveau d'endettement raisonnable. On ne devrait donc pas assister à une réduction drastique des budgets d'achats. Je pense, au contraire, que la majorité des communes, des départements et des régions continuent de garantir un bon niveau d'activité aux entreprises.

Vous avez annoncé dans nos colonnes la mise en place d'un Observatoire des indices des prix, réservé aux adhérents de l'AACT. A quelles problématiques répondra-t-il?

Dans de nombreux marchés publics, les indices de révision des prix sont obsolètes ou non tenus à jour. En conséquence, certains prix ne correspondent pas à la réalité économique, par exemple en cas de forte variation du cours des matières premières, comme cela s'est produit l'année dernière. Cet Observatoire tiendra informés les acheteurs sur les variations de prix dans les segments d'achats les plus courants: le bâtiment, la voirie ou les fournitures et services. Ils pourront ainsi actualiser leurs formules de révision de prix. C'est la garantie que la collectivité paye toujours le juste montant.

Vous avez évoqué la nécessité de «décloisonner» Tachât public. Qu'entendez-vous par là? La professionnalisation des achats est aujourd'hui en bonne voie et ce, malgré quelques lacunes qui restent à combler comme la reconnaissance des acheteurs dans le répertoire des métiers de la fonction publique territoriale. De plus en plus de collaborateurs sont aujourd'hui formés aux techniques propres aux achats et cela se caractérise par l'émergence de véritables politiques dédiées. Cela permet d'établir peu à peu des relations plus équilibrées avec les entreprises. Il reste cependant nécessaire de multiplier les contacts avec le monde professionnel, pour expliciter le mécanisme des marchés publics mais aussi mieux connaître le marché fournisseurs et ses potentiels. On ne peut pas bien acheter si l'on ne connaît pas le tissu économique! L'AACT s'est elle-même engagée dans cette démarche. L'an dernier, les associations professionnelles et les entreprises étaient conviées à participer à notre conférence annuelle et à débattre du thème «Environnement de l'achat public: convergences, divergences entre acheteurs et entreprises». Je suis favorable à leur présence dans nos débats. A terme, l'objectif est d'évoluer, autant que possible, vers des relations de partenariats.

Dans le même ordre d'idées, un rapprochement avec les associations d'acheteurs privés est-il souhaitable?

L'intérêt serait limité pour les deux parties. Nous partageons des techniques avec les acheteurs privés. Il est donc tout à fait envisageable d'échanger sur l'évolution des prix, par exemple. Mais nos finalités demeurent différentes. L'action de l'acheteur public s'inscrit dans une logique de recherche de l'intérêt général, qui se concrétise par le respect des grands principes de la commande publique: liberté d'accès aux marchés, mise en concurrence obligatoire, etc. Dans le privé, l'action des acheteurs reste gouvernée par la logique de rentabilité.

« La professionnalisation des achats est en bonne voie.»

« La professionnalisation des achats est en bonne voie.»

Biographie

Titulaire d'un DUT Transport etlogistique, Jean-Marie Héron, 48 ans, a débuté au sein du groupe André, en 1984. Il intègre le secteur public en 1993, comme responsable achats et approvisionnements de Châteauroux (Indre). Directeur des services techniques d'Etampes (Essonne) de 1999 à 2002, il occupe ensuite les mêmes responsabilités à Etréchy (Essonne) jusqu'en octobre dernier. Actuellement responsable des services techniques de Saint-Arnoult-en- Yvelines, il est membre de l'AACT depuis l'origine, et président de l'association depuis juin dernier pour un mandat de deux ans.

L'AACT

LAssociation des acheteurs des collectivités territoriales est une association de type loi 1901, créée en 1992. Elle a pour but de favoriser les échanges et les réflexions entre acheteurs des collectivités territoriales (communes, départements, régions et établissements publics territoriaux) en vue de favoriser le développement et la professionnalisation du métier d'acheteur public. Elle regroupe environ 700 entités publiques, dont 450 communes. LAACT propose également des formations à l'achat public.

 
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Florent MAILLER

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