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Rémunération: les tendances pour 2013

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Plus que jamais stratégique pour l'entreprise, le service achats va sans doute continuer de subir des tensions salariales au début de l'année 2013. Entre spécialisation, variable et mobilité externe, il existe des leviers pour optimiser les salaires des acheteurs.

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@ © RTIMAGES/FOTOLIA.COM

Si les tensions économiques sont traditionnellement propices à la fonction achats, il n'en reste pas moins qu'à l'instar des autres fonctions dans l'entreprise, elle subit les aléas qui les accompagnent. La prudence est donc de mise... Par ailleurs, l'individualisation des politiques salariales touche aussi les acheteurs et ces derniers doivent apprendre à tirer leur épingle du jeu en construisant leur parcours de carrière en fonction des tendances lourdes qui impactent leur métier : spécialisation, voire ultra-spécialisation des compétences et internationalisation des profils recherchés. Et si des augmentations sont accordées en 2013, elles seront néanmoins indexées sur la politique de rémunération des cadres, tous secteurs confondus. Mais l'acheteur ne trouve pas nécessairement (forcément ?) son bonheur dans son niveau de rémunération, si l'on se fi e à l'exemple de ce décideur achats qui, après avoir jonglé avec des millions, gère aujourd'hui nettement moins de volume d'achats mais dispose d'un champ d'action beaucoup plus large et considère désormais son métier comme plus enrichissant. Et par enrichissant, il ne parle pas d'argent...

Fin 2010, Crop & Co, cabinet spécialisé en stratégie, organisation, délégation d'acheteur et recrutement, a mené une étude à l'aide d'un questionnaire électronique auprès de 362 acheteurs en vue de recueillir des informations sur les salaires des cadres en poste. Cette étude révélait alors que le salaire moyen des répondants s'élevait à 52,7 kEuros. Par ailleurs, elle mettait en évidence le fait que les acheteurs issus de grandes écoles d'ingénieurs étaient généralement mieux rémunérés, avec un salaire moyen de 66 kEuros. Les secteurs du luxe, de la pharmacie et la chimie étaient alors ceux qui rémunéraient le mieux leurs acheteurs, suivis des hautes technologies où les salaires moyens sont supérieurs à 55 kEuros. En cette fin d'année 2012, alors que le contexte économique est loin de s'être amélioré et que les prévisions les plus alarmistes n'incitent guère à la confiance, comment la rémunération des [acheteurs évolue-t-elle? S'il est toujours assez difficile en France de lever le voile sur les rémunérations individuelles, 'des tendances se dégagent. Entre nécessaire rationalisation des coûts, spécialisation des acheteurs et internationalisation des profils recherchés, les salaires des acheteurs vont-ils évoluer positivement sur 2013? Pour Fabrice Ménelot, expert achats et dirigeant de Crop & Co, « les tendances qui se dégageaient de l'étude fi n 2010 se sont confirmées. Mais le phénomène c'est bien la grande frilosité qui en général et le secteur des mène le plus évident à ce jour, qui touche le marché de l'emploi achats en particulier ».

zoom - Toujours plus de mesures de performance...

C'est une évolution naturelle de l'entreprise. « Tous les services d'une entreprise sont aujourd'hui analysés. On en mesure la performance, l'efficacité. Le service achats n'échappe pas à cette tendance. C'est l'une des raisons pour lesquelles la part variable s'est peu à peu imposée, explique Philippe Burger, associé Deloitte, expert en rémunération et avantages sociaux. D'après les différentes études que nous avons menées, il apparaît cependant que ce système trouve ses limites. Les primes, les commissions ne sont pas forcément moteurs et elles peuvent être, si elles sont mal employées, un véritable outil de démotivation! » Si la rémunération joue évidemment un rôle éminent dans l'accompagnement du développement de l'entreprise, « il faut savoir trouver le bon équilibre, ne pas fixer des objectifs impossibles à atteindre ou générer de la frustration au sein des équipes ».

La prudence reste de mise

Inutile de s'appesantir sur la situation économique internationale. « Il existe aujourd'hui deux types d'entreprise, ironise Fabrice Ménelot. Celles qui ne vont pas bien et celles qui s'attendent à aller moins bien... Dans ce contexte, les recrutements sont évidemment non seulement ralentis mais aussi beaucoup plus raisonnés! » Comment cela se traduit-il pour les acheteurs? Pour ce spécialiste, les marges de manoeuvre des recruteurs étant plus limitées, celles des recrutés l'est encore davantage.

Cette tendance prudentielle est par ailleurs confi rmée par Denis Lesigne, directeur au sein de l'activité rémunération du département total reward & benefits de Deloitte, qui indique: « Les prévisions économiques pour 2013, qui ne sont guère réjouissantes en règle générale, créent un phénomène de tension sur les salaires, car nous sommes confrontés à une rigueur budgétaire, tous secteurs confondus. » C'est évidemment le manque de visibilité sur l'évolution de l'économie mondiale qui empêche les entreprises de définir des objectifs clairs pour les mois à venir. « Ce flou ambiant perturbe les dirigeants de l'entreprise mais aussi les salariés eux-mêmes, qui doutent des prévisions de leurs managers et perdent confiance, notamment sur la part variable de leur rémunération», précise Denis Lesigne (Deloitte). Pour autant, chez Deloitte, on rappelle que, selon les dernières études réalisées, la fonction achats reste sensiblement privilégiée par rapport à d'autres services des entreprises. «Nous relevons qu'en moyenne, les cadres de la fonction achats perçoivent une rémunération supérieure de 6 % à celles des autres secteurs», indique Denis Lesigne. Il est dès lors d'autant plus délicat de revendiquer des évolutions de salaires significatives pour les membres du service achats. Pourtant, la situation pourrait sembler des plus favorables pour les acheteurs...

Rokia Daghghar, Big Fish

«La tendance est à la négociation au cas par cas.»

Le paradoxe des acheteurs

«L'acheteur est une fonction sponsorisée par les temps de crise», déclare Pierre-Yves Stintzy, directeur associé de Staff Consultants. En période de tensions économiques, lorsque la rigueur est de mise et que la traque aux coûts de fonctionnement est lancée, la position des acheteurs peut sembler particulièrement favorable. « Un bon acheteur est en mesure de rationaliser les dépenses de l'entreprise, indique Rokia Daghghar, chargée de recrutement pour le cabinet Big Fish. Mais nous observons que la tendance est véritablement à la négociation, au cas par cas. Entre 2006 et 2008, la balle était véritablement dans le camp des acheteurs, mais depuis 2010, le rapport de force s'est équilibré, si bien que la tendance est plutôt baissière. » C'est là que se situe le paradoxe de la rémunération des acheteurs. Jamais ils n'ont occupé une position aussi stratégique que ces dernières années, mais la tension est telle qu'il leur est de plus en plus difficile de se prévaloir d'un niveau de rémunération à la hauteur des enjeux de leur fonction. «La rémunération des acheteurs ne baisse pas véritablement mais, du fait de la crise, elle n'est pas non plus inflationniste», précise Pierre-Yves Stintzy (Staff Consultants). Cependant, comme le confirment les experts interrogés sur la question, les entreprises cherchent autant que possible à garder les talents. Pour y parvenir, « nous assistons à un phénomène d'individualisation de la politique salariale de l'entreprise d'un point de vue général, explique Fabrice Veyre, directeur exécutif achats et logistique chez Michael Page. Mais le service achats est encore plus touché par cette tendance à l'individualisation dont l'impact immédiat se mesure à l'aune de l'importance de la part variable des salaires des acheteurs ».

«Avis d'expert - Des secteurs qui ont le vent en poupe!»

Luc Mora, directeur associé et cofondateur de Big Fish, cabinet de recrutement, d'évaluation de compétences et de transformation des équipes, mesure à quel point la spécialisation des acheteurs sur des niches peut aujourd'hui constituer un levier important pour optimiser la rémunération. «Les entreprises recherchent des profils spécifiques, notamment dans les domaines des nouvelles technologies ou de l'énergie. Mais, globalement, toutes les spécialisations ont une tendance naturelle à faire augmenter les salaires. » Cependant, pour cet habitué des recrutements d'acheteurs, on assiste actuellement à un double phénomène: «Le souhait d'avoir affaire à des ultraspécialistes, s'il est positif car il assure à l'entreprise que l'acheteur sera à même d'avoir les clés pour faire les bons arbitrages, peut parfois être un peu dévoyé. » En effet, Luc Mora explique que certains cahiers des charges d'opérations de recrutement misent tant sur la spécialisation du profil que le fait d'avoir un cursus «achats» peut parfois passer pour un critère accessoire. «C'est une tendance qui nous effraie, car ce n'est pas parce que vous connaissez un domaine sur le bout des doigts, notamment technologique, que vous avez la compétence pour mener les négociations et avoir les meilleurs prix. »

Une profession toujours plus challengée

Lorsque la politique salariale est individualisée, il faut alors s'appuyer sur des repères, des indicateurs qui correspondent à une réalité tangible. De plus en plus de pans des activités des entreprises sont aujourd'hui concernés par la mesure des performances et le secteur des achats n'échappe évidemment pas à la tendance. «Depuis quelques années, explique Fabrice Veyre, l'individualisation de la rémunération des acheteurs a conduit à un fort développement de la part variable qui représente en moyenne entre 10 et 15 % du salaire global d'un acheteur. » Pour mémoire, l'étude de Crop & Co révélait l'an passé que près de 90 % des répondants touchaient une part variable de rémunération et que, pour 50 % d'entre eux, cette rémunération représentait une part supérieure à 10 %.

Cette tendance se confi rme donc. La part variable est calculée le plus souvent à la fois sur la performance individuelle de l'acheteur, mais aussi sur la performance générale du service achats. « C'est un moyen pour l'entreprise de créer du lien au sein du service, de fédérer les équipes autour d'un objectif commun », indique Fabrice Veyre (Michael Page). Mais challenger les achats est un dispositif qui connaît ses limites. Ainsi, comme le révèle une récente analyse intitulée «Données salariales, rémunération et avantages sociaux» menée par Deloitte, les jeunes cadres sont en général moins réceptifs à la rémunération qu'aux conditions de travail off ertes par l'entreprise. « On note des disparités générationnelles évidentes, explique Philippe Burger, directeur du département Rémunération chez Deloitte. Les cadres de la génération Y (de 31 ans et moins) prennent davantage en compte la culture d'entreprise, l'organisation et les conditions de travail qu'un simple phénomène de primes, ce qui n'est pas le cas chez les cadres de la génération X (32 à 47 ans) ou chez les baby-boomers. »

Trois questions à ... « Les acheteurs d'énergie sont très sollicités du fait de l'explosion de la facture énergétique des entreprises»

Comment évolue, selon vous, la rémunération des acheteurs dans un cadre général?
La tendance évidente, c'est la prudence des entreprises. Les recrutements sont particulièrement raisonnés, menés de façon très rationnelle et stratégique. Dans ce contexte, il est évident que les rémunérations ne peuvent s'envoler sans retenue. Pour l'année 2013, la prudence va perdurer. Sur l'augmentation des salaires, elle devrait être indexée naturellement sur la politique de rémunération des cadres, tous secteurs confondus. Nous nous attendons donc à des augmentations moyennes de 2 à 2,5 % ... Mais attention, 2 % en moyenne, cela signifie des augmentations comprises entre 0 et 10 %!
Peut-on considérer qu'il existe encore des disparités entre Paris et la province?
Il en existe sans doute encore, mais je ne pense pas que cela soit vraiment déter minant. Les acheteurs sont de plus en plus mobiles, et leurs rémunérations sont en règle générale supérieures aux salaires moyens des cadres. Dès lors, je ne pense pas que le fait d'accepter un poste d'acheteur en province corresponde à une renonciation sur le niveau de salaire.
Pensez-vous qu'il y ait des secteurs plus porteurs que d'autres?
Oui, sans aucun doute. Il existe des fonctions qui ont la cote. Je pourrais citer dans le désordre et sans préférence, les acheteurs IT qui sont très recherchés, notamment dans le secteur de la banque et de l'assurance. Les acheteurs d'énergie sont également très sollicités, du fait de l'explosion de la facture énergétique des entreprises. On trouve assez peu d'acheteurs vraiment spécialistes de ces secteurs. Ce qui est rare est cher, donc ceux qui peuvent justifier d'un savoir-faire spécifique peuvent avoir des prétentions supérieures, c'est normal!

La séniorité reste déterminante

Si l'on se réfère aux estimations informelles du cabinet de recrutement Big Fish, on peut considérer que la rémunération proposée pour un acheteur junior est comprise entre 33 et 38 kEuros. Pour un acheteur confirmé, c'est-à-dire pouvant prétendre à une expérience de cinq ans, les propositions sont comprises entre 50 et 55 kEuros. Un manager peut espérer entre 60 et 80 kEuros, tandis que la rémunération pour un directeur de service achats débute a minima à 80 KEuros (82,3 kEuros selon le baromètre MobiCadre 2012 publié par Deloitte). « Mais cette échelle est purement indicative, explique Luc Mora, directeur associé et cofondateur du cabinet Big Fish, cabinet de recrutement, d'évaluation de compétences et de transformation des équipes. Tout dépend non seulement du secteur d'activité, mais surtout de la séniorité de la personne que l'on souhaite recruter. » Audelà de l'expérience, il existe également des spécialisations particulièrement valorisées aujourd'hui (lire l'encadré «Trois questions à ... » p. 18). Et dans tous les cas, le fait que la profession se soit normalisée, structurée, qu'elle dispose désormais de formation et de diplômes reconnus (master, Essec, Desma... ) a permis de créer de la valeur autour des services achats. Malgré tout, des disparités demeurent selon le secteur d'activité. «Mon premier salaire était l'un des plus élevés de ma promotion, explique Simon Croz, diplômé Desma Alternance 2006 actuellement EAME capital projects & engineering procurement business partner pour Syngenta. Ceci est principalement lié au secteur industriel dans lequel j 'ai commencé: l'industrie chimique en France dispose d'une convention collective très favorable. La progression de salaire lors de mes trois premières années a été intéressante, mais c'est seulement maintenant, après six années dans les achats, que je me détache du salaire médian pour un cadre de mon niveau!»

Le point de vue de... «Le salaire n'est pas tout, l'acheteur n'est pas qu'un cost kille»

Comment percevez-vous le marché de l'emploi pour les acheteurs en cette fin d'année 2012?
Nous sommes confrontés à certaines incohérences qui, après plus de 20 années passées à exercer dans le domaine des achats, me surprennent. Lorsque j'observe les annonces sur le site de l'Apec où l'on propose des postes de responsable de service achats à Paris à 35 kEuros, je me dis que la tension sur les salaires est vraiment très forte. La situation de l'acheteur est par nature paradoxale, car il est là pour maîtriser les coûts de l'entreprise, mais lorsqu'il est en poste et qu'il est performant, il représente à son tour un coût important. Le réel enjeu pour les acheteurs aujourd'hui consiste à pérenniser leur salaire dans leur poste.
La rémunération doit-elle jouer un rôle prédominant dans les choix de carrière des acheteurs?
Je ne vous aurais sans doute pas donné la même réponse il y a 20 ans... Mais à 46 ans aujourd'hui, je pense qu'en effet, le salaire n'est pas tout! J'ai quitté mon poste de responsable achats chez un grand équipementier automobile en 2008. Je gérais un volume d'achat de 100 millions d'euros par an. Je gagnais très bien ma vie.
Mais j'ai eu à un moment envie d'autre chose que cette image de cost killer qui s'attache à notre profession. J'ai créé le service achats de Ny pro Healthcare, je gère nettement moins de volumes d'achats aujourd'hui! En revanche, j'ai un champ d'action et un engagement beaucoup plus fort et, très honnêtement, mon métier est désormais plus enrichissant... Et je ne parle pas d'argent...
Que pensez-vous de l'ultra- spécialisation des acheteurs?
Je pense qu'elle pose de vraies ques-tions. L'ultraspécialisation a tendance à occulter le métier d'acheteur au profit de la technicité. Certains achats, je pense aux énergies ou à certaines céréales, tiennent davantage du métier de trader que d'acheteur au sens noble du terme. Il me semble essentiel de proposer aux acheteurs de travailler en mode projet, d'éviter le travail en silo. L'acheteur est partie prenante de la vie de l'entreprise, il ne doit pas être renfermé sur lui-même.

Nypro Healthcare

ACTIVITÉ
Fabrication de pièces techniques àbase de matières plastiques
VOLUME D'ACHATS ANNUEL
1million d'euros
EFFECTIF TOTAL
Près de 60 000 salariés dans 57 pays
EFFECTIF TOTAL FRANCE
95 personnes
EFFECTIF ACHATS
3 personnes

 
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José Roda, Emmanuelle Serrano

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