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Quand les ERP s'immiscent dans l'univers des achats

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Les progiciels de gestion intégrés (ERP) ne se contentent plus de consolider les données liées aux approvisionnements et se dotent de fonctionnalités achats de plus en plus développées. Suffisant pour séduire les directions achats ? Pas si sûr.

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Pour planifier ses achats, Auchan Telecom, la filiale du groupe de grande distribution spécialisée dans la téléphonie mobile, utilise les multiples fonctionnalités de son progiciel de gestion intégré (ERP pour Enterprise Resource Planning) édité par Comarch. « Grâce aux rapports et aux analyses qu'il génère, nous optimisons nos commandes, nos approvisionnements et nos stocks», se félicite Yves Leclercq, directeur administratif et financier de l'entreprise, dont le volume d'achats annuel est d'environ 54 millions d'euros. Depuis son déploiement, il y a six mois, l'ERP a également permis de consolider les données fournisseurs ou encore de simplifier les process de facturation.

Alain Alleaume, Altaris

« Les éditeurs d'ERP n'ont pas vocation à répondre aussi bien que les éditeurs spécialisés à la totalité des besoins d'une fonction. »

Deux mastodontes sur le marché

A l'image d'Auchan Telecom, de nombreuses entreprises utilisent aujourd'hui un ERP, pour gérer tout ou partie des processus liés à leurs achats. Cela dit, il reste avant tout un progiciel généraliste, voire simplement un outil comptable, dont la vocation est de couvrir le plus grand nombre de processus dans l'entreprise : finance, vente, ressources humaines... «Les éditeurs d'ERP ont l'ambition de couvrir les besoins des grands métiers de l'entreprise et les achats en font logiquement partie», rappelle ainsi Alain Alleaume, fondateur du cabinet de conseil achats Altaris. Toutefois, la plupart des fonctionnalités liées aux achats sont relativement récentes. « Certaines briques sont présentes depuis de nombreuses années dans l'offre des éditeurs, comme celles permettant d'exploiter les données liées aux approvisionnements. D'autres, par exemple le sourcing ou le pilotage, sont apparues progressivement», explique Jean-Michel Franco, Business Solutions Director au sein du cabinet de conseil Business & Decision. L'of re des deux grands mastodontes du marché, SAP et Oracle, symbolise cette évolution. Grâce à des opérations de croissance externe (SAP a acquis Frictionless Commerce et Oracle a racheté PeopleSoft), ces derniers se positionnent clairement aujourd'hui dans l'univers des achats. «Nos solutions couvrent la totalité du processus achats, avance fièrement Gilles Patris de Breuil, Financial Principal Consultant chez Oracle. Nous intervenons ainsi en amont du processus achats, par exemple pou r analyser les dépenses de l'entreprise ou identifier les gisements d'économies. » De même, SAP et Oracle proposent des briques de sourcing, de pilotage de la relation fournisseurs, de dématérialisation ou encore d'archivage de factures.

Les plus petits éditeurs d'ERP possèdent également leurs briques achats. Leur offre n'est peut-être pas aussi évoluée que celles de SAP ou d'Oracle, mais suffisamment fonctionnelles pour répondre aux besoins des PME comme l'explique Yves Leclercq (Auchan Telecom) : «Notre éditeur, Comarch, est peu connu en France mais spécialisé dans la gestion des services dématérialisés. Cela nous convient car nous vendons surtout des cartes de téléphone prépayées. » A côté, l'offre des «grands» éditeurs est apparue inadaptée. «En plus de leur coût élevé, ces solutions sont difficiles à déployer et ne correspondent pas aux besoins d'une petite structure comme la nôtre», témoigne Mario Seixas, directeur de projets chez Auchan Telecom. Pour ces mêmes raisons, l'entreprise n'a pas souhaité déployer une suite logicielle spécifique aux achats.

Editeurs d'ERP versus éditeurs spécialisés

En proposant désormais des briques achats, les éditeurs d'ERP rentrent en concurrence frontale avec les éditeurs spécialisés dans les logiciels achats. Et la bataille est particulièrement âpre sur le segment des grandes entreprises. «Nous avons su tirer le meilleur parti des solutions que nous avons rachetées et notre couverture fonctionnelle est désormais équivalente à celle des éditeurs spécialisés», affirme Gilles Patris de Breuil (Oracle). Petit à petit, les DSI ne sont plus l'unique point d'entrée dans les entreprises. «Nous nous adressons de plus en plus directement aux directions financières et achats pour répondre à leurs besoins en matière de consolidation et de pilotage de données achats, d'identification de plans d'économies, etc. », ajoute-t-il. «L'offre du marché est beaucoup plus mûre, ce qui suscite un net regain d'intérêt», confirme Jean-Michel Franco (Business & Decision).

D'autres experts comme Alain Alleaume doutent de l'efficacité des ERP pour mettre en oeuvre certains process achats. «Les éditeurs d'ERP concentrent leurs efforts de R&D sur leur socle applicatif de base. C'est pourquoi ils n'ont pas vocation à répondre aussi bien que les éditeurs spécialisés à la totalité des besoins d'une fonction », estime le fondateur du cabinet Altaris qui cite l'exemple de la consolidation des données achats, préalable nécessaire à tout pilotage des achats. «Elle est extrêmement compliquée à mettre en oeuvre, qui plus est dans un environnement multi-ERP, une situation relativement fréquente dans les grandes entreprises. » Face à la précision des données remontées par un voire plusieurs ERP, seul un logiciel spécialisé de consolidation des données permettrait à la direction achats de s'appuyer sur un référentiel unique de fournisseurs et de classer ses achats par famille ou sous-famille de produits.

Jean-Michel Franco,Business & Decision

«L'offre des éditeurs d'ERP est plus mûre, ce qui suscite un net regain d'intérêt de la part des directions achats. »

Le casse-tête des environnements multi-ERP

Autre limite récurrente selon les consultants : le pilotage des données achats dans un environnement multi-ERP. «Lorsqu'un groupe possède plusieurs ERP, le pilotage des achats par un seul système devient très difficile voire impossible, assure Gad Benchimol, directeur de la division BI du cabinet de conseil Business & Decision. Dans ce cas, les directions achats préfèrent déployer un logiciel spécialisé qui s' interface avec l'ensemble des ERP, quel que soit l'éditeur. » L'expert reconnaît qu'une entreprise déjà cliente d'un grand éditeur tel qu'Oracle ou SAP «peut avoir intérêt à utiliser les briques achats de celui-ci». Mais il constate également, sans les nommer, que des grands comptes souhaitant créer un centre de services partagés dédié aux achats «n'ont pas cherché à exploiter les fonctionnalités de pilotage de leurfs) ERP, chaque projet étant trop complexe à mener». Pour Gilles Patris de Breuil (Oracle), ce problème d'intégration entre plusieurs systèmes d'information n'existe plus. « Nous proposons des solutions pour résoudre ce genre de difficultés», indique-t-il. Au fond, le débat entre les pro et les anti-ERP n'est peut-être pas d'ordre technique. Les querelles entre les DSI et les directions achats, notamment lors des déploiements des solutions d'e-procurement, puis d'e-sourcing au début des années quatre-vingt-dix, ont laissé des traces. Les directions achats souhaitent garder la main. Or, le déploiement d'un ERP et notamment de fonctionnalités achats reste du domaine de compétence des DSI. «La direction achats n'est pas maître du jeu, rappelle Alain Alleaume (Altaris) pour qui se pose également un problème de délai. Pour les grands comptes, il faut envisager de trois à cinq ans pour le déploiement d'un ERP, contre 6 à 18 mois pour une suite logicielle achats. La direction achats a donc intérêt à privilégier la solution susceptible d'accompagner son plan d'actions opérationnel le plus tôt possible. »

A petits besoins, petits éditeurs

Finalement, ce sont les plus petits éditeurs d'ERP qui parviennent à tirer leur épingle du jeu. «Les besoins des PME se prêtent peu à l'utilisation de solutions métier», analyse Jean-Michel Franco (Business & Decision). En effet, au-delà de la problématique liée au coût, le volume d'achats ou le nombre de fournisseurs d'une PME ne justifient pas le déploiement d'un logiciel achats. «Dès lors, les fonctionnalités liées aux approvisionnements des petits ERP, complétées parfois par des systèmes de pilotage développés en interne, suffisent à couvrir leurs besoins», assure Jean-Michel Franco. Auchan Telecom et bien d'autres s'y sont retrouvés.

Christophe Cazaux-Maleville, responsable achats corporate, Gefco

Christophe Cazaux-Maleville, responsable achats corporate, Gefco

Témoignage
« Les modules de notre ERP conviennent globalement à nos besoins

Le groupe Gefco utilise plusieurs fonctionnalités de l'éditeur SAP depuis 2004. Il peut ainsi consolider et piloter ses achats mais aussi gérer ses approvisionnements et ses stocks. « Les modules que nous utilisons conviennent globalement à nos besoins, en particulier sur la partie décisionnelle, note Christophe Cazaux-Maleville, responsable achats corporate de Gefco. En effet, les éléments de reporting générés par le système permettent de piloter efficacement nos achats. Seules les briques transactionnelles manquent un peu de souplesse car les versions que nous utilisons sont un peu anciennes. » Si l'utilisation de l'ERP est un choix qui s'applique à toute l'entreprise, quelle que soit l'activité opérationnelle, Christophe Cazaux-Maleville estime que le progiciel suffit aux achats et qu'il n'est pas besoin d'investir dans un logiciel métier. Et ce, y compris pour la partie sourcing que SAP ne couvre pas chez Gefco. « Si les plateformes d'e-sourcing permettent de gagner du temps, l'automatisation à outrance de la rédaction des charges et de la gestion des appels d'offres nuit à la créativité des acheteurs. Je préfère que ces derniers partent d'une feuille blanche », estime Christophe CazauxMaleville. Cela dit, Gefco utilise tout de même le logiciel métier (édité par Syner Trade) de sa maison-mère, le groupe PSA Peugeot-Citroën, notamment pour les enchères inversées.


Gefco
ACTIVITÉ
Logistique
CHIFFRE D'AFFAIRES 2009 2,8 milliards d'euros
EFFECTIF 10 000 salariés
VOLUME D'ACHATS 2009
2,3 milliards d'euros
EFFECTIF ACHATS 30 collaborateurs
VOLUME D'ACHATS HORS PRODUCTION 500 millions d'euros
EFFECTIF ACHATS HORS PRODUCTION
10 collaborateurs

Fatima Fanack, Jocelyne Merlin et Michel Siaud (Salm):

« Notre ERP est un outil indispensable même si nous avons besoin de retraiter les données pour les exploiter sous un angle achats. »

Expérience
La Société alsacienne de meubles utilise son ERP pour consolider ses données fournisseurs

Le service achats de la Société alsacienne de meubles (Salm), connue pour ses marques Cuisines Schmidt et Cuisinella, s'appuie quotidiennement sur les données consolidées par son ERP pour négocier les contrats-cadres avec ses principaux fournisseurs. « Grâce à notre ERP, nous connaissons l'historique des prix, le volume des commandes ou les délais de livraison propres à chaque fournisseur ou à chaque produit. Ces informations nous permettent de nous appuyer sur des données tangibles et de mieux négocier avec les fournisseurs », témoigne Jocelyne Merlin, acheteuse à la Salm.
Ainsi, depuis la fin 2003, le fabricant de mobilier de cuisine s'appuie su r un ERP édité par Qualiac. « A l'époque, nous nous sommes rendu compte que l'offre des grands éditeurs ne permettait pas de couvrir nos process industriels, indique Christian Mennrath, responsable comptabilité générale de la Salm. Dès lors, seules certaines applications classiques nous étaient nécessaires, ce qu'un éditeur de plus petite taille était en mesure de nous apporter »
Aujourd'hui, une dizaine d'acheteurs manient l'ERP « Convivial, cet outil me permet de rentrer toutes les informations relatives à nos fournisseurs et d'extraire aisément les données souhaitées par rapport à telle ou telle famille d'achats», indique Fatima Fanack, assistante du service achats. S'il juge l'ERP «indispensable», Michel Siaud, le directeur achats, note toutefois que le développement en interne d'un logiciel de pilotage s'est révélé nécessaire : « Nous avons besoin de retraiter les données consolidées par l'ERP pour pouvoir les exploiter sous un angle achats et pas uniquement comptable. »


Société alsacienne de meubles
ACTIVITÉ
Fabrication de meubles de cuisine
CHIFFRE D'AFFAIRES 2009
305 millions d'euros
EFFECTIF
1 200 salariés
VOLUME D'ACHATS 2009
250 millions d'euros
EFFECTIF ACHATS 10 collaborateurs

 
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Sébastien de Boisfleury

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