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La percée des agences d'intérim en matière de recrutement

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Depuis deux ans, les agences d'intérim peuvent proposer des postes en CDD ou CDI. Une nouvelle donne dont pourraient bien profiter les services achats en faisant jouer la concurrence entre les agences elles-mêmes et les traditionnels cabinets de recrutement.

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Après l'achat d'intérim, les relations difficiles, pour ne pas dire houleuses, entre les acheteurs et les entreprises de travail temporaire (ETT) vont-elles se poursuivre sur le marché du recrutement? Le vote de la Loi de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, il y a deux ans, a mis fin au monopole de l'ANPE. Les ETT font aujourd'hui également office de cabinets de recrutement. Depuis longtemps déjà, les mastodontes du circuit, Adecco, Vediorbis et Manpower, avaient gommé le mot intérim de leur logo, à connotation trop précaire. Ce changement de législation a donc été une aubaine pour le travail temporaire. Création d'agences, réorganisation des CVthèques, opération de séduction aux portes des écoles... Tout s'est réorganisé. En 2006, près de 26 500 salariés français ont trouvé un emploi par le biais d'une agence d'intérim, d'après le syndicat des entreprises de travail temporaire, rebaptisé en juin 2006 Prisme (pour «professionnels de l'intérim, des services et des métiers de l'emploi»). Les nombreuses PME de la profession ne sont pas en reste et participent au résultat global des placements, à hauteur de 11 %, toujours selon le Prisme. Cette nouvelle donne sur le marché du recrutement ne peut que faire réfléchir les acheteurs tant le poste représente un enjeu financier significatif pour l'entreprise. En 2006, le chiffre d'affaires des adhérents du Prisme aurait crû de 7 à 7,5 %. De ce fait, les sociétés de travail temporaire ont elles-mêmes fortement recruté en interne pour faire face à cette nouvelle activité. Manpower, par exemple, annonce une hausse de son chiffre d'affaires de 8,4 % par rapport à 2005. Résultat: l'enseigne a embauché 200 consultants dédiés à l'activité recrutement.

Tendance

Les PME régionales, nouvelles cibles des ETT en matière de placement

Selon le Prisme, 72 % des postes pourvus en 2006 par le biais des entreprises de travail temporaire (ETT) sont localisés en province. Par ailleurs, 56 % des recrutements ont été effectués dans des établissements de moins de 50 salariés (contre 41 % en 2005). Pour le syndicat de la profession, il ne fait pas de doute que l'avenir de l'activité de placement se situe à ce niveau.
«Ces chiffres s'expliquent tout d'abord par la bonne implantation locale de la profession qui, avec ses 6500 agences et ses 22000 salariés permanents, assure un maillage serré du territoire et propose une offre de conseil en recrutement à un grand nombre d'entreprises régionales, avance le Prisme. Les professionnels, disposant d'une connaissance fine du marché du travail et des bassins d'emploi, maîtrisant la pratique du recrutement, sont idéalement placés pour favoriser localement l'offre et la demande.»
Les entreprises de moins de 20 salariés enregistrent la plus forte évolution du nombre de personnes recrutées entre 2005 (21 %) et 2006 (35 %). «L'offre des ETT est particulièrement adaptée aux PME qui n'ont généralement pas la taille critique pour se doter d'un département RH, reprend le Prisme. Elles éprouvent souvent des difficultés à attirer des savoir-faire, notamment en raison de l'offre des cabinets de recrutement qui est inadaptée à leurs besoins». Restera à convaincre les services achats des PME régionales qui en sont déjà dotées.

Définition

LE PLACEMENT, C'EST QUOI?
La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a élargi le champ d'action des entreprises de travail temporaire (ETT). Elles peuvent désormais exercer des activités dites «de placement». L'article L 310-1 du Code du travail définit le placement comme «la fourniture de services qui vise à rapprocher les offres et les demandes d'emploi sans que celui qui assure cette activité ne devienne partie dans les relations de travail susceptibles d'en découler». Le placement comprend deux activités: le recrutement pour le compte d'entreprises et l'accompagnement et le placement de demandeurs d'emploi financés par le service public de l'emploi ou par les collectivités territoriales.

Des prestataires comme les autres

Sur le marché de l'intérim, les ETT ont très mal vécu l'intervention des acheteurs. «Nous n'avons plus de grains à moudre!», déclarait il y a quelques années le dirigeant d'une célèbre enseigne de travail temporaire. L'intérim est, en effet, l'une des premières prestations RH sur laquelle se sont penchés les acheteurs afin de réaliser des économies. Cahiers des charges plus précis, concurrence exacerbée entre les agences, appels d'offres via des enchères inversées, etc. Les techniques d'achats ont considérablement réduit les marges des ETT en matière d'intérim. Le recrutement est une nouvelle opportunité de développer le chiffre d'affaires des ETT qui ne se trouvent pas pour autant affranchies de l'intervention des acheteurs. Certes, les directions achats sont peut-être moins présentes sur le marché du placement que sur celui de l'intérim. Le recrutement reste en effet la chasse gardée des directions des ressources humaines. Toutefois, dans certaines entreprises, les achats interviennent pour négocier des contrats lorsque les besoins en termes d'embauchés sont récurrents. Et sur ce point, les ETT représentent des fournisseurs comme les autres, au même titre que les traditionnels cabinets de recrutement. Moins cotées, les ETT disposent néanmoins d'atouts, comme leur savoir-faire reconnu et leur forte réactivité, qui leur permet bien souvent d'agir plus rapidement que les cabinets de recrutement. Surtout, elles facturent leurs prestations et s'adressent aux entreprises qui, jusque-là, n'avaient pas recours à elles. Les agences d'intérim rapprochent, en effet, les offres des demandes d'emploi qui leur sont transmises. Quand il y a un placement effectif, le contrat est directement conclu entre le candidat et l'entreprise recruteuse. Une pratique différente de l'intérim, où le contrat est conclu entre l'intérimaire et la société de travail temporaire.

Enfin, avec plus de 6000 agences sur le territoire, la profession revendique une proximité géographique vis-à-vis des entreprises et une excellente connaissance des métiers et des bassins d'emplois. Son travail en réseau la place édéalement pour réduire la pénurie de compétences que déplorent certains secteurs d'activités. Son argument? Son vivier important de candidats. Un réservoir qui est loin de se limiter aux banques de données strictement locales, mais qui s'alimente via les réseaux internes et l'attractivité des mises en candidature remontées via Internet.

L'activité placement en chiffres pour l'année 2006

26500 recrutements ont été effectués en 2006 par 146 ETT.
90 % d'entre eux ont été réalisés par les grandes entreprises du secteur.
56 % des recrutements concernent des entreprises de moins de 51 salariés.
6500 agences de travail temporaire en France - 22000 salariés permanents.
Plus de 770 entreprises de travail temporaire spécialisées dans le secteur industriel.
61 % des recrutements effectués dans le tertiaire, dont 44 % dans le secteur des services.
38 % des recrutements concernent des ouvriers, 23 % des employés, 22 % des techniciens ou agents de maîtrise et 17 % des cadres.
70 % des postes sont des CDI.
68 % des recrutés ont moins de 35 ans.
60 % des prestations réalisées par les agences concernent l'évaluation préalable des candidats.

Attirer l'attention...

Les ETT sont-elles des fournisseurs crédibles en matière de recrutement par rapport aux cabinets traditionnels? Quels secteurs d'activités sont concernés? Sont-elles compétentes pour recruter tous types de collaborateurs? Les questions des acheteurs ne manquent pas. Les ETT essayent, pour leur part, de trouver leur place dans ce paysage. Les enseignes, du moins les majors, investissent tous les segments du marché, qu'il s'agisse de secteurs d'activités ou de compétences particulières. Cela dit, l'offre des ETT concerne d'avantage les ouvriers, employés, secrétaires, techniciens... à qui elles souhaitent proposer un service équivalent à ceux dont pourraient bénéficier les cadres par le biais des cabinets de recrutement. «Le ciblage des candidats se fait par corps de métiers et secteurs d'activités, explique Marc Hatchadourian, chef d'agence chez Adecco. Ce que veulent les entreprises aujourd'hui, c'est un avis d'expert en ressources humaines. Le placement est un outil complémentaire que nous leur offrons.»

Pour séduire les acheteurs en particulier en province, certaines enseignes parient sur une présence locale. «Le travail temporaire était déjà un métier de recrutement et d'analyse de poste, relève Françoise Thuel, responsable de Joblink, agence basée à Marseille. Avec la fonction placement, les entreprises attendent un service plus approfondi. Dans ce schéma, et avec Internet qui rend moins utiles les gros fichiers de candidats, les enseignes locales peuvent trouver leur place.»

D'autres enseignes préfèrent se spécialiser dans un domaine pour répondre à la demande précise de certains services achats. Par exemple, Quick Médical Services (QMS) a anticipé l'évolution du marché en rachetant, en 2003, un cabinet de recrutement pour les cadres de la santé. Pour Françoise Lesage, directrice commerciale de QMS sur Paris, la plus-value des enseignes spécialisées tient à leur expertise acquise sur le terrain. «Nous pouvons, bien sûr, répondre à l'urgence mais aussi réussir des recrutements de fond a long terme», tient à rappeler Françoise Lesage.

... et convaincre les acheteurs

Cela suffit-il a convaincre les acheteurs de recourir aux services des entreprises de travail temporaire pour recruter? Pas si sûr. Aux AGF par exemple, on ne change rien, en utilisant l'intérim seulement pour sa valeur intrinsèque. «Nous travaillons avec plusieurs enseignes, explique Véronique Teulon, acheteuse de prestations intellectuelles. Mais, en matière de recrutement, leurs offres ne sont pas suffisamment compétitives à ce jour.»

Si les cabinets de recrutement estiment qu'ils ne jouent pas dans la même catégorie, les ETT rétorquent qu'il s'agit juste de capter des marchés délaissés. Parce qu'elles ne disposent pas toujours d'un service RH et qu'elles n'ont pas les moyens de s'offrir les services d'experts, les PME sont notamment convoitées. «Certaines PME ont peur des cabinets de recrutement et des chasseurs de têtes, souligne Chantai Baudron, du cabinet de recrutement et chasseur de têtes de profils de haut niveau Chantai Baudron SAS. Si concurrence il y avait, elle porterait plutôt sur le middle management.» Aux acheteurs d'en jouer et d'en tirer profit.

Marc Hatchadourian, Adecco

«Ce que veulent les entreprises aujourd'hui, c'est un avis d'expert en ressources humaines. Le placement est un outil complémentaire de notre offre.»

 
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Carole Rhule

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