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Quand marketing amont rime avec leadership

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A une époque où la gestion des risques fournisseurs au sens large confèrent aux achats un rôle clé pour le développement, voire la survie, de nombre d'entreprises, les acheteurs demeurent insuffisamment reconnus. L'acheteur peut cependant accroitre son leadership en interne comme en externe en ayant recours au marketing amont.

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A une époque où la course aux réductions de coûts et où la nécessité de gérer les risques fournisseurs au sens large confèrent aux achats un rôle clé pour le développement, voire parfois la survie, de nombre d’entreprises, les acheteurs demeurent souvent insuffisamment reconnus. Ce paradoxe trouve des explications diverses et produit des conséquences dommageables pour les entreprises (créativité de l’acheteur bridée, opportunités de partenariat ratées,…). Il appelle une prise de conscience par les directions des achats, mais également par les acheteurs eux-mêmes qui doivent être les premiers « avocats » de leur fonction. La démarche marketing amont, utile à maints égards, constitue sans doute un bon moyen pour les acheteurs de prouver leur légitimité et d’assoir leur leadership.

Vers un accroissement de la capacité d’influence de l’acheteur
Le leadership apparaît de plus en plus lié à la capacité d’influence plutôt qu’à l’autorité formelle. Parmi les qualités communément attribuées au leader, la capacité à avoir une vision globale et prospective est essentielle. Il convient ainsi de pouvoir évaluer une situation (s’approprier la mission, la vision, la stratégie de son entreprise, son secteur d’activité, ses clients, ses concurrents..), les conséquences potentielles et les risques associés pour bâtir des scénarios stratégiques.
Une fois les objectifs clarifiés, il convient de faire passer ses idées en développant son influence. Il s’agit alors d’identifier les stakeholders que l’on souhaite influencer, analyser la base d’influence à savoir comprendre ce qui est important pour l’organisation, l’entreprise, les concurrents. Enfin, il convient de mettre en place une stratégie d’approche de chacun de ces stakeholders. Les outils de pilotage les plus récents se fondent sur la reconnaissance de l’importance pour l’entreprise de ses stakeholders et reposent sur la volonté de satisfaire au maximum chacun d’eux. C’est notamment le principe du Prisme de Performance.
A partir du moment où l’on considère l’acheteur comme un manager à part entière (il manage bien en quelque sorte des fournisseurs, ainsi que, de plus en plus, des personnes à l’intérieur même de son organisation), une question essentielle que l’on peut se poser est la suivante : qu’est-ce qui peut permettre à l’acheteur de prendre toute sa place de leader dans l’entreprise ?
Le marketing amont est une démarche à la disposition de l’acheteur, qui lui permet de prévoir et d’intervenir de façon active dans la relation d’échange avec le marché amont afin d’adapter les besoins de l’entreprise aux possibilités du marché ou d’influencer l’offre du marché pour l’adapter à ses besoins.

Le marketing amont : bien plus qu’une mode
Comme toute pratique en cours de développement, le marketing amont est l’objet d’interrogations, voire de doutes, sur le bien fondé de la démarche. Cette dernière, même si elle est très consommatrice de temps, apparaît essentielle pour plusieurs raisons. Les principaux objectifs auxquels elle répond sont les suivants :
- Obtenir des produits davantage conformes aux attentes (en termes de prix comme de spécifications techniques)
- Sécuriser les approvisionnements (en termes de disponibilité et de prix)
- Mieux percevoir et anticiper les évolutions technologiques

La plupart des grandes entreprises l’ont bien compris et, à observer leurs pratiques, il apparaît de plus en plus clairement que la démarche marketing amont a passé la simple phase du test pour commencer à s’imposer durablement.

Le marketing amont aide l’acheteur à bâtir une vision globale.
La vision achat ne peut se construire que sur la base d’une fine compréhension du projet stratégique de l’entreprise (mission, vision, stratégie d’entreprise) et des achats (politique achat) couplée à l’étude des risques du marché amont.
Les risques du marché amont peuvent être appréhendés en menant une analyse externe. Cette dernière repose sur quatre étapes clefs : l’étude du secteur d’activité pour comprendre et prévoir son évolution et bâtir des scenarios, l’étude économique qui permet d’identifier les pays fournisseurs vers lesquels s’orienter, et enfin l’étude technique ou veille technologique qui permet d’apprécier l’opportunité d’adopter une nouvelle technologie. L’étude des acteurs du marché amont (fournisseurs, sous traitants, lobbying.) permet, enfin, de lire dans le marketing des acteurs et de bâtir des scenarios d’anticipation.
L’analyse interne, dans la méthodologie marketing achat, donne la possibilité, d’une part de définir les contraintes liées à l’entreprise et d’autre part d’identifier les moyens de manière proactive en vue de structurer la démarche d’influence. Le centre achat est un outil puissant qui permet de regrouper tous les acteurs qui participent à la décision achat de manière formelle ou informelle. Qui sont les décisionnaires ? Les prescripteurs ?... Quels sont leurs contraintes ? Quels sont leurs objectifs ? Autant de questions auxquelles l’acheteur devra répondre au préalable pour construire sa base d’influence et mettre en place sa stratégie d’approche de chacun de ces acteurs du centre achat.

Développer son leadership en externe
Asseoir son leadership, c’est aussi être connu (voire reconnu) hors de son entreprise. En devenant visible sur son marché fournisseurs, grâce à l’analyse externe, l’acheteur devient le véhicule privilégié de l’image de l’entreprise sur ses bonnes pratiques achats et peut ainsi utiliser cet élément pour cultiver un puissant critère d’attractivité vis-à-vis du marché amont. Il peut ainsi vendre en externe les bonnes pratiques de son entreprise. C’est ainsi une véritable démarche marketing qui s’opère. Cette dernière permet à l’acheteur d’influencer le marché fournisseurs afin qu’il s’adapte aux besoins de son entreprise ou encore de puiser des idées nouvelles sur le marché amont en vue de favoriser l’innovation.
Créer des alliances en externe, dans le cadre des réseaux par exemples (au-delà des réseaux achats) ou de cercles de partages avec d’autres fonctions de l’entreprise, contribue à augmenter son pouvoir au niveau collectif : le pouvoir de la fonction achat. Ces environnements donnent l’occasion de partager, tester ses idées, et favorisent d’abord la connaissance de la fonction achat, sa valeur ajoutée pour susciter ensuite la reconnaissance.

Oser et prendre des risques : le métier de l’acheteur-leader
Le leader est aussi celui qui prend des risques et est capable de sortir de son cadre de référence (symbolisé par exemple par le cahier des charges). Le fait d’être en permanence sur le marché amont en contact avec des fournisseurs lobbyistes, des organismes de veille, crée des conditions idéales pour favoriser l’émergence d’idées nouvelles aux niveaux produit, services ou processus. Mais, face à l’approche très court-termiste de nombreuses entreprises, les activités de négociation, gestion des problèmes de disponibilités des pièces chez un fournisseur rattrapent l’acheteur et le font passer à côté des innovations de rupture, celles qui permettent véritablement de créer de la différenciation et de relâcher la pression concurrentielle. Il importe pour cela de prendre ce risque, d’oser aller à l’encontre de certaines idées reçues avec l’aide du fournisseur. Il s’agit certes d’un vrai investissement en temps, en ressources du côté de l’acheteur. Toutefois quand de grandes entreprises s’accordent à reconnaître que plus de 60% de l’innovation vient des fournisseurs, peut on vraiment se passer de ce canal privilégié favorisant l’innovation qu’est la démarche marketing amont.

Un leadership à conquérir par étape
Développer son leadership requiert, pour l’acheteur, quelques préalables :
- Développer une connaissance parfaite de son entreprise pour contribuer à son projet stratégique ainsi qu’une perception très fine du marché fournisseurs pour en tirer partie.
- Faire un inventaire précis de ses facteurs d’attractivité en matière d’achat en vue d’attirer les meilleurs fournisseurs.
- Apprendre à lire intelligemment dans le marketing des fournisseurs.
- Apprendre à travailler avec les membres du centre achat.

L’acheteur doit, pour cela, faire face à plusieurs challenges. Collecter cette information qui n’est pas toujours accessible ou formalisée et la faire sienne peut constituer un frein important et pose plusieurs questions: jusqu’où aller pour recueillir des informations sur son marché amont ? Ses fournisseurs ? L’évolution de ces fournisseurs ?

En accroissant la vision globale chez l’acheteur ainsi que son influence en interne et en externe, le développement du marketing achat contribue à renforcer la position centrale que doivent prendre les achats dans l’entreprise étendue : une position de leader.

*Murielle Francillette est chercheur associé à l’IRIMA (Institut de Recherche et d’Innovation en Management des Achats), elle enseigne le Marketing Amont

Hugues Poissonnier & Murielle Francillette*

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