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Les achats, une fonction-clé de l'écosystème

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Devant un parterre d'acheteurs du public et du privé, et de consultants, les spécialistes de la question achats se sont succédé pour dresser un portrait non exhaustif de la fonction, de ses enjeux et de ses défis à l'aube de 2013. RSE, gestion du risque fournisseurs, profil de l'acheteur de demain... sont autant de points abordés lors de cette journée de conférence achats qui s'est tenue le 11 décembre dernier à l'Hôtel International Scribe, à deux pas de l'Opéra de Paris.

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Acheteur? « Un métier merveilleux au coeur de l'entreprise et de la vie économique », résume dans un sourire Pierre Pelouzet, ancien directeur de la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France (Cdaf), et désormais Médiateur des relations inter-entreprises, lors d'une journée consacrée aux nouveaux enjeux et défis de la profession. Aujourd'hui, l'acheteur doit être chef de projet, savoir manager l'humain et ses fournisseurs, tout en jonglant avec les chiffres. Un rôle-clé que lui confère un contexte économique de plus en plus tendu où la maîtrise des coûts, et donc la recherche d'économies, est la préoccupation majeure des entreprises. Pour y parvenir, l'acheteur doit être créateur de valeur. Devenir un vrai business partner de ses clients internes et ne pas rester limité à son rôle de fonction support. Dans cette optique, l'acheteur de demain doit savoir manier à la fois les hard skills et les soft skills. De leur côté, les entreprises doivent apprendre à séduire les jeunes acheteurs et promouvoir la mobilité interne pour attirer les talents. Soit mener une politique RH de qualité pour une fonction qui commence à sortir de l'ombre. Pour Hugues Poissonnier de l'EM Grenoble, «l'acheteur a un double complexe: celui de son sentiment d'infériorité en interne et de supériorité vis-à-vis du fournisseur». Côté relations fournisseurs, les achats doivent miser sur un partenariat gagnant-gagnant et jouer la carte de la co-innovation à l'image du modèle «Prime» de Jean Potage. Autre axe de progrès: la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). «La fonction achats doit se saisir de cette opportunité», résume Nicole Notat, fondatrice de la société Vigeo, spécialisée dans la notation extra-financière. Car les achats ont un impact certain sur leurs fournisseurs et, par conséquent, sur le tissu économique du pays. Autant de défis que devra relever la profession...

Dans un contexte économique de plus en plus tendu, l'acheteur joue un rôle-clé. Pour y parvenir, il doit être créateur de valeur. Devenir un vrai business partner de ses clients interne et ne pas rester limité à son rôle de fonction support.

Crise, dépôts de bilan de PME, rupture des relations avec les sous-traitants, les sujets liés aux achats font la une de l'actualité chaque jour. « L'acheteur doit être au coeur de la stratégie de l'entreprise », ont martelé les intervenants au cours d'une journée de conférence «Regard à 360 ° sur la fonction achats», organisée par notre magazine, le 11 décembre dernier à Paris. L'acheteur joue, en effet, un rôle-clé dans le développement de l'économie. « Nous avons une vision transverse, interne et externe de l'entreprise. Nous occupons une fonction- clé de l'économie et, à ce titre, nous devons être des acheteurs responsables et prendre conscience de l'impact de nos actes sur l'écosystème », s'enflamme Pierre Pelouzet, ancien directeur de la Compagnie des dirigeants et acheteurs de France (Cdaf) et désormais Médiateur des relations inter-entreprises. « Nous, acheteurs, devrions être au centre du jeu, car nous nous trouvons sous le feu des projecteurs, comme l'a montré le rapport Gallois dernièrement. Or, nous sommes en train de rater ce virage et de nous laisser enfermer dans la vision que les autres ont de notre métier. »

@ ARNAUD OLSZAK

Pierre Pelouzet, Médiation des relations inter-entreprises

« Les acheteurs sont une fonction-clé de l'économie. A ce titre, les acheteurs responsables doivent prendre conscience de l'impact de leurs actes sur l'écosystème. »

Une fonction-clé de l'économie

Aujourd'hui, il est indéniable que la fonction achats a gagné en visibilité comme l'a rappelé Philippe Petit, manager de l'offre achats à la Cegos et codirecteur du mastère spécialisé executive achats à l'Ecole de Management (EM) de Grenoble. Cependant, des progrès restent à faire, car « si 53 % des directeurs achats appartiennent au Codir dans le monde, 70 % des acheteurs ne sont pas cités dans la stratégie de leur entreprise en France ». La fonction achats doit trouver sa place au sein des plans stratégiques de l'entreprise. Cela passe notamment par le fait de devenir un vrai business partner auprès de ses clients internes et ainsi ne pas rester limitée à son rôle de fonction support. « Il faut prendre le changement par la main, avant qu'il ne vous prenne par la gorge. La fonction doit évoluer dans ses missions vers des mandats transversaux », a avancé Jean-Jacques Richard, directeur achats de TNT Express France, lors de la table ronde intitulée «la fonction achats, une place stratégique au sein de l'entreprise». « La fonction achats doit montrer quelle peut apporter de la création de valeur à l'entreprise depuis qu'elle s'est séparée de la partie approvisionnement, a souligné, de son côté, Bruno Cracco, associé chez Logica Business Consulting. Elle a opéré un virage. Elle doit aller au-devant de ses partenaires. » Pour une montée en puissance de la fonction au sein de l'entreprise, il émet également la suggestion pour les acheteurs « d'adopter les indicateurs des autres fonctions de l'entreprise comme, par exemple, ceux de la vente ». Pour tendre vers ces nouvelles missions de transversalité et de création de valeur, les acheteurs doivent travailler sur leurs compétences opérationnelles et comportementales.

L'acheteur, manager de l'expertise

Soft skills ou hard skills? Le débat récurrent sur les qualités professionnelles indispensables aux acheteurs n'a pas manqué de ressurgir au cours de la journée. Etant donné les nombreuses formations dédiées aux achats et la professionnalisation avérée du métier, la question de l'acquisition des techniques métier semble enterrée. Philippe Petit, de la Cegos, résume bien le propos: « L'acheteur manage l'expertise, il ne doit pas être un expert. » Et Gaëlle Batoux, responsable achats division projets chez Siemens T&D, de renchérir: « J'attends de mes acheteurs de fortes compétences en communication afin qu'ils soient capables de convaincre en interne. Ils doivent être également aptes à manager une équipe de collaborateurs et faire preuve de leadership car ils travaillent désormais de manière décloisonnée. » La capacité d'adaptation constitue également un plus pour l'acheteur. Un point souligné par Mireille Colas, directeur adjoint au service des achats de l'Etat (SAE), qui a évoqué « la richesse d'adaptation des acheteurs publics fonctionnaires », qui, de ce point de vue, ont occupé des postes divers dans de nombreux univers. Hugues Poissonnier, économiste et docteur en sciences de gestion et professeur à l'EM de Grenoble, parle, lui, de double compétence: « Une compétence purement métier et une capacité relationnelle. » Le débat entre soft skills/ hard skills se déplace plutôt vers comment acquérir ces soft skills. S'enseignent-elles, sont-elles le fruit d'une expérience de terrain, sont-elles innées? Le débat reste ouvert. Mais la réponse semble être un amalgame des deux suggestions.

Jean Potage, Mat'Achat

« Avec mon modèle «Prime», mon objectif est d'aider les acheteurs à dépasser leur posture de cost killer afin qu'ils deviennent de véritables managers des ressources fournisseurs. »

Le double complexe de l'acheteur

Hugues Poissonnier parle du double complexe de l'acheteur: «D'un côté, il ressent un sentiment d'infériorité en interne et, de l'autre, il éprouve un sentiment de supériorité vis-à-vis du fournisseur. » Les relations fournisseurs, les enjeux de la responsabilité sociétale de l'entreprise (RSE) ou les nouveaux visages de la gestion du risque font, en effet, partie des interrogations quotidiennes du monde des achats. Les relations avec les fournisseurs doivent évoluer vers des relations partenariales de codéveloppement, de comanagement et partage des risques, etc. C'est à cette seule condition que l'innovation pourra émerger. Et de cette co-innovation, découlent les profits pour Jean Potage, dirigeant de Mat'Achat et ancien directeur achats de Tales. Ce dernier a présenté son modèle «Prime» (Purchasing relationship integrated model for entreprise), et plaidé pour une meilleure gouvernance et pilotage des ressources externes. «Avec «Prime», mon objectif est d'aider les acheteurs à dépasser leur posture de cost killer afin qu'ils deviennent de véritables managers des ressources fournisseurs. Ce modèle vise à les assister dans le pilotage d'un SRM (supplier ressources management) en combinant compétitivité, relation de confiance et objectif de croissance. » « Prime» se compose de six couches. Soit trois couches dites «basses», relatives au caractère comptable, transactionnel et contractuel de la relation fournisseur et trois couches, dites «hautes», dédiées aux aspects communication (marketing achats, lancement d'appels d'offres, etc.), politique (formalisation des règles d'achats) et valeurs de la relation fournisseurs (en termes de RSE, d'innovation, etc.). Si les couches basses sont bien maîtrisées par l'entreprise, les couches hautes, elles, sont négligées. Jean Potage milite pour que les achats deviennent la direction des ressources externes: « L'acheteur a un travail de chef d'orchestre, il n'est pas soliste de chacun des instruments. Au contraire, il sait tirer le meilleur parti de chacun des instruments. Au final, il y a ceux qui ont la partition dans la tête et ceux qui ont la tête dans la partition», énonce- t-il avec humour. Il s'agit donc d'intégrer les fournisseurs dans une vision stratégique des achats et plus globalement de l'entreprise.

Bernard Monnier, Monnier innovation Management

« Il faut arrêter de penser sous-traitant et réfléchir en termes de partenariat. »

Relations fournisseurs: vers «l'innovation ouverte»

«Il faut arrêter de penser sous-traitant et réfléchir en termes de partenariat», répète à l'envi Bernard Monnier, président de Monnier innovation Management. Une démarche inscrite dans un partenariat gagnant-gagnant. Zoé Sebbag, acheteur industriel chez Leo Pharma, le confirme: «Il faut susciter l'intérêt des fournisseurs tout en s'appuyant sur leur réflexion. » De son côté, le président de Monnier innovation Management plaide pour «l'open innovation». Cette innovation ouverte consiste à aller chercher des idées nouvelles au sein du tissu des TPE-PME, mais également dans des centres de recherche, des universités ou des fondations. Comment partager les mêmes objectifs et enjeux entre TPE-PME et grands groupes? Comment fédérer les communautés? Et surtout comment mieux communiquer? Pour cela, il propose son outil MIM® (Monnier Innovation Matrix), élément de mesure de la maturité d'innovation. « Les achats doivent être proactifs avec ce genre d'outil pour guider les communautés Recherche et Développement. Même si innover est aujourd'hui davantage un élément de survie que de croissance », concède Bernard Monnier.

Sophie Pralong-Richy, RH au département valorisation achats et logistique à la RATP

Sophie Pralong-Richy, RH au département valorisation achats et logistique à la RATP

Trois questions à ... La Génération Y est à la recherche de compagnonnage

Quel est le profil des jeunes acheteurs que vous recrutez?
Aujourd'hui, la fonction achats de la RATP est mature, grâce à la création d'une cellule d'experts constituée il y a dix ans. On observe cependant des différences dans les profils des acheteurs. Certains services, à l'instar des achats généraux, l'informatique et les télécoms, ont, en effet, privilégié ces dernières années l'embauche massive de jeunes acheteurs. Car historiquement, il subsiste une population achats axée sur la technique, en raison du coeur de métier de la société. Si les compétences techniques restent nécessaires, les enjeux actuels imposent d'enrichir les profils d'embauche.


Quel parcours de carrière proposez-vous aux acheteurs au sein de l'entreprise?
Nous élaborons actuellement une offre de formation adaptée à nos acheteurs. Par ailleurs, nous travaillons également sur leur parcours au sein de la filière achats. Un parcours motivant et valorisant sur une période de dix à quinze ans pour les fidéliser. Nous leur proposons, en sortie de parcours, des postes de chefs projets, de contrôle de gestion/finance ou des postes opérationnels en maintenance ou exploitation. En parallèle, nous cherchons à promouvoir leur mobilité.


Comment les ressources humaines perçoivent-elles l'arrivée de la génération Y sur le marché du travail?
L'arrivée de cette génération sur le marché du travail, jugée comme instable professionnellement et peu encline à adhérer aux valeurs de l'entreprise, perturbe les professionnels. Ces jeunes acheteurs, nés dans les années 1990, reconnaissent avant tout le leadership et la compétence dans le monde du travail. Ces jeunes professionnels seraient intéressés par un «compagnonnage» afin que les managers puissent leur transmettre leurs valeurs.

Des achats responsables de leur écosystème

Dernier axe de réflexion pour les achats: la RSE. Si l'achat auprès du secteur protégé (ESAT et EA) semble aujourd'hui répandu, des décrets comme celui du 1er août 2012 en faveur du handicap ou l'apparition de la norme ISO 26000 vont donner un coup d'accélérateur aux achats responsables. « Le défi est avant tout de montrer que les achats responsables peuvent participer à la performance économique et ne se résument pas à une simple bonne action », tance Lorène Lion, responsable achats solidaires au sein de BPCE achats.

@ MICHEL LABELLE

« Il existe un certain consensus sur la RSE. Ainsi, en même temps qu'une entreprise fait des bénéfices, elle mesure ce que font ses parties prenantes, résume Nicole Notat, fondatrice de la société Vigeo, spécialisée dans la notation extra-financière. Aujourd'hui, l'entreprise ne peut pas durablement grandir si elle ne permet pas à son écosystème de grandir ave elle », poursuit-elle en reprenant à son compte les propos de Franck Riboud, p-dg de Danone. La fonction achats doit se saisir de cette opportunité et ainsi prévenir le risque d'image de l'entreprise. « Il y va de la survie des PME mais également du problème de la compétitivité française. »

Bruno Cracco, Logica Business Consulting

« La fonction achats doit montrer qu'elle peut apporter de la création de valeur à l'entreprise depuis qu'elle s'est séparée de la partie approvisionnement. »

ZOOM. Les démarches d'achats responsables sont désormais récompensées par le label «Relations Fournisseurs Responsables»

Signer la Charte des bonnes pratiques entre grands donneurs d'ordres et PME, c'est bien. Etre reconnu et labellisé pour sa démarche d'achats responsables, c'est mieux. Ainsi, la Médiation des relations inter-entreprises vient de lancer un label d'Etat baptisé «Relations Fournisseurs Responsables» pour valider la mise en application des dix principes définis par la Charte. L'organisme Vigeo, spécialisé dans la notation extra-financière, sera chargé d'auditer les entreprises désireuses d'obtenir ce label. Enfin, un jury d'attribution, composé de personnes de la Médiation, de la Cdaf et de représentants de petites et grandes entreprises, décidera de l'attribution du label. Ce dernier est valable trois ans. Pour Pierre Pelouzet, ancien président de la Cdaf et nouveau Médiateur des relations inter-entreprises, « ce label sera difficile à obtenir mais il prouvera vraiment un engagement de mise en oeuvre sur le terrain au-delà de la signature de la charte ». De plus, « cette démarche va également permettre aux achats de connaître quels sont leurs points forts et leurs points faibles, et de définir ainsi des axes de progrès », précise Nicole Notat, de la société Vigeo. Les sociétés Legrand, Société Générale, Thales et SNCF ont été es quatre premières entreprises à recevoir ce label le 20 décembre dernier. La Société Générale, signataire de la Charte dès 2010, a notamment été récompensée pour la nomination d'un médiateur interne, ou la sensibilisation de l'ensemble de ses acheteurs ainsi que des donneurs d'ordres à la RSE et à la Charte. Ainsi, les aspects environnementaux et sociaux ont été pris en compte au sein de l'entreprise Legrand dans 'évaluation des fournisseurs.

 
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Marie-Amélie Fenoll

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