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Vers de nouveaux modèles de travail des entreprises dans la relation avec leurs fournisseurs ?

Publié par ALAIN ALLEAUME le

La situation de crise à laquelle sont soumise les entreprises conduit bien souvent à des comportements à court terme de la part des acheteurs souvent sous la pression des directions financières. Une telle attitude conduit à se mettre en limite de rupture de l'équilibre client-fournisseur. Et pourtant c'est dans un tel contexte qu'il convient de resserrer les liens entre donneurs d'ordre et fournisseurs stratégiques dans une logique de filière sur un marché donné. Les fournisseurs ayant montré leur capacité d'adaptation à accompagner leurs principaux clients dans la période actuelle réussiront sans aucun doute à tirer leur épingle du jeu et à consolider leur position sur le marché, ce qui nécessite aussi que les acheteurs sachent inventer de nouveaux modèles dans la relation contractuelle. Pour autant, ceux-ci sont soumis à la pression d'atteinte d'objectifs souvent antinomiques.

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Vers de nouveaux modèles de travail des entreprises dans la relation avec leurs fournisseurs ?

Dans un environnement économique perturbé, les acheteurs sont confrontés à de nombreux défis :
1. sécuriser leurs approvisionnements en étant particulièrement vigilants sur la situation financière des fournisseurs stratégiques,
2. intensifier le sourcing dans les pays LCC,
3. développer les achats durables.

Si on y regarde de près, et sans prendre le recul nécessaire - comme c’est malheureusement souvent le cas - ces objectifs peuvent paraître tout à fait antinomiques, et surtout ils doivent être déclinés de manière beaucoup plus opérationnelle, que ce que l’on observe souvent.

1. Surveiller la situation financière de ses fournisseurs est tout à fait classique, mais encore convient il d’avoir les bons indicateurs à sa portée ; les ratios classiquement utilisés ne donnent qu’une vision du passé sur les années précédentes.

Une dégradation de la situation financière d’une entreprise ne peut se détecter qu’à partir d’indicateurs beaucoup plus fins, en exploitant les données les plus récentes, et en recoupant tous les signaux faibles que l’on peut capter par ailleurs, si l’acheteur exerce une vigilance de tous les instants.

Enfin, quelle est la bonne attitude à adopter dans les cas les plus difficiles ? C’est là que l’ancienneté des relations et la proximité entre dirigeants doit faciliter la mise en œuvre des mesures adaptées. In fine, le fournisseur vous a-t-il alerté à temps ? Quel engagement prend-il pour vous réserver en priorité de la capacité vis-à-vis de ses autres donneurs d’ordre ? Quelles sont les facilités de trésorerie que vous êtes prêt à lui proposer ? Quel est le plan de redressement prévu et comment vos engagements en cours et à venir l’impacte-t-il ?

2. Le sourcing dans les pays LCC devient l’alpha et l’oméga des stratégies d’achats des grands groupes industriels en particulier dans l’automobile. Mais ne va-t-on pas trop vite en besogne ?
Tout d’abord notons que le terme politiquement correct pour LCC est dorénavant Leading Competitive Countries en lieu et place de Low Cost Countries, ce qui n’est pas qu’un point de pure forme !
Les objectifs volontaristes affichés par les constructeurs automobiles en terme d’achats LCC sont ils en ligne avec les deux autres objectifs évoqués, à savoir d’une part soutenir ses fournisseurs historiques afin qu’ils puissent survivre aux turbulences actuelles, et d’autre part afficher des objectifs ambitieux au niveau des fournisseurs dans leurs engagements au titre de la Responsabilité Sociétale et Environnementale?

Dans les stratégies de resourcing, il convient d’avoir une vision la plus claire possible sur les évolutions à venir pays par pays, voire région par région (exemple de la Chine) - car les lignes bougent en permanence, et les acheteurs doivent réfléchir en terme de filière industrielle dans son ensemble. Il n’est en effet pas concevable que sur un sujet aussi sensible et lourd de conséquence sur les stratégies d’entreprise on ait une vision court terme, et de laisser les acheteurs faire des « coups » uniquement pour « secouer le marché », comme cela a été vu à maintes occasions.

On notera par ailleurs une évolution récente de certains comportement d’achats vers du « nearshoring » accompagné de relocalisation de certaines activités, afin de bénéficier de la réactivité nécessaire compte tenu des circuits de plus en plus courts entre la phase de conception et la mise sur le marché des produits, et aussi de flexibilité afin que le consommateur final puisse disposer d’un produit ou d’un service personnalisé au dernier moment.

3. Les achats durables restent encore un terrain à débroussailler.
A l’exception de quelques entreprises très en avance sur le sujet, qui ont mis en place une véritable culture d’entreprise sur le sujet, force est de constater que sur le sujet les acheteurs sont confrontés au grand écart entre les objectifs qui leur sont assignés en terme de gains sur achats et la mise en œuvre de critères développement durable dans les cahiers des charges de consultation.

Or, là encore, il convient de raisonner d’une part en terme de filière industrielle – les normes environnementales s’imposant de fait à l’ensemble des fournisseurs de la filière, quelque soit le donneur d’ordre - et, d’autre part, en terme de stratégie d’entreprise : quel est l’avantage concurrentiel recherché - ou perte d’avantage si rien n’est fait ? quel est le discours marketing que l’entreprise veut développer, et comment y associer les fournisseurs ?

Certaines entreprises qui ont atteint un excellent niveau de maturité sur le sujet, sont d’ores et déjà en mesure de mettre en œuvre des plans produit à 3/5 ans en y associant les fournisseurs dans une approche d’innovation permanente dans le but de développer de nouveaux concepts de produits ou de service en ligne avec les nouvelles attentes des consommateurs. Dans ce contexte, le facteur coût n’est qu’un des éléments à prendre en compte en adoptant une démarche classique d’analyse de la valeur.


In fine, les acheteurs doivent se poser en permanence quelques questions fondamentales telles que :

- en quoi nos fournisseurs nous permettent ils de conserver un avantage concurrentiel ?

- sommes nous considérés comme un client préférentiel ?

- quels sont les moyens qu’ils nous réservent en terme de R&D, de capacité de production, et y a t il un risque que cela change dans les toutes prochaines années ?

En conclusion, il reste encore aux entreprises à inventer et à développer de nouveaux modes de fonctionnement dans la relation avec les fournisseurs avec lesquels ils souhaitent maintenir une relation durable. Acheteurs et fournisseurs vivent dans une sorte d’écosystème avec des relations qui peuvent bien souvent être qualifiées de « symbiotiques ». Un industriel indien a ainsi récemment poussé le raisonnement à l’extrême dans le cadre du développement d’une nouvelle activité industrielle, en proposant aux fournisseurs de participer au financement de l’opération via une prise de participation à des conditions suffisamment favorables pour les motiver : qui a parlé de nouveaux modèles à inventer ?

<p>&nbsp;</p> <p>Alain Alleaume est dipl&ocirc;m&eacute; de l''&Eacute;cole Centrale Paris. Depuis [...]...

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