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Les vêtements pro ont la fibre innovante

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Troubles musculosquelettiques, conditions extrêmes de travail... les entreprises doivent veiller à la sécurité, à la santé et au bien-être de leurs salariés. Comment les fabricants stimulent-ils l'innovation? Où en sont les recherches sur les textiles intelligents? Quelles sont leurs applications?

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@ PERFORMANCE

«Pour notre personnel autoroutier travaillant au péage et à l'accueil clients, nous avons opté pour le gilet Soft Shell de Mulliez-Flory, qui comporte une membrane céramique. Ce matériau permet de mieux récupérer après l'effort, d'apaiser les douleurs musculosquelettiques tout en améliorant l'équilibre», s'enthousiasme Pierre Fabre, directeur achats et qualité du groupe Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APPR). Enjeu de santé publique, les TMS (troubles musculosquelettiques) représentent la première cause de maladie professionnelle, d'après les statistiques 2008 du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé. A l'instar du groupe APPR, de nombreuses entreprises font de la sécurité des salariés sur leur lieu de travail une priorité. Il est grand temps, car certaines données officielles sont inquiétantes. Selon l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité) et le portail du ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, l'exposition professionnelle aux substances chimiques serait responsable de près de 30 % des maladies professionnelles reconnues en Europe. Des chiffres qui montrent le chemin qu'il reste à parcourir... et sans délai.

Moins de normes, plus d'innovations

«Les vêtements professionnels - à bien distinguer des équipements de protection individuelle (EPI) - sont moins contraints par la normalisation, ce qui rend possibles nombre d'innovations», explique Jean-Baptiste Dione, consultant au sein du cabinet Serenia. Les différentes recherches menées pour le mieux-être du collaborateur et une protection accrue contre les risques au travail portent principalement sur le confort du vêtement (thermorégulation, gestion de la transpiration), sur la sécurité de l'utilisateur (rétroréflexion, protections anti-moustiques et anti-insectes piquants... ) et enfin sur la protection de l'environnement. Pour favoriser l'innovation, les confectionneurs ont constitué des groupes de réflexion spécialisés. Mulliez-Flory dispose ainsi d'un département achats pour l'apport d'innovations, couplé à un laboratoire de test interne et composé d'environ 16 personnes. TDV Industries a monté une cellule baptisée «veille-recherche-innovation» tandis qu'Initial a mis en place un service développement recherche de deux personnes en France. «Nous effectuons de la veille et testons régulièrement nos prototypes», résume Céline Maillard, chef de marché EPI chez Initial.

zoom
L'industrie, le secteur médical et le transport en tête de liste

D'après l'étude menée par le Sessi, centre national d'enquêtes statistiques, pour le compte du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en 2007, la France est le deuxième producteur européen de textiles techniques derrière l'Allemagne et devant des pays à forte tradition textile comme l'Italie et le Royaume-Uni. Avec un chiffre d'affaires d'environ 3,5 milliards d'euros, 380 entreprises et 19 000 salariés en France, ces tissus particuliers représentent plus de 35 % de la production textile totale en France. L'industrie est le premier secteur d'application de ces vêtements, elle pèse 45 % du chiffre d'affaires de la filière. Viennent ensuite le secteur médical (15 %), le transport (12 %) et la protection individuelle (9 %). Les unités de production sont essentiellement localisées dans l'Est et le Nord de la France, à proximité des deux régions-phares du textile: Rhône-Alpes et le Nord- Pas de Calais. Des projets européens - comme Mapi - portant sur les textiles intelligents capables de surveiller la surcharge musculaire et de lutter contre les TMS ont été développés. Des capteurs intégrés dans les textiles permettraient de suivre en continu l'activité musculaire des individus.
Les pôles de compétitivité comme UP-tex dans le Nord-Pas de Calais, Techtera en Rhône-Alpes ou Fibres naturelles Grand-Est en Alsace-Lorraine fédèrent les industriels, les centres de recherche et de formation. Autre acteur remarquable, le laboratoire français Génie et matériaux textiles (Gemtex), pôle d'excellence en matière de R & D, né au sein de l'Ecole nationale supérieure des arts et industries textiles (Ensait).

Confort thermique et visibilité

Dans des environnements de travail soumis à des températures extrêmes (chaud ou froid), la gestion de la thermorégulation du corps est essentielle. Ces innovations sont souvent issues du monde du sport. «Les vêtements imperméables et respirant sont tendance. Ils doivent à la fois apporter une protection thermique et laisser s'évacuer la transpiration», explique Patrick Lafay, à la tête de Chatard, fabricant de vêtements professionnels. Pour sa part, TDV Industries développe des tissus nommés Eden et Oasis, permettant de conserver la chaleur par isolation thermique tout en jouissant d'une sensation de fraîcheur provoquée par évaporation de l'humidité. Ces propriétés sont le fait de l'utilisation de la fibre Termocool, mélange de fibres creuses et de fibres multicanal.

En extérieur (chantiers, travaux, logistique, tarmacs...) les problématiques sécuritaires sont différentes. Ainsi, la société Chatard a mis au point le Clim Shirt R+ protect, un tee-shirt manches longues avec une protection UV contre les risques de brûlures solaires, associé à de la haute-visibilité. Une notion vitale, au sens premier, pour les agents d'entretien, d'exploitation ou d'intervention nocturne. Jusqu'alors, les phares des voitures rendaient visibles le personnel travaillant sur les bas-côtés, la nuit. C'était grâce à la technologie dite des microprismes ou des matériaux rétroréfléchissants, forcément limitée puisqu'elle exige la présence d'une source lumineuse pour être active. Désormais, on s'oriente vers la confection de gilets lumineux dits photoluminescents: les gilets brillent sans apport extérieur de lumière et garantissent une meilleure sécurité. TDV Industries propose des tissus traités qui se chargent à la lumière du jour ou à l'aide d'une lumière artificielle. Une fois plongés dans l'obscurité, ils restent visibles au moins 8 heures.

Jean-Baptiste Dione, Serenia

«Contrairement aux EPI, les vêtements professionnels sont moins contraints par la normalisation, ce qui rend possibles nombre d'innovations. »

Stop aux mauvaises odeurs!

Côté hygiène, l'innovation est aussi de mise. Le fabricant Mulliez-Flory propose une gamme antibactérienne qui prévient le développement de mauvaises odeurs. Le vêtement enferme les émanations comme la transpiration, la cigarette ou la friture, dans des molécules «cages spéciales» insérées dans le tissu. Ces dernières libèrent ces mauvaises odeurs lors du lavage. Ce concept a été élaboré pour les métiers de l'hôtellerie-restauration ou des services aux entreprises. Une autre gamme, baptisée Pemtec, promet d'éloigner les moustiques et les tiques grâce à son tissu aux fibres imprégnées de perméthrine. Non toxique pour le porteur, cette substance est employée dans les pays tropicaux où sévit le paludisme. Un type de vêtements très utile aux agents d'entretien des espaces verts, ouvriers du BTP jardiniers, gardes-chasses, métiers de l'agriculture et forestiers... Autres nouvelles matières, celles permettant d'élaborer des tissus - «teintés» de développement durable - plus résistants au lavage et aux conditions de travail. «Il existe une forte demande en matériaux innovants et notamment l'association de tissus et de matières», confirme Céline Maillard d'Initial. Parmi les tissus hybrides, on trouve le polycoton composé à 65 % de coton et 35 % de polyester qualifié d'infroissable: résistant mécaniquement, il peut se laver plus souvent que la fibre naturelle. Autre grand classique, Nomex de Dupont-Nemours. Il s'agit d'un matériau créé à partir d'une fibre aramide offrant de bonnes performances multirisques (flamme et chaleur, antichimique, isolant électrique, antistatique).

@ TDV INDUSTRIES

Nanotubes et capteurs photovoltaïques

Pour Philippe Guermonprez, responsable du service textile intelligent à l'Institut français du textile et de l'habillement (IFTH), «encore peu de technologies misent en oeuvre pour les textiles intelligents sont présentes dans les vêtements professionnels», principalement à cause leur complexité. C'est le cas des nanotechnologies appliquées au textile, et en particulier des nanotubes carbones (CNT) aux propriétés multiples (hyperconductivité électrique, conductivité de la chaleur, dureté...) que l'on saura exploiter dans divers environnements professionnels. Dans le cadre d'un projet européen baptisé ProeTEX (protection e-Textiles), des gammes sont développées avec l'objectif de monitorer, grâce à des nanocapteurs, les signes vitaux (température du corps, rythme cardiaque, amplitude respiratoire, analyse de la sueur, taux d'oxygène dans le sang) du porteur du vêtement - on pense en premier lieu à un ensemble veste et sous-vêtements destinés aux pompiers. Une autre veste, comportant un GPS et des capteurs de gaz nocifs, est à l'étude. Dans un registre différent, des airbags intégrés aux pantalons et vestes diminueraient les conséquences des chutes pour les salariés du BTP par exemple. Des recherches sont conduites sur un équipement photovoltaïque pour vêtements professionnels. L'ouvrier d'une compagnie pétrolière travaillant dans le désert aurait ainsi la possibilité de recharger les batteries de ses appareils grâce à ses vêtements. «Des prototypes sont en cours d'élaboration et de test. Nous espérons des retours sur investissement rapides pour financer la recherche et aller plus loin dans nos travaux», conclut Philippe Guermonprez.

@ ARCELORMITTAL

Témoignage
«Notre cahier des charges européen tient compte des spécificités locales»

«Nos vêtements professionnels concernent plus de 100 000 collaborateurs d'ArcelorMittal à travers l'Europe », explique Guillaume Jegousse, global buyer supply contracts & spare parts chez ArcelorMittal. Un défi à relever pour le service achat et pour les fournisseurs, en raison des différences locales pratiquées et des contraintes normatives de sécurité et de protection. Le cahier des charges doit tenir compte des standards liés aux risques antifeu, chimiques et électriques, ainsi qu'aux risques mineurs, mais aussi des exigences du lavage industriel (températures, résistance, etc.). «Notre cahier des charges européen tient compte des spécificités culturelles locales, notamment en Espagne et en Allemagne, (épaisseur, type de tissu, etc.)», détaille Guillaume Jegousse.
Les salariés d'ArcelorMittal sont amenés à travailler dans des environnements dangereux où se trouvent des produits fortement inflammables. Ils sont également confrontés à des risques de projection de métal en fusion. «Le processus de choix du vêtement de nos collaborateurs passe par une négociation interne entre les différents services de l'entreprise», décrit Guillaume Jegousse. Des experts techniques se réunissent pour réfléchir sur l'habit et son design. Ce projet est véritablement mené par les achats groupe, responsables de la coordination et de l'animation du réseau interne au niveau des prescripteurs (la cellule centrale santé et sécurité, les responsables sécurité des sites, etc.). ArcelorMittal travaille ensuite en direct avec les fabricants, ou avec des spécialistes du nettoyage industriel de vêtements qui en proposent la location. «Nous partons sur un vêtement entièrement nouveau», explique l'acheteur. TDV Industries a créé spécialement pour les salariés d'ArcelorMittal un tissu 80 % coton, 20 % polyester avec une fibre nouvelle permettant de fabriquer une tenue résistante aux risques d'abrasion, en remplacement du 100 % coton. La norme en vigueur, dite EN 531, comporte différents niveaux de sécurité (soit E1, E2, E3, etc.). Si le cahier des charges d'ArcelorMittal requiert un niveau minimum E2, grâce à l'innovation apportée par TDV, ce vêtement a pu obtenir la note supérieure E3 lors des tests de certification par un organisme externe.

ArcelorMittal

ACTIVITE Groupe sidérurgique
CHIFFRE D'AFFAIRES 2009 65,1 milliards de dollars (47,8 milliards d'euros)
EFFECTIF GLOBAL MONDIAL 287 000 collaborateurs
VOLUME D'ACHATS 2009 200 millions d'euros en Europe
EFFECTIF ACHATS Environ 50 personnes au niveau européen

 
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Marie-Amélie Fenoll

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