La Green Supply Chain, luxe ou nécessité ?
Y a-t-il vraiment match ? Ne devrions-nous pas acter que c'est un affrontement dépassé mais une transition incontournable. Avis d'expert.

On oppose souvent, à tort, la Supply Chain traditionnelle à la Green Supply Chain, comme si elles incarnaient deux visions irréconciliables. L'une, froide et calculée, obéissant aux lois de l'efficience économique. L'autre, idéaliste, en quête de neutralité carbone, de circularité et d'engagement sociétal. Cette opposition est non seulement réductrice, mais elle est surtout dépassée.
La Green Supply Chain : un luxe ou une nécessité ?
Les premiers projets de "supply verte" ont souvent été perçus comme des coups de communication ou des initiatives isolées réservées aux groupes disposant de marges confortables. Mais le monde a changé. Les chaînes d'approvisionnement mondialisées, linéaires, fragilisées par les crises sanitaires, géopolitiques ou climatiques, révèlent leurs limites. La résilience passe désormais par la durabilité.
Prenons l'exemple des matières premières critiques. Leur rareté pousse à repenser la logistique d'approvisionnement, à relocaliser certaines étapes, à intégrer la réparabilité ou le recyclage dès la conception produit. Les pratiques vertes deviennent des leviers d'anticipation et de sécurisation. Ce n'est plus une affaire de conscience, c'est une affaire de stratégie.
Élargir le périmètre de la performance
Une Supply Chain efficace ne peut plus se juger uniquement sur ses indicateurs classiques que sont le coût, la qualité et le délai. À ces fondamentaux doivent s'ajouter de nouveaux critères tels que l'empreinte carbone, la consommation d'eau, l'impact social, la traçabilité éthique. Dit autrement, la performance devient holistique.
Cela ne signifie pas que l'on renonce à l'efficience, mais qu'on l'enrichit. Une logistique mutualisée, une planification plus fine de la demande, une gestion dynamique des stocks, une réduction des retours... Tous ces axes traditionnels d'optimisation contribuent également à l'objectif environnemental.
Le défi est donc de transformer sans diviser !
Le vrai frein n'est pas technologique. Il est humain, culturel. Les équipes Supply Chain sont de fait prises en étau entre la pression du court terme et les injonctions à verdir leurs opérations. On leur demande d'être à la fois ultra-réactives et structurellement responsables. Il est temps de sortir de cette tension. Il ne s'agit plus de choisir entre Supply Chain et Green Supply Chain, mais d'orchestrer leur convergence.
Cela passe par la formation, par l'alignement des objectifs entre directions Achats, Opérations, RSE et Finance. Cela passe aussi par un changement narratif. La Green Supply Chain n'est pas une version affaiblie ou édulcorée de la Supply Chain. C'est sa version 2.0, plus robuste, plus intelligente, mieux adaptée aux réalités de demain.
La Green Supply Chain ne vient pas remplacer la Supply Chain. Elle vient la transformer en profondeur, dans sa logique, ses outils, ses priorités. Ce n'est pas une alternative, c'est une évolution. Comme toute évolution, elle implique de renoncer à certaines habitudes, de revisiter ses modèles mentaux, de faire preuve de courage managérial.
Mais elle offre aussi une formidable opportunité : celle de réconcilier performance économique, exigence opérationnelle et responsabilité environnementale. Et, en fin de compte, de faire de la Supply Chain non plus un facteur d'impact négatif à contenir, mais un levier d'impact positif à amplifier.
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