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Des partenariats public-privé plus attractifs

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Depuis 2004, seuls 28 contrats de partenariat public-privé ont été signés. Pour relancer l'investissement public, le gouvernement veut rendre ce type de contrat plus incitatif grâce à deux nouvelles voies de recours et une réforme fiscale.

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Un nouveau départ pour les contrats de partenariat public-privé? Le projet de loi visant à simplifier et stimuler cet outil de la commande publique devrait être voté au plus tôt cet été. Pour doper la croissance, Nicolas Sarkozy avait estimé, en octobre dernier, qu'il était nécessaire de relancer l'investissement public, en complément des mesures destinées à renforcer le pouvoir d'achat ou la compétitivité des entreprises. En l'absence de marges de manoeuvre financières publiques, le contrat de partenariat offre, du moins en apparence, de larges perspectives. Son principe est d'associer des acteurs publics (services de l'Etat, collectivité locale) à un investisseur ou un constructeur privé, qui prend en charge le financement, la conception ainsi que la maintenance ou l'exploitation de l'ouvrage public. Une fois celui-ci réalisé, la personne publique peut en jouir et rembourse l'investisseur privé sous forme de loyers, en général annuel. Au terme du contrat, les loyers cessent et les équipements réalisés dans le cadre du contrat reviennent, en principe, à la personne publique à titre gratuit. Créé par une ordonnance de 2004, le contrat de partenariat complète ainsi la «boîte à outils» de l'acheteur public, au côté des marchés publics ou des délégations de service public (DSP).

Présenté le 13 février 2008 en conseil des ministres, le projet de loi propose notamment un double toilettage de l'ordonnance de 2004. D'abord en élargissant les possibilités de recours au contrat de partenariat public-privé (PPP). Ensuite en rendant le régime fiscal plus attractif. «Il s agit de faire de ce contrat un instrument qui trouve pleinement sa place dans la commande publique, et non plus un simple outil d'exception», expliquait alors Christine Lagarde, rapporteur du projet de loi. La ministre de l'Economie faisait ainsi référence au faible nombre de PPP signés depuis 2004: seulement 28, dont 21 concernent les collectivités locales (lire infographie ci-contre). Selon elle, la complexité du projet ou le régime fiscal, moins avantageux que pour les délégations de service public, ont empêché les acheteurs publics de se l'approprier. Elle fait ainsi écho à l'un des plus zélés promoteurs des PPP, Hervé Novelli. Le secrétaire d'Etat aux Entreprises avait appelé cette loi de ses voeux dès 2007, en affirmant que «le bilan modeste des PPP doit être remis en cause pour qu'il soit beaucoup plus à la hauteur des objectifs et des ambitions de la puissance publique». Il soulignait également que cet outil devait permettre de «financer de grands équipements qui n'auraient pu l'être autrement dans un contexte de disette financière.»

Hervé Novelli, secrétaire d'Etat aux entreprises

«Les PPP sont un moyen de financer de grands équipements qui n'auraient pu l'être autrement.»

Plusieurs secteurs concernés

Afin de doper les PPP, le gouvernement souhaite ajouter deux nouveaux critères aux deux déjà existants. Pour justifier ce type de partenariat par rapport à la commande publique classique, il fallait jusqu'alors invoquer la «complexité» ou «l'urgence». La future loi proposera d'abord d'ajouter«l'efficience». Il suffira de démontrer que les PPP se font dans des délais plus courts ou sont globalement moins coûteux qu'un marché public ou une DSP pour avoir le droit d'être lancés. «Ce critère sera assez facilement démontrable, explique Pierre Van de Vyver, délégué général de l'Institut de la gestion déléguée (IGD). D'autant que les PPP permettent en théorie de profiter des innovations des entreprises ou de leur savoir-faire pour abaisser le coût global de l'opération ou proposer à coût égal une prestation plus complète.» Seconde nouveauté: dans les secteurs de l'action publique présentant un besoin immédiat d'investissement, une voie d'accès sera ouverte, mais pour un temps limité, à savoir jusqu'au 31 décembre 2012. Seront notamment concernées les universités, les infrastructures autoroutières et les prisons. Sur ce dernier point, le ministère de la Justice a déjà pris les devants en signant, fin février, un contrat de partenariat avec Bouygues Construction. Il porte sur la réalisation et l'exploitation de trois établissements pénitentiaires d'une capacité de 2056 places en échange d'un loyer annuel de 48 millions d'euros sur 27 ans.

Autre secteur ciblé par les PPP: la vidéosurveillance. A Paris, la préfecture de Police étudie actuellement un contrat de partenariat pour confier au secteur privé l'installation des équipements de vidéosurveillance, dans le cadre du plan «1000 caméras» dans la capitale. Ce n'est pas une surprise. En juillet 2007, le gouvernement avait annoncé sa volonté de tripler, en deux ans, le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique, pour porter le parc à 60 000. Interrogée sur la faisabilité du projet, la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a indiqué que les collectivités devraient «recourir, chaque fois que possible, au partenariat public-privé».

Pertes fiscales à compenser

Le second point du projet propose d'aligner le régime fiscal des PPP sur celui de la commande publique classique, plus favorable, et d'assurer ainsi une neutralité fiscale. Ou, plus exactement, d'éviter des distorsions fiscales entre les marchés qui relèvent du code des marchés publics et les contrats de partenariat. Sur ce point, il faut attendre le volet réglementaire du projet pour cerner la portée de ce coup de pouce. Il aura néanmoins une conséquence immédiate qui a fait réagir les collectivités locales: la perte de recettes fiscales. «Ce sera effectivement le cas, explique Pierre Van de Vyver (IGD). Mais c'est le bilan global de l'opération qu'il faut regarder. Et les baisses de coûts induites par le PPP compenseront ces pertes.» Ce volet était en tout cas attendu, comme le relève Gilles Pedini, associé responsable du secteur public chez Deloitte: «La distorsion fiscale est l'une des raisons principales au lent démarrage des PPP.»

Ces assouplissements permettront-ils aux acteurs de la commande publique de s'approprier le contrat de partenariat? «La réussite de ces contrats repose sur un grand travail en amont», rappelle Gilles Pedini. L'évaluation préalable du projet, complexe, pose les bases de la réussite du dossier. Quant à la phase de dialogue compétitif, elle suppose un échange approfondi avec le partenaire privé. «Cette pratique est encore peu habituelle dans les achats publics, relève Gilles Pedini (Deloitte). Le succès du projet dépendra de la capacité de la personne publique à inciter les opérateurs privés à enrichir la prestation avec leurs innovations technologiques ou leur savoir-faire.» Sinon, selon lui, le contrat de partenariat aboutira au même résultat que si la prestation avait été effectuée par l'administration.

Autre facteur-clé: le suivi de la prestation dans le temps, les PPP s'étirant sur de longues périodes. «Un dialogue régulier devra rapidement s'installer entre la personne publique et l'opérateur privé, observe Gilles Pedini (Deloitte). L'originalité de ce contrat est sa plus grande souplesse par rapport à la DSP. C'est un contrat de performance qui permet d'adapter le dossier aux évolutions technologiques, par exemple, sans qu'il soit nécessaire de tout remettre à plat.»

Gilles Pedini, Deloitte

«Le succès d'un projet dépendra de la capacité de la personne publique à inciter les opérateurs privés à enrichir la prestation.»

Dette déguisée?

De son côté, Pierre Van de Vyver (IGD) insiste sur la nécessité du changement d'attitude des acheteurs publics, pour que les partenariats privé-public puissent générer des gains en termes de coûts et de délai: «Il va falloir apprendre à «faire faire» au lieu défaire, et imposer des obligations de résultat sur le service acheté au lieu de s'en tenir à des obligations de moyens», résume-t-il. De l'aveu général, la complexité des projets de PPP, pour lesquels le recours à une aide extérieure (cabinets de conseil...) sera quasi nécessaire, rend la procédure onéreuse. «Elle devrait coûter quatre fois plus cher que celle d'une DSP, estime Pierre Van de Vyver. Cela rend le travail de définition en amont essentiel afin que le prestataire privé puisse répondre au marché.» Pour appréhender toute cette complexité et ces pratiques, le projet de loi comporte un volet «formation» pour les acheteurs publics qui devrait être rapidement mis en place.

Si elle soulève de grands espoirs du côté du gouvernement, l'incitation aux PPP a également réveillé les critiques récurrentes de ce type de contrat. Celle dénonçant la «privatisation du service public» semble toutefois avoir perdu de sa vigueur, des municipalités de gauche comme de droite ayant déjà conclu ce type de contrat. La plus persistante concerne l'opportunité de «déguiser la dette» ou de «l'externaliser». La conclusion de partenariats permet en effet de déconsolider la dette dans le cas où l'acteur privé supporte la majeure partie des risques. Concrètement, les dépenses opérées dans ce cadre n'apparaissent plus dans le calcul de la dette publique réalisé selon les critères de Maastricht. Lors de son examen au Sénat, en avril, les élus avaient insisté sur le fait qu'il ne faudrait pas que ce facteur comptable soit utilisé à mauvais escient. Le sénateur (UMP) Charles Guéné avait ainsi souligné que «les PPP ne doivent pas être lancés uniquement en raison de leurs vertus déconsolidantes, dans un but de pure optimisation budgétaire«». D'autres élus avaient fait remarquer que cela pouvait avoir pour effet pervers de réduire la concurrence, donc d'augmenter les prix et ainsi de diminuer»l'optimum«économique du contrat. Autant de points sur lesquels le gouvernement devra continuer à apporter des éclaircissements jusqu'au vote final du texte.

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Le football au secours des PPP?


Le football pourrait être un précieux allié du gouvernement pour développer le recours aux contrats de partenariat public-privé (PPP). Nicolas Sarkozy y songeait depuis longtemps et le secrétaire d'Etat chargé des Sports, Bernard Laporte, l'a annoncé officiellement en début d'année: la France veut en effet organiser l'Euro 2016 de football. La candidature sera officielle ces prochains mois. Si la France est désignée comme pays organisateur, il semble acquis que les entités publiques devront s'appuyer sur les contrats de partenariats public-privé pour construire de nouveaux stades. L'annonce a été faite en février par Philippe Séguin, qui préside la nouvelle commission «Grands stades Euro-2016». Mise en place en janvier par le ministère des Sports, cette dernière est chargée de réfléchir aux modalités de la mise en place de grandes enceintes en vue d'une candidature. Concernant le financement des stades, Philippe Séguin a indiqué que «l'argent public est rare. On imagine mal un effort de l'Etat sur cinq, six, sept ou huit stades pour le plaisir d'organiser une compétition. Il faudra trouver d'autres financements, d'autres partenaires. Des partenariats public-privé», observe le président de la Cour des comptes. Le rapport de la commission sera remis en septembre prochain à Bernard Laporte. Quant à la candidature française, elle pourrait intervenir à la fin de l'année. Si le cahier des charges de l'UEFA, l'instance dirigeante du football européen, n'est pas encore connu pour 2016, on sait que les normes de l'instance européenne pour l'Euro 2012 imposent huit stades d'une capacité minimale de 30000 places et deux autres de 50000 places, pour l'ouverture et la finale. Pour le moment, le futur grand stade de Lille (50000 places) est le seul en France à avoir fait l'objet d'un PPP entre la communauté d'agglomération et un consortium mené par Eiffage, au début du mois de février.

 
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FLORENT MAILLET

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