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Paris 2024 : les achats relèvent le défi des JO verts

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Paris 2024 : les achats relèvent le défi des JO verts
© Image & co / Sebastien d'Halloy

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, ne ressembleront en rien à leurs aînés, en termes d'ESS et de RSE. Le marathon a commencé pour les achats, non sans le sens de la performance sociale, environnementale et économique. Rencontre avec Olivier Debargue, le capitaine de l'équipe nationale qui compte 15 acheteurs.

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Pouvez-vous nous expliquer comment est staffée votre équipe et son fonctionnement ?

Notre direction représente 15 personnes pour un montant de 2 milliards d'euros d'achats. Cette somme représente la moitié du budget du comité d'organisation de Paris 2024. Ces achats se répartissent de manière fine dans près de 700 catégories. Les sujets sont diversifiés à l'image de ce que sont les achats dans l'événementiel. Nous les avons répartis en 5 pôles : logistique et transport, pour la fourniture sur tous les sites et les flux de la famille olympique, un pôle cérémonie et événements, un troisième pôle technologies, un autre lié aux infrastructures et à la sécurité et un dernier sur la partie service aux jeux et tout ce qui est lié à l'accueil, la sécurité, la restauration, la gestion des déchets...

Comment se passe le recrutement sur des projets aussi monumentaux que les Jeux Olympiques et Paralympiques ?

L'équipe est jeune avec une moyenne d'âge de 30 ans, légèrement inférieure à la moyenne d'âge du comité d'organisation. Concernant nos missions et notre périmètre, nous avons fait le choix structurant d'être présents là où les achats pouvaient apporter de la valeur ajoutée. En d'autres termes, la partie sourcing, appel d'offres, négociations ainsi que la gestion de la relation fournisseur. Nous avons finalisé nos les recrutements dans la Direction Achats à deux ans des JO, car pour la fonction achats, les Jeux, c'est maintenant !

Vous êtes un spécialiste des Achats publics, quelles particularités pour Paris 2024 ?

Gérer les achats sur ce type d'événement, cela revient à s'engager, de l'attribution à la dissolution, sur un projet de huit ans (Ndlr : Paris a décroché officiellement l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques le 13 septembre 2017), avec des échéances qui doivent être absolument tenues.

En plus de ce tempo précis, la nature des achats, parfois est très atypique, amène à de nombreuses négociations. Nous sommes en réalité dans des processus plus amont qu'aval. On ne couvre en revanche pas la partie approvisionnements que nous laissons aux directions opérationnelles mais nous gérons la mise en place des outils SI achats. La nature de l'événement nous ont conduit à confier à l'opérationnel, des missions qui, dans un autre contexte d'achats, seraient dans notre périmètre, ce qui explique la partie réduite de notre équipe. C'est atypique même dans la commande publique.

Quelle a été votre première expérience avec le Comité International Olympique ?

La première expérience avec le CIO, propriétaire et pilote du mouvement Olympique remonte à 2019 à Tokyo. Avant même d'évoquer une stratégie achats ou de commencer à constituer mon équipe, j'ai été convié à une séance de travail intensive sur le sujet de la dissolution du Comité d'Organisation de Paris 2024 dès septembre 2024.

Quel rôle joue les achats pour rendre cet événement planétaire plus vertueux, d'autant plus avec la polémique créée sur les compétitions sportives ?

La dissolution est au coeur de la stratégie achats. Cette priorité nous a permis de penser à la notre stratégie en prenant en compte les impacts environnementaux et sociaux en lien avec l'ESS (économie sociale et solidaire). En d'autres termes, l'eco-conception, l'économie circulaire ont été incontournables pour penser à une véritable stratégie d'achat.

La stratégie d'achat démarre donc par la réflexion suivante : qu'est ce qui va se passer après les jeux ? Qu'est-ce qui va demeurer ? Et à quelle fin ? De fait, ma responsabilité va progressivement bouger, et évoluer vers le contract management et la gestion des préparatifs pour la fin de l'aventure. Mais ce qui est central dans mes missions est d'appuyer sur la dimension responsable des achats et d'inverser le paradigme. L'ensemble de la stratégie du comité d'organisation est responsable. Et les achats en sont une déclinaison. Nous avons une seule stratégie "une stratégie responsable des achats » et non « une stratégie d'achats responsables". Sémantiquement, les termes sont proches mais l'approche achats devient différente.

Comment avez-vous concrètement accouché de votre stratégie au regard des contraintes que vous vous êtes fixés ?

Pour construire cette stratégie, nous avons créé un triumvirat avec deux autres directions, "excellence environnementale", d'une part, et une autre "Impact & héritage", portée sur les sujets de l'insertion et l'emploi. Cette stratégie est portée quotidiennement en haut lieu, notamment par Tony Estanguet, président du comité d'organisation de Paris 2024. Nous sommes en train de livrer cet engagement responsable de façon concrète. Cette vision est intégrée dans tous nos marchés, et notamment dans les obligations contractuelles relayées aux prestataires. Cet engagement des prestataires, nous le pensons intimement, va profiter de ce changement de paradigme accéléré par les Jeux de Paris 2024 Nous leur mettons parfois le pied à l'étrier. Pousser le curseur côté responsable va leur permettre de monter en gamme sur ces sujets.

Vous avez des chiffres ou des exemples concrets qui reflètent cette stratégie ?

Concernant les économies carbone, notre objectif est de diviser par deux les émissions de CO2 par rapport aux olympiades précédentes puisque nous capitalisons sur l'utilisation de nombreux sites existants (Le Grand Palais, les Invalides, le Stade de France...). Notre siège Pulse est un parfait exemple de cette stratégie responsable des achats. Nous utilisons du mobilier recyclé et nous nous concentrons sur la seconde vie de celui-ci. Pour le marché de la restauration nous avons fait appel à de l'emploi local et avons travaillé avec notre prestataire pour utiliser des produits locaux et durables... L'insertion pour l'emploi, l'impact sur les territoires est aussi une priorité. Ce fut une véritable volonté d'ouvrir nos marchés aux entreprises locales quelle que soit leur taille. Et finalement, deux prestataires de Paris 2024 sur trois sont des TPE ou des PME. Et 90% de nos fournisseurs sont français bien que l'ouverture de nos appels d'offres soit mondiale.

Comment avez-vous accompagné et incitéer les entreprises à sauter le pas et à les convaincre que Paris 2024, c'était aussi pour elle ?

Pour arriver à ce résultat, nous avons mené de nombreuses actions en amont avec du sourcing inversé, un effort de lisibilité et de programmation de nos marchés, une intense communication avec les écosystèmes économiques territoriaux et sectoriels et ainsi que des démarches pour simplifier la réponse des entreprises aux appels d'offre dans le respect de la commande publique.

Depuis deux ans, nous avons sourcé plus de 10 000 entreprises, un vivier de fournisseurs potentiels précieux pour les années à venir. Cette visibilité et cet accompagnement est notamment permis grâce à la mise en place de deux plateformes : ESS2024.org à destination de l'ESS et Entreprises2024.fr association avec le MEDEF à destination des entreprises. Ainsi, ces sites participent à l'ouverture de nos marchés à tous, grâce à la publication de notre cartographie des achats afin d'anticiper les marchés à venir ; ou encore à l'allotissement et à la possibilité de constituer des groupements ou de la sous-traitance afin que les TPE-PME puissent aussi rejoindre les marchés les plus importants.

ESS2024 permet en particulier d'avoir une ouverture des marchés envers le secteur du travail adapté et protégé (STPA) ou de l'insertion afin de diriger l'activité vers des personnes en situation de handicap et ou éloignées de l'emploi.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de cette politique achats ?

Notre volonté était de permettre aux entreprises de se saisir de l'événement malgré parfois cette crainte de rentrer sur les marchés publics. Exemple concret avec notre siège « Pulse ». 31 marchés ont été ouverts pour faire fonctionner le site. Sur la partie maintenance, un seuil de 20% de personnels était demandé en insertion. Finalement, deux personnes sur trois, dans les équipes du prestataire, seront issus de l'insertion ! Ce chiffre illustre bien l'idée que les Jeux sont un laboratoire pour certains de nos fournisseurs. Finalement, dans de nombreux achats, nous allons plus loin que les standards habituels du marché.

Il est aussi question de frugalité et de sobriété pour Paris 2024, quelle ambition pour quel plan d'action ?

Au-delà de l'esprit sportif, notre souhait est de créer un héritage et surtout d'éviter le phénomène de bulle qui éclate à la suite de l'événement. Dans cette optique, la distribution des marchés doit créer davantage d'opportunité que de risque. Nous nous sommes fixé un impératif avec le CIO d'organiser un événement plus responsable, plus frugal tout en gardant l'expérience athlète au coeur du dispositif.

En parallèle, nous avons capitalisé sur les savoir-faire existants. C'est là où a résidé la force de la candidature de Paris. L'idée est de réemployer les sites iconiques et de les aménager sans multiplier les investissements lourds. Tout l'enjeu est de concilier la commande publique avec un environnement l'événementiel qui demande des capacités fortes d'évolution...

En quoi le modèle des JO a rebattu les cartes des relations fournisseurs ?

D'abord nous avons eu une approche différente. On a pensé sourcing qualifié avant de penser appel d'offres notamment pour gagner en efficience sur les appels d'offres typés ESS et permettre aux entreprises de mieux répondre et de monter en gamme.

L'objectif fut celui de pousser les frontières de la commande publique en l'utilisant de manière dynamique. Et nous voulions chercher des solutions et innover de par la nature atypique de nos besoins et de notre stratégie.

Traditionnellement, les comités d'organisation prenaient les meilleurs compétences et ressources locales et asséchait le marché en laissant derrière une situation économique potentiellement moins bonne qu'au départ, ce qui avait l'énorme inconvénient de parfois fragiliser de nombreuses entreprises. Il fallait donc changer. Nous avons cherché à innover dans la structure de nos contrats.

Concrètement comment sécuriser votre relation sur de l'événementiel ?

Nous avons motivé ces acteurs et avons ainsi construits des contrats pour trouver un équilibre de trésorerie avec ces agrégateurs qui vont nous aider à livrer des événements clés en main. Nous avons structuré nos accords pour distinguer ce qui est forfaitaire et fixe et ce qui n'est pas stable dans l'événementiel. En bref, nous avons décidé detravailler à « livre ouvert »,

Ces nouveaux contrats ont permis de variabiliser une partie de la prestation et de manager laquantité fois prix et notre budget et ainsi garantir un équilibre et une bonne gestion de risque pour nos prestataires stratégiques une prestation quoi qu'il arrive. Finalement cela sécurise notre relation et il n'y pas de spéculation jeu de chat et la souris sur qui va gagner ou perdre de l'argent.

Parcours professionnel :

1985-1994 Manager Achats hors production - Thomson CGR/GE Medical Systems

1994-1998 Travel manager Europe - General Electric

1999-2003 Manager Achats Corporate Europe - General Electric

2003-2018 Directeur des Achats Hors programmes - France Télévisions

2012 Elu Décideur achats de l'année aux Trophées Décision Achats

depuis 2018 Directeur délégué aux Achats - Paris 2024

 
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