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Le marché du gardiennage en pleine restructuration

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Après des exercices fastes en 2001 et 2002 - effet 11 septembre oblige - le secteur de la sécurité privée a subi de plein fouet la vague de concentration venue pallier une conjoncture défavorable: inflation sur les coûts de revient liée aux 35 heures, marges compressées, concurrence déloyale... et, dès 2008, obligation de former le personnel.

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A l'instar des secteurs de l'intérim et de la propreté, celui de la sécurité humaine est en passe de subir d'importantes transformations.

A l'instar des secteurs de l'intérim et de la propreté, celui de la sécurité humaine est en passe de subir d'importantes transformations.

A l'image des exercices précédents, l'année 2007 s'annonce extrêmement difficile pour les sociétés de sécurité humaine. «L'ensemble du secteur souffre, aussi bien les petites structures que les poids lourds, confirme Pierre Brajeux, vice-président du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes) et p-dg deTorann France, société spécialisée dans le gardiennage. Le secteur de la sécurité humaine est en pleine crise. Le métier se transforme rapidement, violemment, à l'image de ce qu'ont connu, il y a quelque temps, les secteurs de la propreté ou de l'intérim.» Signe de la réelle évolution de ce marché, quelque 1 000 disparitions d'entreprises sont enregistrées chaque année, pour 4000 répertoriées. Et 28 % d'entre elles affichent des pertes. «Un vaste mouvement de concentration est en train de s'opérer et devrait, à terme, ramener à 2000 le nombre d'entreprises opérant sur le secteur», ajoute Pierre Brajeux. La structuration, certes douloureuse, semble un mal nécessaire pour retrouver rapidement le chemin de la croissance.

Une main-d'oeuvre sous qualifiée et coûteuse

Mais les maux dont souffre le monde de la sécurité humaine vont au-delà de ces actions de concentration et de structuration. «Depuis la loi sur les 35 heures et les accords de branches professionnelles qui ont suivi, le marché de la sécurité humaine est déstabilisé», affirme Gérard Bec, p-dg de Mayday Sécurité. Les 35 heures auraient en effet entraîné une hausse de 10 % des coûts de la main- d'oeuvre. Difficile dans ces conditions de dégager des marges. Pour Claude Tarlet, président du syndicat Union des entreprises de sécurité privée (USP), «les entreprises sont confrontées depuis plusieurs années à de graves difficultés pour répercuter leurs coûts, en particulier sociaux.» L'autre syndicat patronal, le Snes, dénonce ces dérives et notamment l'accord salarial du 17 octobre 2006 signé par l'USP qui prévoit des augmentations de salaires de l'ordre de 4 %. Rien que pour l'exercice 2007, le Snes déplore, tout cumulé, une hausse de 6,7 % de ces coûts.

Le milieu pâtit également de la sous- qualification de sa main-d'oeuvre. La loi du 18 mars 2003, son décret d'application du 6 septembre 2005, modifié le 7 septembre 2006, ainsi que la branche professionnelle, ont fixé des exigences nouvelles pour les salariés en termes de formation. A partir du 1er janvier 2008, ils devront justifier d'une aptitude professionnelle préalable, en suivant notamment quelque 70 heures de formation. «Cette mesure représente une véritable barrière à l'entrée des métiers de la sécurité, avec comme conséquence une pénurie de main-d'oeuvre, craint Pierre Brajeux. Plutôt que de privilégier une évolution de carrière, il a été décidé de restreindre l'entrée. Nous devrions donc assister au débauchage d'agents déjà certifiés.» Les jeunes non qualifiés, principal vivier de ces entreprises, pourraient désormais se tourner vers d'autres secteurs proposant les mêmes salaires sans les contraintes. Gérard Bec (Mayday Sécurité) conçoit néanmoins que «cette obligation puisse permettre une professionnalisation d'un marché qui n'est toujours pas structuré. Mais le problème est aussi de savoir comment les pouvoirs publics vont vérifier que tous appliquent bien cette disposition.» L'OPCIB, l'organisme collecteur des contributions formation des entreprises du secteur, confirme qu'elles doivent aujourd'hui «faire face à des difficultés de recrutement et de fidélisation de leurs salariés. De ce fait, la question de la professionnalisation, par le biais de la formation, est essentielle pour le secteur, les clients étant de plus en plus exigeants sur la qualification du personnel.»

Claude Tarlet, USP

«Les entreprises sont confrontées à de graves difficultés pour répecuter les coûts sociaux.»

Les achats mis en cause

Quoi qu'il en soit, ces exigences de formation vont représenter un coût supplémentaire. Comme le souligne Claude Tarlet, «ces coûts vont s'ajouter à ceux résultant des obligations légales, notamment l'évolution du Smic, et vont devoir nécessairement être répercutés sur les clients.» Or dans un contexte de guerre des prix, la pilule devrait avoir du mal à passer auprès des directions achats, de plus en plus impliquées dans le processus aux côtés des clients internes que sont les directeurs de la sécurité, ceux des services généraux, etc. «Cette hausse des prix provoque le réveil des services achats des entreprises. Désormais, ces derniers accompagnent de plus en plus les directeurs de la sécurité. Leur rôle est logiquement de faire jouer la concurrence, de baisser les prix... Evidemment, ils veulent toujours des prestations moins chères. Mais il nous est impossible de descendre trop bas!», lance, non sans agacement, Gérard Bec.

La profession regrette donc que l'achat d'une prestation de sécurité privée ne soit appréhendé que sous un angle financier par un certain nombre de donneurs d'ordres. «Or il est clair que ce type de prestation ne peut se réduire qu'à ce seul critère, beaucoup trop réducteur», fustige Claude Tarlet, dirigeant de la société SOS Sécurité. Pourtant, des prestataires peu scrupuleux entretiendraient cette tension sur les prix, en acceptant des tarifs déloyaux situés en dessous du prix de revient d'un agent. «Les acheteurs oublient, soit par ignorance, soit par seul souci d'économies, qu'une prestation de sécurité comporte, au-delà de ses coûts de mise en place, une réelle valeur ajoutée qui sanctionne le savoir-faire et la compétence de l'entreprise dans son domaine d'activité», assure Claude Tarlet. Il est donc reproché aux acheteurs de s'attacher à un prix et non pas au rapport qualité/prix.

Pour l'USP, il appartient aux entreprises de vendre cette valeur ajoutée à son juste niveau. A l'inverse, Gérard Bec (Mayday Sécurité) plaide pour que «les clients internes puissent mettre leur veto lorsque les achats vont trop loin». Une situation des plus inconfortables à laquelle les prestataires ne semblent pas trouver de parade. «Il faut éclairer la lanterne des clients, lance de son côté Pierre Brajeux du SNES. Depuis les 35 heures, la profession a bien matraqué les clients au niveau des prix.

La hausse des coûts salariaux est de plus en plus difficile à faire accepter. Cependant, cela n'empêche pas certains acheteurs de procédera des achats intelligents.»

Gérard Bec, Mayday Sécurité

«Depuis la loi sur les 35 heures et les accords de branches professionnelles, le marché de la sécurité humaine est déstabilisé.»

Un assainissement du secteur plus que nécessaire

Les exercices à venir ne s'annoncent donc pas sous les meilleurs auspices pour les prestataires. Tout le milieu semble concerné, même les opérateurs multiservices qui semblaient jusqu'ici à l'abri. Ces derniers sont allés vers le secteur de la sécurité, pensant pouvoir optimiser et rationaliser leurs coûts, en utilisant les synergies entre leurs différentes activités. Or, l'euphorie des derniers exercices passée, leurs opérations de rachat se sont fortement ralenties. «On peut imaginer qu'ils n'ont pas trouvé dans l'activité sécurité la rentabilité et le profit qu'ils en attendaient», analyse Claude Tarlet.

Certains vont jusqu'à envisager cinq années de crise supplémentaires. Bon nombre d'entreprises se trouveraient confrontées à des difficultés du fait du manque de rentabilité et de la quasi- absence de marge. Pour Claude Tarlet (USP), «le contexte dans lequel nous évoluons est bipolaire. Soit les prestataires que nous sommes mettent en oeuvre la nécessaire professionnalisation du métier et le font savoir lors des négociations avec les acheteurs. Soit nous ne savons pas le faire et nous allons vers une paupérisation du secteur, avec un développement de pratiques anarchiques en marge de la légalité.» L'avertissement est lancé. Aux acheteurs de renforcer leurs compétences et aux prestataires de les convaincre qu'ils vendent autre chose que des muscles.

12 questions à se poser avant d'acheter de la sécurité privée

1. L'entreprise prestataire de sécurité privée a-t-elle un numéro de déclaration à la Préfecture du département (loi 83-629 du 12 juillet 1983)?
2. Le personnel affecté sur le site est-il déclaré, rémunéré selon la Convention collective et les accords paritaires résultant de la nouvelle «plateforme sociale de la sécurité privée» d'octobre 2000? L'entreprise prestataire paie-telle ses charges sociales et fiscales?
3. Quel type de qualification m'est proposé?
4. Le personnel affecté sur le site est-il formé au métier de la sécurité?
5. Qui va former le personnel affecté sur le site à la spécificité du poste de travail?
6. Que se passe-t-il si l'agent affecté sur le site est absent?
7. Le personnel affecté sur le site est-il contrôlé et comment l'est-il?
8. L'entreprise prestataire a-t-elle une permanence 24h/24 et 365 jours par an? Si oui, quel est son numéro de téléphone?
9. Quel contrat me propose-t-on?
10. L'entreprise prestataire dispose-t-elle d'une assurance responsabilité civile?
11. L'entreprise prestataire, dans le cadre de son contrat, s'engage-t-elle à rédiger et actualiser des consignes d'applications?
12. Et enfin, l'entreprise prestataire sous-traite-t-elle et dans quelles proportions?
(Source: Syndicat national des entreprises de sécurité, Snes)

 
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Damien Chalon

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