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Sécurité privée : une profession en voie de moralisation

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Longtemps en crise, le secteur de la sécurité privée connaît une évolution sans précédent. Un seul mot d'ordre : professionnaliser la fonction pour prévenir le recours au travail illégal.

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Non-paiement de salariés, absence de déclaration à l'Urssaf... les multiples dérives de son prestataire de sécurité privée ont contraint un spécialiste en ophtalmologie médicale à changer de fournisseur. «Les méthodes peu scrupuleuses pratiquées par notre ancien fournisseur ont conduit certains de nos agents à travailler pendant des années sans cotiser pour leur retraite, précise un responsable achats de l'entreprise. A mon sens, cette profession mériterait de s'assainir. »

Egalement conscients de la crise que traverse leur secteur, les syndicats professionnels tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme. «Nous sommes dans un état d'urgence : nos marges opérationnelles sont menacées de manière extrêmement grave, à la fois par un contexte économique qui se dégrade et par une compétition pas toujours loyale entre les différents opérateurs», explique Claude Tarlet, président de l'Union des entreprises de sécurité privée (USP). Une situation qui, pour ce dernier, s'explique de façon simple : «Dans le secteur de la sécurité privée, un déséquilibre persiste de manière flagrante : nous observons des prix de vente moyens sur les marchés autour de 15,5 à 16 euros HT de l'heure alors que le prix de revient moyen d'un agent de sécurité s'établit au même niveau. » Une pression excessive sur les prix qui conduirait fatalement certains prestataires vers des pratiques abusives voire illégales : recours à du travail dissimulé, à des travailleurs sans papiers, à de la sous-traitance en cascade, etc.

Pour mettre un coup d'arrêt définitif à ces pratiques, les syndicats de la profession, l'USP et le Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes) en tête, bataillent sur tous les fronts. Leur créneau : professionnaliser davantage le métier d'agent de sécurité et sensibiliser les acheteurs au paiement juste d'une prestation.

@ FOTOLIA/LUCASTOR

Des actions coup-de-poing

La mise en place d'une carte professionnelle pour les agents de sécurité, parmi les actions coup-de-poing menées par les syndicats, fait figure d'incontournable. Lancée en janvier 2010, cette carte est délivrée par les préfectures. Elle est attribuée aux agents qui ont obtenu leur certificat de qualification professionnelle (CQP), via une formation de 70 heures ou grâce à l'ancienneté. «Les 165000 agents déclarés devront avoir reçu leur carte courant 2010. Celle-ci est désormais obligatoire pour toute personne qui souhaite exercer cette profession», explique Michel Ferrero, président du Snes.

Toujours dans une démarche de professionnalisation du secteur, l'USP a signé en 2009 une convention avec l'Institut national des hautes études de sécurité intérieure et de justice. Le but : créer un module de formation, de niveau master, pour les candidats entrepreneurs dans le secteur de la sécurité. « Cette formation diplômante, en attente de validation par le ministère de l'Intérieur, constituera un véritable label pour les patrons d'entreprises de sécurité privée», considère Claude Tarlet (USP).

Loin d'être des initiatives isolées, ces actions s'accompagnent de la mise en place d'un code de déontologie et d'une charte des bonnes pratiques d'achat, disponibles sur le site du Snes. « Pour garantir une plus grande transparence, nous avons également mis en ligne la grille des prix de revient par type de poste, validée par l'Urssaf afin que chaque acheteur sache comment doit être décomposé ce coût», complète Michel Ferrero.

Claude Tarlet, USP

«Nous avons demandé aux pouvoirs publics de bâtir un véritable référentiel pour l'achat de prestations dans les marchés publics.»

Le soutien des pouvoirs publics... en attendant un changement notable des mentalités

Pour donner encore plus de poids à ces actions, les syndicats professionnels n'hésitent pas à s'adjoindre le soutien des pouvoirs publics. «Avec le Snes, nous avons demandé aux pouvoirs publics de bâtir un véritable référentiel pour l'achat de prestations dans les marchés publics», explique Claude Tarlet. Autre exemple : le Snes s'est rendu, le 14 janvier dernier, au ministère du Travail afin de lui remettre une proposition de texte susceptible de renforcer la lutte contre le travail illégal. Le document précise notamment qu'il est de la responsabilité des donneurs d'ordres d'acheter des prestations de services correspondant à des bases tarifaires, toutes remises confondues, qui ne soient pas inférieures au coût de revient de celles-ci. Le non-respect de cette disposition étant de nature à favoriser le travail illégal.

Autre rencontre officielle qui devrait faire date : la signature, le 9 février dernier, d'une charte des bonnes pratiques entre le Snes et la SNCF, parrainée par Eric Besson, ministre de l'Immigration et de l'Intégration. L'objectif de ce document : favoriser des achats performants et socialement responsables entre les deux entités. «Nous allons décliner cette signature à travers un guide des bonnes pratiques, engageant la SNCF à analyser les offres en fonction du mieux-disant. Plus encore, nous nous engageons conjointement, à travers ce document, à optimiser la veille juridique en matière de sécurité privée», détaille Vincent Lafont, responsable des achats du département gare et patrimoine de la SNCF. Et ce dernier de préciser qu'«auprès des candidats aux appels d'offres, nous allons diffuser la liste des personnels oeuvrant pour le compte de la SNCF afin que ceux-ci puissent répondre en connaissance de cause à chaque consultation. » Au-delà de ces rencontres officielles, les syndicats professionnels ont aujourd'hui le regard tourné vers leur ministère de tutelle, celui de l'Intérieur. «Nous souhaitons que ce ministère emboîte le pas à ses homologues en s'engageant pour la professionnalisation de notre secteur, via notamment la signature d'une charte avec notre syndicat», déclare Michel Ferrero (Snes). Un voeu qui devrait rapidement être exaucé, puisque, selon l'USP, un poste de délégué à la sécurité privée doit être créé au cours de l'année, place Beauvau. Autant de signes forts qui, comme l'espèrent de nombreux observateurs du marché, se traduiront par des évolutions concrètes. Car ces initiatives, riches en symboles, nécessiteront un changement notable des mentalités afin qu'acheteurs et prestataires puissent travailler main dans la main pour une plus grande moralisation de cette profession.

Wilfried Boudas, responsable des achats hors production, RATP

Wilfried Boudas, responsable des achats hors production, RATP

Témoignage
«Nous allons renfoncer le contrôle sur nos marchés»

Recourir à une plateforme dématérialisée, en mode SaaS, pour mieux satisfaire son obligation de vigilance en matière de prévention du travail illégal : tel est le parti adopté parla RATP. «Nous avons choisi de recourir au service de Certi corps, spécialiste du contrôle de conformité, pour automatiser et optimiser notre travail de collecte auprès de nos fournisseurs de l'ensemble des attestations demandées par la loi», confie Wilfried Boudas, responsable des achats hors production au sein du groupe. Une tâche particulièrement lourde, puisqu'elle doit être effectuée tous les six mois, comme le stipule le code du travail, et que plusieurs milliers de salariés sous-traitants travaillent chaque jour pour le compte de la RATP, dont environ 450 agents de gardiennage. Dans le secteur de la sécurité privée, Wilfried Boudas reconnaît que son entreprise est susceptible d'être confrontée à des salariés sans papiers ou munis de faux papiers. «Il s'agit d'un vrai risque, que nous espérons voir disparaître rapidement grâce à un suivi renforcé de nos marchés et un contrôle pointu des autorisations d'accès délivrées à nos sous-traitants.» L'implémentation de la plateforme Certicorps va s'étaler durant les prochaines semaines. « Nous allons commencer par recourir à cette solution avec le concours d'une centaine de nos fournisseurs critiques, avant de l'étendre à un plus grand nombre de partenaires. »


RATP
Activité
Transport urbain
Chiffre d'affaires 2009
4 milliards d'euros
Effectif
45 300 salariés
Volume achats 2009
1,9 milliard d'euros
Effectif achats
141 collaborateurs

 
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Charles Cohen

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