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Les PME s'intéressent davantage aux marchés publics

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Le plan de relance de l'économie stimule l'intérêt des petites et moyennes entreprises pour la commande publique, dont les procédures s'assouplissent. Mais des obstacles d'ordre pratique entretiennent les idées reçues.

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Cinq minutes chrono pour présenter son business à un parterre d'acheteurs de la Ville de Paris et de ses satellites (bailleurs sociaux, établissements publics locaux...). En mai dernier, la municipalité organisait un «speed dating» ouvert à une vingtaine de PME, sur le thème des «matériaux innovants». L'événement était copiloté par le comité Richelieu, l'un des promoteurs du Pacte PME, dont l'objectif est de faciliter les relations entre les petites entreprises innovantes et les grands comptes. Paris a adhéré au programme en janvier 2008, au même titre que plusieurs ministères, hôpitaux ou communes. «Il y a six mois, un premier «speed dating«s'était déroulé sur le thème des éco-constructions, explique l'adjoint en charge du développement économique, Christian Sautter. Vingt-deux entreprises y avaient participé, ce qui avait débouché pour elles sur 40 contacts approfondis, susceptibles d'aboutir à des marchés.» Pour la Ville, ce soin accordé aux PME est motivé par la sauvegarde de l'emploi. «En 2008, les 400 millions d'euros de marchés réalisés auprès de 6 500 PME ont participé au maintien de 4 000postes de salariés», assure l'ancien ministre des Finances.

Ces derniers mois, les dispositifs anti-crise ont placé les PME, qui représentent près de 60 % des emplois en France, au coeur des préoccupations. Le plan de relance du gouvernement prévoit ainsi d'injecter près de 10,5 milliards d'euros dans l'économie, notamment dans la réalisation de grandes infrastructures (écoles, routes, rénovation urbaine...). Une manne à laquelle il faut ajouter près de 4 milliards mis sur la table par les grandes entreprises publiques telles que la SNCF ou la RATP. La commande publique est en première ligne, elle qui participe largement à l'activité des petites et moyennes entreprises, en passant plus de la moitié de ses contrats auprès des PME (lire tableau p. 56).

De plus, le toilettage du code des marchés publics, en début d'année, simplifie les procédures pour accélérer le processus de commande. Des marchés conclus rapidement permettraient de muscler la trésorerie des entreprises. Le relèvement de 4 000 à 20 000 Euros des seuils des marchés pouvant être attribués sans mise en concurrence est une mesure qui cible spécifiquement les petites sociétés. Enfin, en début d'année, la loi de modernisation de l'économie (LME) a inauguré plusieurs dispositifs comme l'alignement annoncé de tous les pouvoirs adjudicateurs relevant du code des marchés publics (hors hôpitaux) sur des délais de paiement à 30 jours.

Christophe Carles, conseil général du Cher

«Les acheteurs ont conservé une tradition et une conception juridiques de l'achat, où le contact avec l'entreprise n'est pas naturel.»

Ballon d'oxygène

Pour le gouvernement, l'addition de ces mesures doit apporter un ballon d'oxygène aux petites entreprises, marquées par l'essoufflement de l'économie. «On sent que ça frémit du côté des donneurs d'ordres, témoigne Juan-Carlos Ceron, p-dg du groupe éponyme (16 salariés), spécialisé dans les systèmes de sécurité embarqués, qui réalise plus des trois quarts de son chiffre d'affaires dans le secteur public (RATP, préfecture de police...). Je prospecte actuellement du côté des grandes entreprises publiques, comme la SNCF, où les commandes se débloquent. Globalement, on sent plus d'écoute qu'auparavant de la part des acheteurs.» Il se réjouit également de la possibilité pour certains pouvoirs adjudicateurs de verser un acompte représentant jusqu'à 20% du montant du contrat. «Cette mesure, ainsi que la réduction des délais de paiement, a un impact réel sur notre besoin en fonds de roulement, insiste-t-il. D'autant que la personne publique noue des contrats dans la durée, de trois ans en général, contre un ou deux années quand il s'agit d'une entreprise.»

Malgré cette «dot», les relations entre acheteurs publics et PME s'apparentent encore à une union de raison plus qu'à un mariage d'amour. «Il existe un vrai problème de pédagogie de part et d'autre, analyse Christophe Carles, chef du service achats du conseil général du Cher. Côté acheteurs, nous avons conservé une tradition et une conception juridiques de l'achat où le contact avec l'entreprise n'est pas naturel. Ce qui est désormais tempéré par l'affirmation de la dimension économique de l'achat public. Nous allons voir émerger de réelles politiques de gestion de la relation fournisseurs, avec un volet PME.» Du côté des PME, les idées reçues sur la lourdeur des procédures ou le «copinage» dans l'attribution des marchés restent vivaces. «Mais le plan de relance modifie la donne, constate Aurélien Tourret, cogérant de Canéva, une entreprise qui fournit aide et assistance aux PME pour répondre aux marchés publics. Les débouchés commerciaux dans le secteur public ne peuvent être ignorés.»

D'autant que les initiatives pour briser la glace entre les deux parties se multiplient. Outre le Pacte PME et ses initiatives comme le «speed dating», Oséo, l'établissement public chargé de soutenir l'innovation et la croissance des PME, a créé en 2008, dans la foulée du rapport Stoléru, son «Club de la commande publique». «Il s'agit d'aider les PME à trouver des marchés et les accompagner pour répondre aux appels d'offres publics, détaille Stéphane Biardeau, responsable du développement et du financement court terme d'Oséo. La première réponse à un marché public reste compliquée aux yeux des PME.»

Marc Falize, AACT

«Certaines pratiques des pouvoirs adjudicateurs excluent, de fait, les PME des marchés publics, même s'il n'y a aucune volonté de leur part en ce sens.»

Les initiatives publiques se multiplient

De leur côté, certains acteurs publics ont pris des initiatives spécifiques. Le ministère de la Défense, l'un des poids lourds de l'achat public (16 milliards d'euros d'achats annuels), a ainsi ouvert une cellule PME-PMI, à la fin 2007. Objectif: régler les litiges, offrir du conseil ou détecter de nouveaux fournisseurs. Elle emploie désormais six personnes à temps plein. Dans les différentes régions, des initiatives, même isolées, fleurissent. A Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), la municipalité organise depuis trois ans une rencontre annuelle avec les PME et TPE de la ville, pour leur détailler les subtilités de l'achat public, en partenariat avec la chambre de commerce et d'industrie ainsi que la chambre des métiers. Quant aux portails de dématérialisation mutualisés, comme ceux mis en place par les régions Bourgogne et en Bretagne, ils offrent un point d'entrée unique vers une myriade de marchés.

Alors que reste-t-il à faire pour mettre de l'huile dans les rouages? Les praticiens relèvent encore plusieurs points de blocage. «Le premier problème pour une PME est de repérer les annonces de marchés publics, note Aurélien Tourret (Canéva). Il existe plus de 8000 sites! Ce travail est chronophage, d'autant que les annonces sont éparpillées, notamment celles inférieures 90 000 Euros.» C'est l'une des premières tâches que sa société effectue pour le compte de ses clients, en s'appuyant notamment sur un prestataire de veille spécialisé. Mais l'abonnement auprès d'un tel prestataire ne suffit pas, à en croire le directeur commercial de SVP Transport, une PME de 40 salariés, qui réalise 10% de son chiffre d'affaires avec le secteur public: «Nous recevons tous les jours une veille avec le mot-clé «transport», explique Pascal Poussineau. Il est facile d'obtenir des informations sur les marchés supérieurs à 90 000 Euros, même si la nomenclature des mots-clés peut différer d'une entité à l'autre. Cependant, les petits marchés, qui m intéressent aussi, sont difficiles à détecter. Nous devons prospecter pour nous tenir au courant.» Son entreprise procède selon une méthode éprouvée. «Après avoir obtenu un marché avec une CPAM, nous avons prospecté auprès des autres caisses. Nous avons appliqué la même méthode avec les CCI» Christophe Carles (Conseil général du Cher) comprend les difficultés pratiques rencontrées par les PME. Mais «on ne peut pas dépenser des fortunes en publications, rappelle-t-il. Cela reste aléatoire en dessous de 90 000 Euros. Cela suppose aussi que la PME consacre des moyens pour rechercher les avis de consultation.»

Des pratiques excluant de fait les PME

Conscient de ces difficultés, l'Observatoire économique de l'achat public (OEAP) a publié l'an dernier un «guide des bonnes pratiques de l'accès des PME aux marchés publics». L'Association des acheteurs de collectivités territoriales (AACT), à travers la voix de Marc Falize, constatait alors que «certaines pratiques des pouvoirs adjudicateurs excluent, défait, les PME des marchés publics, même s'il n'y a aucune volonté de leur part en ce sens.» Trois pratiques relativement courantes se révèlent, selon l'AACT, pénalisantes pour les opérateurs économiques, particulièrement pour les plus petits d'entre eux. La première est le manque de précision des avis de publicité. L'exemple type est celui des marchés de restauration collective. «Il arrive que le nombre de repas à fournir ne soit pas indiqué», précise Marc Falize. Il faut donc «accorder un soin particulier à la rédaction des marchés, insiste-t-il. L'analyse du besoin conditionne la réussite de la procédure.» Le faible nombre de marchés autorisant les variantes, en plus de l'offre de base, est un deuxième obstacle à l'accès des PME à la commande publique. Cela empêche des entreprises innovantes de montrer leur savoir-faire et d'offrir des alternatives aux acheteurs. Enfin, l'élaboration d'études, surtout en cas de dialogue compétitif, génère des frais pour les entreprises. «Il serait normal d'indemniser les candidats non retenus, juge Marc Falize. Sinon, le coût des études effectuées peut les dissuader de répondre à des marchés publics.» Autant de facteurs que les acheteurs publics doivent encore apprendre à tenir compte.

zoom

interview

«Les réformes bénéfcient aux PME»


Selon Frédéric Grivot, vice-président de la CGPME, les effets du plan de relance, combinés à la réforme du code, vont bénéficier aux PME. Il estime néanmoins que la simplification pourrait aller plus loin.


Le plan de relance et la réforme du code bénéficient-ils aux PME?
A terme, il n'y a pas de doute. Mais les effets positifs ne se font pas encore entièrement sentir. Par exemple, les marchés publics lançant les grands travaux d'infrastructure ne sont pas encore signés car les procédures sont toujours en cours. Cela devrait commencer à se concrétiser vers la fin de l'année. Quant à la mesure relevant les seuils à 20 000 Euros, elle devrait profiter aux PME, puisque celles-ci représentent une grande majorité des fournisseurs des collectivités territoriales.


Quels problèmes majeurs rencontrent les PME dans les marchés publics?
J'en relève trois principaux. D'abord, la majorité des PME sont de très petite taille: 90% d'entre elles comptent moins de 50 salariés. En conséquence, leur chiffre d'affaires apparaît souvent comme pas assez «sécurisant» pour les donneurs d'ordres, car il peut être inférieur au montant du marché. Les acheteurs refusent, donc, de prendre le risque de travailler avec ces petites structures. Ce constat est encore plus vrai lorsque vous n'avez pas de référence client dans le public. Pour casser ce cercle vicieux, le groupement d'entreprises me semble être une bonne solution à condition de surmonter deux écueils. Côté donneurs d'ordres, trop d'appels d'offres interdisent encore ces groupements, alors que le code les encadre. Et, côté entreprises, peu de démarches sont menées dans ce sens. Certes, les formalités sont lourdes. Mais ces PME ont tout à gagner en nouant ce «mariage» temporaire. Le deuxième problème rencontré par les PME concerne la dématérialisation. Elle pourrait permettre d'accélérer le processus de commande publique, mais elle reste incomplète. Certes, on peut télécharger les dossiers de consultation des entreprises (DCE). Mais c'est une véritable gageure de récupérer tous les documents administratifs nécessaires pour une réponse électronique. Et même si la réponse papier reste lourde, elle est finalement plus sécurisante. Enfin, dans le même ordre d'idées, la simplification de la réponse doit encore progresser: l'entreprise qui répond doit systématiquement présenter les mêmes documents administratifs, même si elle a déjà remporté des marchés dans le passé avec cette personne publique. Pourquoi ne pas demander ces documents une seule fois?


Les clients publics sont-ils attractifs pour une PME?
Il est vrai que les lourdeurs administratives peuvent être décourageantes. Mais la clientèle publique est attractive. En effet, les petites entreprises n'ont pas besoin d'élaborer une véritable politique commerciale pour le secteur public: il suffit de répondre aux critères du marché pour candidater. De plus, les cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) sont généralement très précis: cette rigueur technique évite les mauvaises surprises et les brusques changements que l'on peut rencontrer avec des entreprises. Enfin, la garantie d'être payé est un avantage certain.

 
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Florent Maillet

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