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Les recettes d'un bon sourcing

Publié par La rédaction le

Facteur d'économies non négligeables, le sourcing en Chine n'est pas sans dangers potentiels. Il exige de la part des acheteurs une grande vigilance, aussi bien lors du choix du prestataire que dans le suivi de la relation fournisseurs.

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Simona Ferri, LowendalMasaï

«Les entreprises chinoises ont fait beaucoup de progrès et sont en mesure de proposer des produits complexes, conçus via des technologies très avancées. »

Acheter en Chine pour réduire ses coûts. Voici une pratique qui a le vent en poupe depuis plusieurs années déjà, en France comme dans d'autres pays occidentaux. Un bon sourcing dans ce pays permettrait de réaliser des économies d'environ 20 à 25 %, selon une étude réalisée en 2008 par Dragon Sourcing. « Le montant des économies réalisables est très variable selon les secteurs », rappelle toutefois Richard Laub, directeur du cabinet Dragon Sourcing. Si les gains s'élèvent parfois à 10 % dans la grande distribution, ils peuvent avoisiner 30 % ou 40 % dans d'autres domaines. Autre motivation pour partir à la conquête de ce pays: la possibilité d'obtenir des capacités de production supplémentaires. « En Europe, moult secteurs, notamment industriels, sont en déclin alors que la Chine peut s'enorgueillir d'un outil de production efficace, facteur de gains de productivité non négligeables », constate Chun Ling Perroud, présidente du cabinet lyonnais Access Asia. Des capacités de productions importantes qui favorisent l'innovation tant recherchée par les directions achats. « Les entreprises chinoises ont fait beaucoup de progrès en matière de R & D. Elles sont en mesure de proposer des produits complexes, conçus via des technologies très avancées », soutient Simona Ferri, Managing Director du bureau de Shanghai de LowendalMasaï, cabinet de conseil en optimisation des coûts.

Si l'empire du Milieu recèle de nombreux avantages, reste toutefois un hiatus de taille: savoir dénicher le fournisseur adéquat. Or, lancer un bon programme de sourcing en Chine relève souvent de la gageure! « Trouver un prestataire dans ce pays est un process long et compliqué, parfois source de dangers », prévient Florian Chauvin, associé fondateur du cabinet Kepler. Il vaut mieux éviter certains écueils, comme un benchmark opportuniste. « Lorsqu'une entreprise lance un programme de sourcing en Chine, elle doit vraiment s'en donner les moyens », indique Richard Laub (Dragon Sourcing). Exit les acheteurs qui formulent des demandes de cotation auprès des fournisseurs chinois, simplement pour mieux renégocier les prix avec leurs propres partenaires occidentaux. « Eloignée du véritable sourcing cette démarche ne contribue pas à développer le marché fournisseurs local et décrédibilise totalement les acheteurs occidentaux », analyse le consultant.

Soigner la sélection des prestataires...

Même lorsque les entreprises s'engagent dans une véritable démarche de sourcing, le parcours du combattant est loin d'être terminé. Car les possibilités de référencement en Chine sont diverses: Internet, salons spécialisés... Autant de solutions qui ne font pas toujours l'unanimité. « Combien d'acheteurs ont eu des déconvenues parce qu'ils ont acheté des produits chinois directement sur le Net?, questionne Chloé Ascencio, directrice du cabinet de formation Management interculturel Chine et coauteur du livre Etre efficace en Chine (éditions Pearson). Il s'agit d'une pratique génératrice de risques non négligeables: arnaques, produits contrefaits ou de mauvaise qualité, etc. ».

L'autre possibilité consiste alors à miser sur les salons, généralistes ou sectoriels, qui se tiennent régulièrement dans une vingtaine de grandes villes chinoises. « Ces rendez-vous sont particulièrement utiles pour se créer un carnet d'adresses. Mais ils ne constituent pas un gage de fiabilité des fournisseurs sur le long terme, notamment parce que toutes les entreprises chinoises peuvent y exposer, des plus sérieuses aux plus douteuses », précise Chun Ling Perroud (Access Asia).

S'il n'y a pas de méthode miracle, reste une stratégie particulièrement prisée par les acheteurs: passer par un bureau d'achats basé en Chine, aguerri aux spécificités du marché fournisseur local. Une solution que les entreprises préfèrent généralement externaliser pour des raisons de coûts et de souplesse, même si certaines décident de créer leur propre structure. « Dès que le volume d'achats alloué en Chine dépasse 15 ou 20 millions d'euros, il devient rentable de disposer de son propre bureau », rappelle Camille Verchery, directeur général de VVR International.

Au final, la structure a pour rôle de développer l'accompagnement des fournisseurs chinois sur le terrain. Un travail chronophage et énergivore, mais très souvent nécessaire. « En effet, l'une des clés du succès de l'achat en Chine est d'encadrer les fournisseurs lors de chaque étape du process achats et de privilégier une collaboration étroite sur le long terme afin qu'elle soit la plus pérenne et fructueuse possible », explique Florian Chauvin (Kepler).

Ainsi, lors de la réception des dossiers de candidatures à un appel d'offres, les professionnels du secteur conseillent de procéder à un audit pour contrôler la qualité de l'outil de production du prestataire. Puis une fois le fournisseur sélectionné, il convient de l'accompagner lors des phases de production mais aussi au niveau du contrôle qualité, des livraisons, etc. Autrement dit, d'établir un suivi opérationnel de A à Z afin de s'assurer que le produit réalisé répond bien au besoin initial.

Bien acheter en Chine est donc loin d'être facile! D'autant que les gains générés par l'achat dans un tel pays ne sont pas systématiques. « Avant même d'engager un programme de sourcing dans l'empire du Milieu, les entreprises doivent mener une étude de cadrage en amont pour s'assurer de l'opportunité d'acheter dans ce pays », conseille Florian Chauvin (Kepler). Car si les Chinois ont su se diversifier sur un nombre croissant de marchés (automobile, électronique, aéronautique, etc.), ils restent encore peu performants sur quelques prestations. « Certains produits nécessitent une forte proximité ou réactivité du prestataire, et ne peuvent donc s'acheter, par définition, que localement », rappelle Richard Laub (Dragon Sourcing).

Témoignage :«Nous évaluons nos fournisseurs selon des normes éthiques»

Cela fait cinq ans que Bayer, groupe chimique allemand, dispose de son propre bureau d'achats à Shanghai. «Nous avons développé nos achats en Chine afin de bénéficier de l'offre fournisseurs éclectique et compétitive que propose ce pays. Une stratégie qui nous a permis d'améliorer notre performance achats en réduisant massive ment nos coûts», explique Bernard Ravel, directeur supply chain au sein de l'entreprise. Composé de trois acheteurs, deux Chinois et un Indien, ce bureau a pour mission de gérer l'ensemble des process achats : définition et qualification des besoins, sourcing des fournisseurs... Un travail que supervise le directeur supply chain, avec des visites de contrôle très régulières. «Notre objectif est de travailler avec les fournisseurs les plus fiables. C'est pourquoi nous consacrons beaucoup de temps pour créer une relation de confiance et de proximité avec eux.» Un contact très étroit qui passe notamment par un travail complet de vérification de la qualité des produits. «Au-delà du respect des différentes spécifications des composés, nous veillons à ce que les conditions de travail des salariés correspondent à nos principes éthiques. De fait, nous évaluons systématiquement chacun de nos partenaires selon des normes QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) », conclut Bernard Ravel.
Bayer CropScience :
ACTIVITE
Chimie
CHIFFRE D'AFFAIRES FRANCE 2009
583 millions d'euros
EFFECTIF
800 salariés
EFFECTIF ACHATS
10 collaborateurs

... et des prestations!

Autre bonne pratique à adopter: privilégier l'achat de produits 100 % manufacturés. « Il faut notamment acheter en Chine les prestations où l' intervention de la main-d'oeuvre dans le cycle de production est importante. Cela peut favoriser une réduction des coûts sur l'ensemble du process industriel », souligne Camille Verchery ( VVR International). Une alternative dont l'efficacité est toutefois à nuancer, du fait de l'augmentation récente des coûts de production chinois, d'environ 15 % en 2009 (contre 10 % en 2008), due aux hausses des salaires de la main-d'oeuvre locale et du prix des matières premières, selon une étude réalisée par le cabinet Booz & Company. « D'où l'intérêt de bâtir en amont un plan d'actions afin de bien hiérarchiser les produits, de façon à privilégier ceux qui apporteront un vrai gain pour l'entreprise », indique Florian Chauvin (Kepler). Une manière aussi de dégager les solutions les moins coûteuses d'un point de vue logistique. « Les frais de transport sont une variable déterminante. S'ils dépassent 15 % du coût total, il devient alors nécessaire d ' étudier l' intérêt d'acheter en Chine », prévient Camille Verchery ( VVR International).

Florian Chauvin Kepler

«Trouver un prestataire dans ce pays est un process long et compliqué, parfois source de dangers. »

Des critères RSE pointus

Toujours au niveau logistique, l'entreprise devra plancher sur d'autres impondérables qui peuvent fortement impacter sa stratégie supply chain: taxes à l'importation et loi antidumping fixées par l'Union européenne, quotas existants, etc. Sans oublier la question de la conformité des produits. « L'Union européenne édicte régulièrement des lois en la matière. L'entreprise doit donc effectuer une veille juridique régulière pour garantir la conformité des produits chinois aux normes éventuellement modifiées », complète Florian Chauvin (Kepler). Or, il s'agit d'un des aspects les plus critiques. « Les standards chinois sont différents des nôtres. Ils accordent une tolérance beaucoup plus large sur les caractéristiques techniques des produits et les niveaux de qualité. Une différence d'appréciation qui se retrouve également dans d'autres domaines comme les normes de sécurité, d'hygiène, les conditions de travail... », alerte Camille Verchery ( VVR International). Les entreprises doivent donc redoubler de vigilance en évaluant chaque fournisseur au travers de critères RSE pointus. Certains bureaux d'achats intègrent également ces exigences dans leurs grilles d'analyse en s'inspirant de la SA 8000, la norme de responsabilité sociale de l'entreprise. Une pratique qui révèle toute l'ambiguïté de l'achat en Chine: profiter d'un pays avec une législation plus «souple» et des produits moins chers, tout en évitant de tomber dans un dumping social et environnemental des plus dégradants.

Témoignage: Les malentendus avec les fournisseurs chinois peuvent être très fréquents

« Bien ficeler son cahier des charges sur tous les aspects, qu'ils soient techniques ou logistiques, et contrôler la chaîne de création de valeur de A à Z», tels sont les ingrédients d'une politique achats en Chine réussie, selon Olivier Morteyrol, responsable achats au sein de SAS (Sanitaire Accessoires Services). «Avant de nous engager dans une telle démarche, nous avons veillé à délimiter le périmètre à traiter, afin d'exprimer le besoin le plus explicite possible, puis de fixer des objectifs de productivité clairs et réalistes dans un timing précis », se souvient Olivier Morteyrol, qui effectue depuis trois ans une partie non négligeable de ses achats dans l'empire du Milieu. Un chiffre confidentiel cependant. Pour optimiser son sourcing, l'entreprise s'est appuyée sur un bureau d'achats implanté à Shanghai. «Avec des effectifs achats plutôt réduits, nous n'avions pas les ressources suffisantes pour se lancer dans une recherche aléatoire de fournisseurs sur place et, par conséquent, de mettre en place un monitoring pertinent sur cette relation fournisseur. Nous avons donc délégué ce travail à un spécialiste local des achats, qui est devenu un véritable partenaire. » Au-delà du sourcing, le bureau d'achats se charge d'effectuer tous les contrôles de conformité. «Avant le départ des marchandises, mon interlocuteur attitré réalise une inspection finale des produits emballés afin de s'assurer de leur qualité et du respect de nos spécifications. Cette dernière phase valide l'expédition des produits et évite les mauvaises surprises. » Et d'ajouter: « Il est primordial de verrouiller toutes les étapes de réalisation des produits car les malentendus avec les fournisseurs chinois peuvent être très fréquents, en particulier lorsque le cahier des charges évolue au fil du temps. » Pour rappel, SAS collabore aujourd'hui avec près de sept fournisseurs chinois, des partenaires stratégiques avec lesquels l'entreprise a su bâtir une relation d'affaires solide.
SAS
ACTIVITE
Equipements sanitaires
CHIFFRE D'AFFAIRES FRANCE 2009
36 millions d'euros
EFFECTIF
190 salariés
VOLUME ACHATS 2009
21 millions d'euros
EFFECTIF ACHATS
4 collaborateurs

 
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