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Prestations juridiques: les acheteurs cherchent à faire leurs preuves

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Contraints d'optimiser leur budget, les directeurs juridiques voient d'un mauvais oeil l'intervention des achats. Pourtant, de multiples leviers pourraient les décider à ne plus faire cavalier seul. Décryptage.

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Si les acheteurs ont nettement gagné en légitimité dans l'univers des achats immatériels, il reste un domaine dans lequel ils peinent à faire leurs preuves: les prestations juridiques. Ainsi, pas moins de 89 % des directeurs juridiques pensent que les services achats ne devraient pas jouer un rôle majeur dans le processus de sélection des avocats, selon une étude réalisée en 2009 par Equiteam (cabinet de conseil en recrutement, spécialisé dans les fonctions juridiques) et Profit & Law (conseil en management des métiers juridiques) auprès de 300 professionnels. Pire, seuls 6 % des sondés considèrent l'intervention des acheteurs comme un sujet de préoccupation, signe de l'absence de synergie entre les deux fonctions. «La relation entre un directeur juridique et un avocat repose sur intuitu personae, c'est-à-dire sur des critères subjectifs comme la qualité d'écoute, le relationnel, etc., explique Hélène Trink, consultante chez Profit & Law. Il s'agit donc d'une relation de proximité et de confiance dans laquelle l'acheteur n'a pas toujours la légitimité suffisante pour s' imposer. »

Pourtant, force est de constater qu'un nombre croissant de grands comptes laisse leurs acheteurs s'immiscer progressivement dans cette catégorie. « Cela reste toutefois marginal. Dans ce cas, les acheteurs peuvent apporter un certain savoir-faire en matière de formalisation des process de mise en concurrence», reconnaît Hélène Trink (Proft & Law). Une valeur ajoutée particulièrement appréciable durant cette période de crise. En effet, toujours selon la même étude, près de la moitié des entreprises interrogées ont vu leur budget juridique baisser en 2009, des réductions portant très majoritairement sur les honoraires des avocats (80 %) et les frais de déplacement des juristes (77 %). Plus encore, parmi les méthodes envisagées par les directeurs juridiques pour maîtriser les honoraires, le référencement des cabinets d'avocats - grande spécialité des services achats - caracole en tête (74 %). Autant d'initiatives que les directeurs juridiques préfèrent pourtant mener seuls, sans l'aide des achats. «Les directions juridiques sont habituées à optimiser leur budget de façon autonome et, souvent, ne voient pas pourquoi les acheteurs devraient désormais les assister dans la maîtrise de leurs coûts», explique Hélène Trink.

Halte au cost killing!

Pourtant, une multitude de leviers permettraient d'optimiser la relation entre les deux parties. «En premier lieu, il s'agit de mettre un terme aux pratiques de cost killing, rappelle Xavier Linel, consultant pour Equiteam. Les acheteurs ne peuvent pas sélectionner un cabinet d'avocats en se basant uniquement sur des critères de prix. » Généralement inopportun, le benchmark des prestataires sur l'unique aspect des honoraires s'avère d'ailleurs impossible parfois, «car il faut rapporter ces taux horaires au temps passé par les avocats sur chaque affaire, sans oublier de prendre en compte leur niveau de qualification, leur expérience, etc. », rappelle Hélène Trink (Proft & Law). D'autres aspects entrent en ligne de compte comme le fameux «intuitu personae» et l'expertise reconnue du cabinet. De plus, référencer des cabinets d'avocats est un travail complexe qui ne porte pas toujours ses fruits.

«Lors des appels d'offres, nous recevons parfois des questionnaires d'évaluation conçus par les directions achats. Mais nous rencontrons souvent des difficultés pour les remplir», explique Jean-Marie Léger, avocat associé au sein du cabinet Avens Lehman et Associés, spécialisé dans le droit des affaires. La raison ? «Nos prestations intellectuelles, généralement conçues sur mesure, se prêtent mal à des grilles d'analyse aussi formatées, indique-t-il. Par exemple, les acheteurs nous demandent de définir, à l'avance, le temps nécessaire pour traiter des litiges qui n'ont pas encore eu lieu, ce qui est très difficile à quantifier, excepté pour les contentieux simples et répétitifs. »

Le directeur juridique, seul maître à bord

Pour inciter les cabinets à s engager en amont sur un temps/hommes bien défini, de plus en plus d'acheteurs privilégient le mode de rémunération au forfait plutôt qu'aux honoraires. Une pratique qui doit être maniée avec précaution. Sanctionner systématiquement les cabinets ne respectant pas à la lettre les forfaits sur lesquels ils se sont engagés peut s'avérer contre-productif et générer, in fine, des tensions avec le directeur juridique. Au-delà du degré de complexité propre à chaque affaire, « les procédures judiciaires peuvent être sources d'aléas importants selon les litiges», note Jean-Marie Léger (Avens Lehman et Associés), et donc nécessiter l'emploi de ressources supplémentaires.

Le marché apparaît d autant plus complexe que les modes de collaboration, de rémunération... se conjuguent au pluriel : honoraires sur résultats, remise commerciale sur fin d'année, abonnement à un service de consultation juridique, etc. Sans oublier un dernier point sur lequel l'acheteur doit encore s'aguerrir : la segmentation du marché selon la typologie des prestations (droit des affaires, fiscal, social, fusions- acquisitions, etc.). Face à ces difficultés, l'intervention du client interne reste plus que jamais incontournable, lors du choix du partenaire comme lors du suivi de la relation fournisseur. «Si le directeur achats peut appuyer le directeur juridique, il ne doit en aucun cas se substituer à lui, en particulier lors du référencement des prestataires où ce dernier reste le seul compétent», rappelle Jean-Marie Léger (Avens Lehman et Associés). L'acheteur doit donc savoir laisser le directeur juridique avoir le dernier mot sur certains sujets-clés afin qu'il ne perçoive pas l'intervention des achats comme une entrave à ses prérogatives.

Hélène Trink, Profit & Law

«Les acheteurs peuvent apporter un certain savoir-faire dans la formalisation des process de mise en concurrence.

@ FOTOLIA/JAMES STEIDL/LD

Témoignage: « Nous avons référencé quatre cabinets au niveau mondial »

Depuis plus d un an, Olivier Audino est acheteur prestations intellectuelles au sein du groupe Seb. Il gère notamment l'achat de prestations juridiques. « Auparavant, la direction juridique était autonome dans le choix de ses prestataires et dans le traitement de ses dépenses, ce qui générait des process achats complexes et une gestion peu optimum des coûts », juge-t-il. Avec un panel de 180 cabinets d'avocats au niveau mondial et une absence de visibilité sur près de 50 % des dépenses, l'optimisation de cette famille devenait un enjeu incontournable pour le groupe. « J'ai lancé un appel d'offres au niveau mondial. Quatre cabinets d'avocats ont été sélectionnés, dont deux avec lesquels nous collaborions déjà. Pour garantir la pérennité de la relation, des contrats cadres de trois ans ont été signés. » Désormais, la direction juridique a pour obligation de concentrer près de 85 % de ses dépenses auprès de ces quatre fournisseurs. Une forte réorganisation qui n'a pas suscité l'adhésion de tous les juristes du groupe. « Au départ, certains étaient récalcitrants au changement. Finalement, ils ont pris conscience des avantages de cette organisation en termes de simplification des process de travail. Nous avons privilégié les cabinets dotés d'un réseau intégré à travers le monde et proposant à nos juristes un interlocuteur unique. » Si cette démarche est peu à peu acceptée en interne, c'est également parce qu'elle a été soutenue par le top management de l'entreprise. « La direction générale nous a largement épaulés dans cette action, qui a toujours été menée en partenariat entre les achats et la direction juridique. Jamais notre client interne n'a été exclu du process achats, du sourcing à la négociation, sans oublier le choix des prestataires. »


GROUPE SEB
Activité
Fabricant de petits électroménagers
chiffre d'affaires 2009
3,2 milliards d'euros
effectif
19 000 salariés
volume d'achats 2009
1 milliard d'euros
effectif achats
110 collaborateurs

 
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Charles Cohen

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