Quand l'Ile-de-France veut devenir un leader de l'économie circulaire
La région Ile-de-France vient de confier au GIP Maximilien une mission d'appui afin de coconstruire la commande publique circulaire. Quels en sont les enjeux ?
Je m'abonneLa consommation mondiale de matières devrait doubler au cours des 40 prochaines années, tandis que la production annuelle de déchets devrait augmenter de 70% d'ici à 2050, selon l'OCDE. Des chiffres alarmants qui ne cessent d'alerter sur l'urgence des mesures à adopter en faveur de l'environnement.
C'est dans ce cadre qu'entre en jeu le concept de l'économie circulaire qui vise à "changer de paradigme par rapport à l'économie dite linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l'impact environnemental, et en augmentant l'efficacité à tous les stades de l'économie des produits", selon la définition adoptée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). En résumé, comment passer d'un modèle de production et de consommation linéaire (extraire, fabriquer, consommer, jeter) à un modèle circulaire, plus vertueux et responsable ?
Faire de l'Ile-de-France un leader de l'économie circulaire
On sait que la prise en compte de l'économie circulaire requiert, de la part des acheteurs publics, une vision globale de l'ensemble du cycle de vie des produits et des services. Parmi les nombreuses lois favorisant une économie plus responsable, la loi Anti-gaspillage pour l'économie circulaire (Loi AGEC) du 10 février 2020 pousse les acheteurs publics et privés à adopter des comportements plus vertueux en favorisant le réemploi, la réutilisation et l'intégration des matières premières recyclées. Pour atteindre ces objectifs, le Conseil régional d'Ile-de-France a adopté, en septembre 2020, sa stratégie régionale (2020-2030) pour l'économie circulaire assortie de 10 actions phares. À ce titre, le GIP Maximilien a été sollicité pour porter une mission d'appui au développement des clauses circulaires et environnementales (MACCE) qui a été lancée le jeudi 11 mars. Cette mission a pour objectif "d'apprendre et de coconstruire la commande publique circulaire ".
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100% des marchés avec une clause d'économie circulaire en 2025
"Du fait de son poids économique dans la Région, la commande publique constitue l'un des principaux leviers vers l'économie circulaire et la transformation écologique", explique Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France. Ainsi, la stratégie en faveur de l'économie circulaire de la région IDF prévoit que 30% des marchés d'achats de la région comprennent une disposition circulaire et environnementale dès 2021. "Et, nous avons pour ambition d'avoir 100 % de nos marchés d'achats avec une disposition circulaire et environnementale en 2025", souligne la présidente de la région. Elle souhaite faire de l'Ile-de-France un territoire leader en matière d'économie circulaire d'ici 2030. Un véritable challenge, quand on sait qu'aujourd'hui 80% des ressources utilisées en Ile-de-France sont importées.
Sur une première période de deux ans (2021-2022), la mission portée par le GIP Maximilien est dotée d'un budget global de 335 K€ sur deux ans financés par la DRIEE (Direction régionale de l'environnement et de l'énergie), l'ADEME en Ile-de-France et la Métropole du Grand Paris. Dès octobre 2019, des enquêtes ont été menées sur le sujet et ont permis de mettre en lumière les attentes des acheteurs sur la mise en place de boîtes à outils leur permettant d'intégrer l'économie circulaire dans leurs stratégies d'achats. Il est aussi apparu qu'il était nécessaire de prioriser les familles d'achats publics sur lesquelles porteraient les travaux de la mission.
5 familles d'achats prioritaires
Au total, cinq familles d'achats ont été retenues. Il s'agit du BTP, des mobiliers et fournitures de bureau, des équipements électriques et électroniques (en 2021) et des vêtements professionnels et équipements de protection individuelle (EPI) et de la boucle alimentaire (en 2021). On sait par exemple qu'aujourd'hui, 40 millions de tonnes de déchets sont générés chaque année par le secteur du bâtiment en France et que 40 à 50% des déchets du bâtiment sont recyclés selon les régions, d'après la fédération française du bâtiment. Or, d'ici à 2024 en raison des JO, on estime qu'au moins 5 millions de mètres carrés de surface bâtie seront transformés (démolis ou à rénover) à Paris et en Seine-Saint-Denis.
Des boîtes à outils "achats circulaires"
Cela se traduira dans les faits par la création d'un comité composé d'experts techniques, juridiques et opérationnels (avocats, juristes, notaires, bureaux d'études, institutionnels...) chargé de cartographier les acteurs et les programmes existants en Ile-de-France en matière de commande publique circulaire. Il s'agira également d'élaborer une boîte à outils "achats circulaires" en rédigeant, par exemple, un clausier (et un référentiel) sur les clauses circulaires et environnementales pour aider les acheteurs à intégrer celles-ci dans leurs cahiers des charges. Cela passera également par des formations et/ou des actions de sensibilisation.
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"Attention, concluent les acteurs, l'objectif de la mission n'est pas de réinventer ce qui existe déjà. Il s'agit de s'appuyer sur les programmes déjà existants en Ile-de-France afin de favoriser la coordination des acteurs autour d'objectifs communs et de mutualiser les expériences et les outils."
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Un chantier vertueux à Rosny-sous-Bois
La ville de Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, a mis en place deux chantiers vertueux dans le cadre de l'économie circulaire. La ville avait déjà construit, en 2017, l'école maternelle des Boutours à base de bois et de paille dans le centre, et s'est relancée dans un tel projet avec le centre de loisirs Felix Eboué, aujourd'hui Jacques Chirac, dans le quartier des Marnaudes. Les travaux ont commencé en septembre 2018 et le bâtiment a été inauguré en février 2020. Le montant des travaux est estimé à 3,5 millions d'euros HT. Ce projet a été mené en lien avec Ekopolis, le pôle de ressources francilien pour l'aménagement et la construction durable.
Des matériaux bio-sourcés
"Notre axe principal de travail était de retrouver la neutralité vis-à-vis de l'écosystème, voire un avantage pour celui-ci. Ce qui est, avouons-le, assez compliqué dans le secteur du bâtiment ", explique Emmanuel Pezrès, directeur recherche et innovation au service architecture de la ville de Rosny-sous-Bois. "Pour cela, nous avons utilisé des matériaux bio-sourcés. Nous voulions sortir du cycle classique de l'approvisionnement". Ainsi, le service a utilisé des matériaux bruts comme la paille pour les murs porteurs et misé sur la ventilation naturelle avec récupération de la chaleur. "Il faut cependant être prudent quand on consomme des matériaux bio-sourcés et par exemple se renseigner sur quel type de forêt est utilisé", prévient le directeur recherche et innovation.
Issu d'une conception bioclimatique, le bâtiment de près de 1 000 m2 sera passif et innovant dans sa structure, sa technique (...), indique le site d'Ekopolis. La ville a sollicité la dernière plâtrerie artisanale basée à Montmorency et est allée chercher sa paille dans le champ d'un paysan boulanger bio. "Nous avons été jusque dans le détail afin de connaître la fabrication de la ficelle qui transporte la paille car nous refusions qu'elle soit faite en polypropylène". Ainsi, celle-ci est réalisée à base de plantes. Le bois a été acheté auprès des scieries locales et la peinture est végétale à base d'huile de colza, les dalles de faux plafond sont en laine de bois d'épicéa. Dans la même idée, l'eau de pluie est récupérée dans des cuves, les toitures sont végétalisées et une partie du chauffage est solaire avec une autonomie souhaitée à 50%.
"Une réflexion globale a ainsi été menée sur la manière de se passer le plus possible des équipements, de réduire le besoin de matière et la dépendance à la technologie", conclut le site d'Ekopolis. Un chantier vertueux qui ne manquera pas d'en inspirer d'autres.
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Informatique ou BTP : des exemples réussis d'économie circulaire en Ile-de-France
L'informatique ou les matériaux de chantiers sont propices à être intégrés dans la boucle vertueuse de l'économie circulaire. Ainsi, dans les Hauts-de-Seine, les postes informatiques des services départementaux font l'objet d'un reconditionnement pour que des matériels encore en état de fonctionner puissent être orientés vers une seconde vie technologique et être redistribués, deux fois par an, à des collégiens du département. Cette action s'inscrit dans le cadre des politiques de développement durable et de réduction de la fracture numérique conduites par le département des Hauts-de-Seine ainsi que dans le code de l'environnement.
De même, à Ivry-sur-Seine, la déconstruction d'un immeuble d'habitations daté de 1958 baptisé "Gagarine" a permis le réemploi de plus de 25 000 tonnes de béton/briques et une économie de plus de 3 millions d'euros. D'une façon plus générale, la Région Ile-de-France souhaite intégrer l'économie circulaire dans ses chantiers de lycées. Pour cela, elle a monté un marché d'Assistant à Maîtrise d'Ouvrage (AMO) réemploi et économie circulaire sous la forme d'un accord-cadre à bons de commande, notifié en octobre 2020. Parmi les mesures mises en place figurera notamment celle d'un diagnostic des matériaux pouvant être réemployés dans lesdits chantiers.